12 mai 2024
Le pont entre ciel et terre !
En ce dimanche de l’Ascension, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous parle de l’Ascension du Seigneur selon les Actes des Apôtres, cet événement qui marque à la fois une forme de séparation et un point de départ pour les croyants.
LIVRE DES ACTES DES APÔTRES (1, 1-11)
Cher Théophile, dans mon premier livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le moment où il commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir, par l’Esprit Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis. C’est à eux qu’il s’est présenté vivant après sa Passion ; il leur en a donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur est apparu et leur a parlé du royaume de Dieu.
Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père. Il déclara : « Cette promesse, vous l’avez entendue de ma bouche : alors que Jean a baptisé avec l’eau, vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours. »
Ainsi réunis, les Apôtres l’interrogeaient : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs, qui leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. ».
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ÉPHÉSIENS (4, 1-13)
Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous exhorte donc à vous conduire d’une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix.
Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous. À chacun d’entre nous, la grâce a été donnée selon la mesure du don fait par le Christ.
C’est pourquoi l’Écriture dit : Il est monté sur la hauteur, il a capturé des captifs, il a fait des dons aux hommes. Que veut dire : Il est monté ? – Cela veut dire qu’il était d’abord descendu dans les régions inférieures de la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers.
Et les dons qu’il a faits, ce sont les Apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MARC (15, 1-8)
En ce temps-là, Jésus ressuscité se manifesta aux onze Apôtres et leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. »
Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile.
Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.
Homélie
Nous célébrons aujourd’hui le mystère de l’Ascension du Seigneur. Juste avant la Pentecôte et après Pâques et la Passion. Elle est donc certainement liée à tout cela et n’est pas une composante distincte de notre foi. L’Ascension fait partie du mystère pascal, reliant la terre et le ciel, Dieu et son peuple, le tout centré sur Jésus Christ et Seigneur. Nous avons deux récits, l’un de Luc dans les Actes et l’autre de Marc, très différents dans leur style et approche. Mais ils ont quelque chose en commun : ils parlent d’un départ et d’une mission. Nous allons nous concentrer sur le récit des Actes. Ce livre fait suite à l’Évangile selon Luc; il est le deuxième tome d’un même ouvrage. Nous avons ici le commencement de ce livre. Il commence par un départ.
Jésus s’en va, il quitte ses disciples : Ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Où va-t-il ? Il va au ciel. Il n’entre pas dans un ascenseur céleste, ni dans une fusée qui s’envole vers le ciel, mais il entre pleinement dans le monde de Dieu, dans la vie divine, comme le suggère la nuée numineuse. D’une certaine manière, il rentre chez lui. Il ne s’en va pas au loin, mais il entre au plus près de Dieu. Il ne se déplace pas dans l’espace, il change son mode de présence parmi nous. Il ne sera plus là comme avant. Il sera présent maintenant autrement, par son Esprit qui sera envoyé, comme il le promet : Vous allez recevoir une force, celle du Saint Esprit.
Jésus s’en va sans bagages car il les laisse à ses disciples. Il leur laisse une parole de vie qui contient tout ce qu’il faut pour continuer sur leur route ou plutôt pour commencer quelque chose. C’est ici une scène de départ mais au sens du commencement d’une nouvelle expérience, d’une mission universelle à son point de départ : Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre. C’est là un bon départ et il y a de quoi s’occuper pendant quelques millénaires. Et comme le disent les messagers aux disciples qui restent là à fixer le ciel : Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Il y a de l’ouvrage qui vous attend, sur la terre, jusqu’en ses extrémités. Cette rencontre unique renvoie les disciples dans leurs propres lieux, raffermis et réjouis.
Nous ressentons parfois douloureusement la séparation. Comme si le Jésus le Messie était parti pour de bon dans son ciel lointain, nous abandonnant à nos petites misères et à nos mornes méfiances. Nous regardons vers le ciel cherchant des signes d’une présence au loin, alors que celle-ci est au plus près de nos vies et nous accompagne sur la route. Les bagages sont toujours là et attendent que nous les prenions, les ouvrions et nous en revêtions.
Le récit de l’ascension nous parle de notre expérience de croyants, confrontés à une absence mais appelés à témoigner. Nous venons directement dans la suite de ce récit, disciples actuels continuant de fouiller les Écritures, de vivre et de proclamer le mystère pascal, soutenus par l’Esprit toujours communiqué. Notre propre point de départ est là, dans les gestes de la foi et de la joie, dans les actes apostoliques qui suivent l’Évangile, témoignant d’une conversion qui transforme l’existence et la relance vers l’avenir.
Ce récit de l’ascension nous invite à recevoir une mission qui nous déborde mais nous soulève. Un point de départ qui nous emporte sur terre. Il instaure une relation nouvelle, qui nous unit à la fois au Dieu vivant et à tous les vivants, dans la communauté des disciples. La rencontre se termine non par une rupture du lien mais par une transformation de celui-ci. Le départ de Jésus est condition de sa présence universelle, hier et aujourd’hui.
Union entre la terre et le ciel, Dieu et son peuple, Jésus et ses disciples. Sainte Catherine de Sienne, laïque dominicaine du 14e siècle et grande figure de l’engagement en Église et pour la paix, a bien exprimé cette union, ce lien, par une image : Jésus est un pont entre Dieu et l’humanité, entre le ciel et la terre. Comme elle le dit dans ses Dialogues : même si Jésus s’est élevé vers le ciel le jour de l’Ascension, il n’a pas quitté la terre. Et sur ce pont, il y a une auberge qui offre l’hospitalité aux voyageurs. Et cette auberge d’hospitalité est sûrement tenue par des mères et des grands-mères, que nous fêtons aujourd’hui en ce dimanche de mai.
En cette Eucharistie, rendons grâce au Dieu vivant pour ces témoins de don et d’accueil. Et rendons grâce pour la présence mystérieuse, dans nos mondes, de celui qui est au ciel et sur la terre, le pont, le Fils bien-aimé et notre Frère bien-aimant, avec nous maintenant et pour la suite des saisons et des âges. Amen.
Fr. Daniel Cadrin, O.P.
PRIÈRE
Dieu tout-puissant,
fais-nous exulter d’une joie sainte
et nous réjouir dans une fervente action de grâce,
car l’ascension de ton Fils, le Christ,
nous introduit déjà auprès de toi, nous,
les membres du corps dont il est la tête,
appelés à vivre en espérance dans la gloire où il nous a précédés.
Lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.