Homélie, dimanche de l’Ascension du Seigneur

12 mai 2024

Le pont entre ciel et terre !

En ce dimanche de l’Ascension, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous parle de l’Ascension du Seigneur selon les Actes des Apôtres, cet événement qui marque à la fois une forme de séparation et un point de départ pour les croyants.

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Homélie

Nous célébrons aujourd’hui le mystère de l’Ascension du Seigneur. Juste avant la Pentecôte et après Pâques et la Passion. Elle est donc certainement liée à tout cela et n’est pas une composante distincte de notre foi. L’Ascension fait partie du mystère pascal, reliant la terre et le ciel, Dieu et son peuple, le tout centré sur Jésus Christ et Seigneur. Nous avons deux récits, l’un de Luc dans les Actes et l’autre de Marc, très différents dans leur style et approche. Mais ils ont quelque chose en commun : ils parlent d’un départ et d’une mission. Nous allons nous concentrer sur le récit des Actes. Ce livre fait suite à l’Évangile selon Luc; il est le deuxième tome d’un même ouvrage. Nous avons ici le commencement de ce livre. Il commence par un départ.

Jésus s’en va, il quitte ses disciples : Ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Où va-t-il ? Il va au ciel. Il n’entre pas dans un ascenseur céleste, ni dans une fusée qui s’envole vers le ciel, mais il entre pleinement dans le monde de Dieu, dans la vie divine, comme le suggère la nuée numineuse. D’une certaine manière, il rentre chez lui. Il ne s’en va pas au loin, mais il entre au plus près de Dieu. Il ne se déplace pas dans l’espace, il change son mode de présence parmi nous. Il ne sera plus là comme avant. Il sera présent maintenant autrement, par son Esprit qui sera envoyé, comme il le promet : Vous allez recevoir une force, celle du Saint Esprit.

Jésus s’en va sans bagages car il les laisse à ses disciples. Il leur laisse une parole de vie qui contient tout ce qu’il faut pour continuer sur leur route ou plutôt pour commencer quelque chose. C’est ici une scène de départ mais au sens du commencement d’une nouvelle expérience, d’une mission universelle à son point de départ : Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre. C’est là un bon départ et il y a de quoi s’occuper pendant quelques millénaires. Et comme le disent les messagers aux disciples qui restent là à fixer le ciel : Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Il y a de l’ouvrage qui vous attend, sur la terre, jusqu’en ses extrémités. Cette rencontre unique renvoie les disciples dans leurs propres lieux, raffermis et réjouis.

Nous ressentons parfois douloureusement la séparation. Comme si le Jésus le Messie était parti pour de bon dans son ciel lointain, nous abandonnant à nos petites misères et à nos mornes méfiances. Nous regardons vers le ciel cherchant des signes d’une présence au loin, alors que celle-ci est au plus près de nos vies et nous accompagne sur la route. Les bagages sont toujours là et attendent que nous les prenions, les ouvrions et nous en revêtions.

Le récit de l’ascension nous parle de notre expérience de croyants, confrontés à une absence mais appelés à témoigner. Nous venons directement dans la suite de ce récit, disciples actuels continuant de fouiller les Écritures, de vivre et de proclamer le mystère pascal, soutenus par l’Esprit toujours communiqué. Notre propre point de départ est là, dans les gestes de la foi et de la joie, dans les actes apostoliques qui suivent l’Évangile, témoignant d’une conversion qui transforme l’existence et la relance vers l’avenir.

Ce récit de l’ascension nous invite à recevoir une mission qui nous déborde mais nous soulève. Un point de départ qui nous emporte sur terre. Il instaure une relation nouvelle, qui nous unit à la fois au Dieu vivant et à tous les vivants, dans la communauté des disciples. La rencontre se termine non par une rupture du lien mais par une transformation de celui-ci. Le départ de Jésus est condition de sa présence universelle, hier et aujourd’hui.

Union entre la terre et le ciel, Dieu et son peuple, Jésus et ses disciples. Sainte Catherine de Sienne, laïque dominicaine du 14e siècle et grande figure de l’engagement en Église et pour la paix, a bien exprimé cette union, ce lien, par une image : Jésus est un pont entre Dieu et l’humanité, entre le ciel et la terre. Comme elle le dit dans ses Dialogues : même si Jésus s’est élevé vers le ciel le jour de l’Ascension, il n’a pas quitté la terre. Et sur ce pont, il y a une auberge qui offre l’hospitalité aux voyageurs. Et cette auberge d’hospitalité est sûrement tenue par des mères et des grands-mères, que nous fêtons aujourd’hui en ce dimanche de mai.

En cette Eucharistie, rendons grâce au Dieu vivant pour ces témoins de don et d’accueil. Et rendons grâce pour la présence mystérieuse, dans nos mondes, de celui qui est au ciel et sur la terre, le pont, le Fils bien-aimé et notre Frère bien-aimant, avec nous maintenant et pour la suite des saisons et des âges. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu tout-puissant,
fais-nous exulter d’une joie sainte
et nous réjouir dans une fervente action de grâce,
car l’ascension de ton Fils, le Christ,
nous introduit déjà auprès de toi, nous,
les membres du corps dont il est la tête,
appelés à vivre en espérance dans la gloire où il nous a précédés.
Lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.