12 août 2024
Une double appartenance
Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous explique le rapport qu’a Jésus aux autorités économiques de notre monde et la liberté qu’offre l’appartenance au Royaume de Dieu face à elles.

LIVRE DU PROPHÈTE ÉZÉKIEL (1, 2-6.24-28c)
Le cinq du mois, la cinquième année de la déportation du roi Jékonias, la parole de Dieu fut adressée à Ézékiel, fils du prêtre Bouzi, dans le pays des Chaldéens, au bord du fleuve Kebar. La main du Seigneur se posa sur lui.
J’ai vu : un vent de tempête venant du nord, un gros nuage, un feu jaillissant et, autour, une clarté ; au milieu, comme un scintillement de vermeil du milieu du feu. Au milieu, la forme de quatre Vivants ; elle paraissait une forme humaine. Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes.
J’entendis le bruit de leurs ailes, pareil, quand ils marchaient, au bruit des grandes eaux, pareil à la voix du Puissant, une rumeur comme celle d’une armée. Lorsqu’ils s’arrêtaient, ils laissaient retomber leurs ailes.
On entendit un bruit venant de plus haut que le firmament qui était au-dessus de leurs têtes. Au-dessus de ce firmament, il y avait une forme de trône, qui ressemblait à du saphir ; et, sur ce trône, quelqu’un qui avait l’aspect d’un être humain, au-dessus, tout en haut.
Puis j’ai vu comme un scintillement de vermeil, comme l’aspect d’un feu qui l’enveloppait tout autour, à partir de ce qui semblait être ses reins et au-dessus. À partir de ce qui semblait être ses reins et au-dessous, j’ai vu comme l’aspect d’un feu et, autour, une clarté. Comme l’arc apparaît dans la nuée un jour de pluie, ainsi cette clarté à l’entour : c’était l’aspect, la forme de la gloire du Seigneur. À cette vue, je tombai face contre terre.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (17, 22-27)
En ce temps-là, comme Jésus et les disciples étaient réunis en Galilée, il leur dit : « Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, le troisième jour, il ressuscitera. » Et ils furent profondément attristés. Comme ils arrivaient à Capharnaüm, ceux qui perçoivent la redevance des deux drachmes pour le Temple vinrent trouver Pierre et lui dirent : « Votre maître paye bien les deux drachmes, n’est-ce pas ? » Il répondit : « Oui. »
Quand Pierre entra dans la maison, Jésus prit la parole le premier : « Simon, quel est ton avis ? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils les taxes ou l’impôt ? De leurs fils, ou des autres personnes ? » Pierre lui répondit : « Des autres. » Et Jésus reprit : « Donc, les fils sont libres. Mais, pour ne pas scandaliser les gens, va donc jusqu’à la mer, jette l’hameçon, et saisis le premier poisson qui mordra ; ouvre-lui la bouche, et tu y trouveras une pièce de quatre drachmes. Prends-la, tu la donneras pour moi et pour toi. »
Homélie
La portée du message évangélique du jour peut facilement nous échapper. La réflexion que fait Jésus sur la taxe religieuse que devaient payer tous les juifs, autant les enfants que les adultes, peut nous paraître étrange au premier abord.
Il faut se rappeler qu’Israël, comme tous les peuples dominés par l’empire romain, devait verser plusieurs formes de taxe ou d’impôt : impôt sur les produits agricoles, impôt sur les produits de la pêche et taxe sur les échanges commerciaux. À cela venait s’ajouter une taxe religieuse annuelle. Cette taxe était humiliante pour les Israélites, car elle avait pour objectif de soutenir non seulement l’entretien des lieux de culte juifs mais aussi les lieux de culte païens. Les citoyens romains, eux, n’avaient pas à payer cette taxe. C’est dans ce contexte que Jésus se prononce sur le paiement de la taxe religieuse.
De fait, Jésus vient aider ses disciples à bien faire la différence entre le pouvoir civil (avec ses lois et ses règles) et le règne de Dieu. De manière plus ou moins voilée, il vient leur laisser entendre qu’ils ne sont pas que des sujets du pouvoir impérial romain. Ils appartiennent en même temps à un Royaume supérieur, au Royaume de Dieu. C’est pour cette raison qu’ils peuvent dire qu’ils sont des « fils de Dieu ». De là, leur capacité de prendre du recul par rapport aux exigences du pouvoir civil terrestre, temporel ; de là, en même temps, leur liberté de choisir ce qui engendre la justice et la solidarité ou celle de refuser ce qui s’oppose à l’enracinement du Règne de Dieu dans le monde.
La réflexion de Jésus est peu développée. Il reste que l’allusion au Royaume de Dieu vient fournir un éclairage important sur la conduite que doivent adopter ses disciples. L’histoire nous apprend que les chrétiens n’ont pas toujours tenu compte de la liberté intérieure que leur appartenance au Royaume de Dieu leur donnait. À plusieurs reprises, ils se sont laissé leurrer par des rêves politiques qui les ont conduits à renier l’Évangile.
Jésus, c’est en regard de sa vision du Règne de Dieu et de la liberté qu’il engendre qu’il a posé le geste de payer les deux drachmes. Il aurait pu s’en abstenir. Mais, pour éviter le scandale de l’insoumission politique, il a répondu positivement à l’exigence de la loi romaine. Saint Paul fera de même en invitant les premiers chrétiens à obéir au pouvoir civil. Lui aussi prévoyait les conséquences malheureuses d’une attitude différente.
Royaume de Dieu, royaumes de ce monde. Les croyants appartiennent aux deux types de royaume à la fois. Mais leur appartenance au Royaume de Dieu fait qu’ils ont une liberté intérieure face aux exigences des royaumes ancrées dans l’histoire. Ils ont surtout une mission : celle d’être une source de transformation au cœur des royaumes de ce monde. Et là, on rejoint une autre parole de Jésus : « Soyez le sel de la terre, soyez la lumière du monde ».
Que l’Eucharistie que nous allons célébrer nous donne la force d’être, au cœur de notre société, de véritables témoins du Royaume de Dieu !
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
Dieu éternel et tout-puissant,
dans ta bienveillance, dirige nos actions,
afin qu’au nom de ton Fils bien-aimé,
nous portions des fruits en abondance.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.