26 mai 2024
Dieu est communauté
En cette dernière messe universitaire avant l’été où nous fêtons la Sainte Trinité, le frère Peace Michael A. Mushimiyimana, O.P., plonge avec nous en profondeur dans ce mystère du Dieu-relation, du Dieu-unité, du Dieu-Amour.
LIVRE DU DEUTÉRONOME (4, 32-34.39-40)
Moïse disait au peuple : « Interroge donc les temps anciens qui t’ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu, et qui soit resté en vie ?
Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre, à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats, à main forte et à bras étendu, et par des exploits terrifiants – comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte?
Sache donc aujourd’hui, et médite cela en ton cœur : c’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre. Tu garderas les décrets et les commandements du Seigneur que je te donne aujourd’hui, afin d’avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu, tous les jours. »
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ROMAINS (8, 14-17)
Frères, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père !
C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (28, 16-20)
En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Homélie
‘Dieu est communauté’ Trois personnes en un seul Dieu : Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit !
Trois personnes qui font l’unité d’un seul Dieu! Dieu qui est à la fois Un et Trine ! Voilà le mystère de la Trinité ! Voilà encore une autre sainte folie qui fait fondamentalement notre fierté chrétienne, et que nous célébrons joyeusement aujourd’hui, frères et sœurs ! La Trinité ! Il faut d’abord savoir que le terme « trinité » ne se trouve pas dans la Bible, mais ce terme décrit ce que les Écritures expriment clairement à propos de Dieu.
En effet, la Bible parle de Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit, d’où le mot « trinité », dérivé de deux mots : « trois » et « unité » ; et le livre du Deutéronome que nous avons lu dans la première lecture, affirme sans équivoque qu’il n’y a qu’un seul Dieu et un seul Seigneur, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre, comme nous l’avons attendu.
Et pendant des siècles, la Sainte Trinité a été présentée comme un mystère difficile à cerner et à expliquer, à cause des débats philosophico-théologiques qui se posaient la question de savoir comment on peut concevoir que l’on croit en un seul Dieu vivant en trois personnes bien distinctes. Et certains théologiens se sont chauffé les méninges en essayant d’expliquer ce mystère avec des expressions assez compliquées, en disant, par exemple, qu’en Dieu il y a une seule nature et trois substances, une seule nature et trois hypostases, etc. Et, du coup, la Sainte Trinité est restée comme quelque chose d’inintelligible, d’incompréhensible et d’abstrait.
Mais, vous savez, frères et sœurs, un mystère n’est pas forcément quelque chose d’inintelligible, d’inconcevable ou d’abstrait. Et le mystère de la Sainte Trinité que nous célébrons aujourd’hui n’est pas une abstraction, encore moins une formule mathématique ! C’est le mystère de la communion éternelle d’un Dieu qui est Père, Fils et Esprit. C’est le mystère d’un Dieu qui n’est pas solitaire et enfermé sur lui-même, mais d’un Dieu qui est relation et communion parfaite d’amour.
Ce mystère d’un Dieu en trois personnes bien distinctes a été l’objet de profondes réflexions de certains mystiques et Pères de l’Église, qui ont toujours tenté de le cerner en usant des illustrations humaines et des métaphores de toutes sortes, afin de le rendre intelligible. Et là nous pouvons voir, par exemple, l’image qu’en donne Saint Grégoire de Nazianze, lorsqu’il compare Dieu le Père à la Source, Dieu le Fils au fleuve, et Dieu le Saint-Esprit au courant du fleuve ! Et Saint Augustin, lui, disait que le Père est l’aimant, le Fils est l’aimé, et le Saint-Esprit est l’Amour!
Quant à Sainte Catherine de Sienne, une dominicaine, qui prenait l’analogie du Buisson ardent, en disant que le Père est le feu, le Fils est la lumière qui se dégage du feu, et l’Esprit Saint est la chaleur qui émane du feu ! Très belles images, très belles analogies à la logique humaine, mais qui sont infiniment loin de cerner ce que c’est véritablement le mystère de la Sainte Trinité !
