Homélie, mardi de la 5ème semaine de Pâques

Marie de l’Incarnation est une belle et grande figure pour l’Église du Canada. Dès sa mort en 1672, elle est surnommée « Mère de la Nouvelle France ».

Mais cette figure est quand même intrigante : Comment a-t-elle pu être, en même temps, une femme entrepreneure, apostolique, et mystique de haut niveau?

En effet, nous avons toujours de la difficulté à concilier ces deux vies : apostolique et mystique. Parce que, pour nous, le zèle pour Dieu, le désir de Dieu, entre en concurrence avec le souci du monde. N’a-t-on pas dit, pendant longtemps que, quand on entrait en communauté, on quittait le monde? On est habitué à mettre ces deux préoccupations en opposition.

Or, quand on y pense à deux fois, dans la perspective chrétienne, on ne peut pas désirer Dieu avec une certaine intensité, sans désirer que la volonté de Dieu s’accomplisse sur terre : c’est-à-dire l’avènement de son Royaume. C’est ça le contenu du désir que Dieu à notre égard.

La mystique chrétienne n’est pas une mystique de la vision de Dieu comme conquête ascétique de l’esprit humain ni comme aboutissement d’expériences ineffables et privilégiées!

La mystique chrétienne est une mystique de la charité!

C’est dans le sacrement de l’autre, particulièrement le nécessiteux, le pauvre, le démuni, que nous pouvons nous approcher de Dieu : l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont intimement liés.

Dans la Bible, ce n’est pas la vision de Dieu qui est valorisée. Rappelons-nous ce que Dieu dit à Moïse:
« Tu ne peux pas voir ma face car l’homme ne peut me voir et vivre » (Ez 33,20).

Non, c’est plutôt l’écoute de sa Parole comme l’affirme le Shema Israël (Dt 6,4) :
« Écoute Israël; Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. »

Lequel des cinq sens nous met le plus en communication les uns avec les autres sinon l’écoute? C’est d’abord dans l’écoute de ce que l’autre nous dit que s’exerce la charité.

En mystique chrétienne, si le désir de Dieu coïncidait avec la jouissance égoïste de soi-même, il pourrait y avoir conflit entre notre désir de Dieu et les humbles nécessités de notre amour des humains.

Mais si notre désir de Dieu est inspiré par la charité, ce conflit est illusoire. Nous savons que le deuxième commandement est semblable au premier.

Comme disait Marie de l’Incarnation : « Les nombreux tracas ne me détournaient pas de l’application que j’avais à Dieu mais plutôt je m’y sentais fortifiée parce que tout était pour la charité et non pour mon profit particulier. ».

Fr. Bruno Demers, O.P.

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
tu as conduit sainte Marie de l’Incarnation
jusqu’à la contemplation du mystère de la Trinité,
et tu as fait d’elle un apôtre au cœur de feu ;
accorde-nous, par son intercession et suivant son exemple,
de vivre en témoins de ton amour,
pour que soient toujours plus nombreux
ceux qui parviennent à te connaître, t’aimer et te servir.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.