D’autres personnes essayeront aussi de décrire comment serait représentée l’unité qui se trouve au sein de la Sainte Trinité, en utilisant l’analogie de l’œuf qui est composé d’une coquille, d’un jaune et d’un blanc, mais qui forme toujours l’unité d’un œuf. Mais là encore il faut faire attention, parce que cette illustration de l’œuf implique une différenciation des parties moins importantes et plus importantes, car la coquille n’est pas aussi importante que le jaune ou le blanc de l’œuf, alors que Dieu n’est pas constitué de différentes parties inégales.
En effet, frères et sœurs, nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes : la Trinité consubstantielle. Les personnes divines ne se partagent pas quantitativement l’unique divinité, mais chacune d’elles est Dieu tout entier. Et, à ce propos, un autre théologien dira que le Père est Dieu qui se révèle tout entier, le Fils est Dieu qui se donne tout entier, et le Saint Esprit Dieu qui se reçoit tout entier. Et, de ce fait, toutes les trois personnes divines sont égales parce qu’elles possèdent toutes la même et unique plénitude de l’Être divin.
Et, derrière ces propos tout à fait théologiques, et peut-être ennuyants pour vous, se cache pourtant un message très fort pour nous, frères et sœurs! Et quel est donc ce message ? Dieu n’a pas voulu se présenter à nous d’une manière solitaire, comme un Dieu enfermé dans son unicité et dans son indépendance. Il s’est révélé à nous d’une manière trinitaire et unitaire, comme Dieu-famille, comme Dieu-communauté, comme Dieu-don de soi, comme Dieu-vie partagée, et comme Dieu-communion d’amour.
Et dans nos sociétés modernes, l’une des maladies à combattre est l’individualisme qui, parfois, est synonyme de cet égoïsme qui entraine à ne penser qu’à soi-même. Mais si Dieu a voulu se révéler à nous d’une manière trinitaire, c’est pour nous faire comprendre que notre être fondamental doit être un être de relation, de communion, de don de soi, et de vie partagée !
Et, pour expliquer l’unité profonde et intime que les trois personnes divines vivent, ainsi que leurs relations, la théologie dogmatique a utilisé le terme de « Perichorèse », qui signifie : « perpétuel mouvement d’amour et d’inter-habitation des personnes de la Sainte Trinité ». Chaque personne divine habite dans l’autre. Chaque personne divine est unie à l’autre, mais sans confusion ni mélange. Et l’on peut observer cette unité dans l’Évangile, lorsque Jésus dit : « Je suis dans le Père, et le Père est en moi », et lorsqu’il dit encore : « Moi et le Père, nous sommes Un », et – comme nous l’avons entendu dans l’Évangile de ce dimanche – lorsqu’il ordonne à ses disciples d’aller baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Et dans ce dynamisme, nous pouvons observer qu’au sein de la Sainte Trinité il n’y a pas seulement communion, mais aussi réciprocité dans l’amour.
Aujourd’hui, en cette solennité de la Sainte Trinité, le Seigneur nous montre que nous nous épanouissons davantage lorsque nous sommes tous ensemble, unis et solidaires, plutôt que lorsque nous sommes isolés.
Devant le Seigneur, notre voix n’a jamais autant de force que lorsque nous sommes unis, solidaires, et que chacun respecte la présence et la contribution de l’autre, œuvrant pour la reconnaissance mutuelle. Ni mépris, ni soumission, mais respect mutuel, solidarité et unité. Ni attitude de domination, ni servitude, mais une vie de fraternité, comme enfants d’un même Père.
Que le mystère de la Sainte Trinité, mystère d’amour, de solidarité et d’unité, vienne éclairer nos vies, nos familles, nos communautés et notre société. Amen.
Fr. Peace Michael A. Mushimiyimana, O.P.
PRIÈRE
Dieu notre Père,
tu as envoyé dans le monde le Verbe de vérité
et l’Esprit qui sanctifie pour révéler
aux êtres humains ton admirable mystère;
donne-nous de professer la vraie foi
en reconnaissant la gloire de l’éternelle Trinité,
en adorant son Unité dans sa toute-puissante.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.