Homélie, dimanche, 5ème semaine de Pâques

28 avril 2024

Porter du fruit !

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique ce que signifie « porter du fruit » pour la gloire et le bonheur du Seigneur, pour nous qui semblons pourtant si petits dans cet univers.

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Homélie

Dans ce court extrait, l’expression « porter du fruit » revient très souvent. Aurions-nous à faire à un de ces producteurs terriens dont le rendement est le seul critère ? Nous sommes conscients aujourd’hui des conséquences néfastes d’une exploitation de la terre à outrance avec l’utilisation d’engrais chimiques, de pesticides ou encore d’insecticides. La production à tout prix comporte un coût social à long terme totalement inacceptable.

Pour bien interpréter cette insistance de Jésus, j’aimerais attirer votre attention sur la finale de l’évangile où il affirme : « ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit ». Le critère ultime n’est pas la maximisation du profit, mais la gloire du Père. Pour essayer de comprendre ce que peut signifier cette gloire, je me suis rappelé ma propre expérience de jardinier. Chaque année, dans la cour intérieure, je cultivais des roses. Quand étais-je heureux? Quand la première rose apparaissait. J’ai aussi pensé au frère Martin qui avait un grand jardin de fleurs et de légumes. Sa joie : ses premières tomates, bien rouges, bien juteuses. Il était heureux de nous les partager. En passant, on m’a dit qu’il avait déjà commencé à travailler dans son jardin à Québec. Pensez également à vous avec vos boîtes à fleurs ou vos corbeilles à fleurs. Vous êtes heureux des fleurs qui les composent et fiers de les montrer. Ainsi, me semble-t-il, en est-il de Dieu. Il se réjouit, il est heureux, il trouve sa gloire dans tout être humain qui porte de beaux fruits.

Mais qu’est-ce que porter du fruit? Jésus le dit : « quand vous êtes pour moi des disciples ». Dans la seconde lecture, l’apôtre Jean spécifie : « mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ — ce qui correspond à être ses disciples — et lorsque nous nous aimons les autres ».

Nous sommes la gloire de Dieu. Réalisez-vous l’énormité ou l’extravagance d’une telle affirmation? Nous qui sommes moins qu’un grain de sable dans l’univers, nous serions le bonheur et la joie du Père. Au IIe siècle, l’évêque saint Irénée de Lyon affirmait : « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». Nous soulignons à juste titre l’importance du salut que Dieu nous accorde, de sa miséricorde et de cette vie en plénitude qu’il répand en nous, mais il faut aussi insister sur le fait que Dieu tire sa joie de tout être humain bien vivant, qui se tient debout et qui, comme lui, aime d’un amour réel, concret, fût-il exigeant, quotidien, et qui est devenu le centre de sa vie.

Si le jardinier est heureux de récolter une belle tomate, il en est encore plus heureux quand ses plants croulent sous le poids des tomates. Oui, Dieu tire sa joie qu’une multitude d’êtres humains portent du bon fruit. Personne n’est exclu même ce fameux Saul qui avait persécuté les chrétiens et qui, comme le rappelle la première lecture, cherchait à se joindre aux disciples. Tous avaient peur de lui, mais Barnabé avait compris que Saul était devenu Paul, lui aussi un sarment dans la vigne du Père.

Tout jardinier, même le plus amateur, sait que tout plan ne porte pas du bon fruit par magie. Il faut s’en occuper. C’est ce que Jésus nous dit en évoquant le nécessaire émondage. Au printemps, je devais couper toutes les tiges qui avaient gelé durant l’hiver. Je parlais de tomate, il arrive qu’il faille couper certaines branches pour que la sève se concentre et pour que de grosses tomates soient produites. On appelle ces rameaux des gourmands. Ainsi Dieu ne laisse pas sa vigne à elle-même. Mystérieusement, il intervient pour que non seulement elle se maintienne, mais pour qu’elle croisse.

Jésus nous fait prendre conscience que cette présence de Dieu à sa vigne n’est pas qu’extérieure. Elle est avant tout intérieure. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit ». Les rosiers, les arbres fruitiers, les vignes sont des greffes. Encore une fois, le jardinier sait qu’en dehors de la greffe, c’est l’échec. Plantez un pépin d’une variété de pommes que vous aimez et vous n’aurez certainement pas le pommier que vous espérez. En outre, quand on transplante un rosier, il faut s’assurer que la greffe n’est pas enterrée. Sinon, on risque les mauvaises surprises.

Ainsi, il faut être branché au Christ. Comme un sauvageon, qui, par la greffe, donne plus que lui-même, l’être humain naturel, avec ses limites, greffé au Christ Jésus portera des fruits de vie divine. « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Seul le Christ Jésus peut répandre dans la vigne la vie, la vie en plénitude, ce que nous appelons la vie éternelle. Seul le Christ peut nous donner part à son Esprit qui transforme nos cœurs de pierre en cœur de chair! Nous sommes bien au-delà d’une relation d’aide, d’encouragement ou d’assistance, mais dans une perspective de communion, de vie et d’amour partagés qui nous transforment en êtres nouveaux capables d’aimer. À la limite, nous pourrions dire que le croyant n’est pas invité à atteindre un quota de bons fruits, mais d’abord de veiller à rester attaché à cette relation de vie qui le rattache au Christ Jésus. « Demeurez en moi, comme moi en vous ».

Ainsi, attachons-nous résolument au Seigneur Jésus, que ses paroles demeurent en nous, nous qui avons été purifiés par sa parole de vie, de miséricorde et d’amour. Dans cette eucharistie, communions au Seigneur, en lui demandant, tel que suggéré dans une prière préparatoire à la communion, « fais que je demeure toujours fidèle à tes commandements et que jamais je ne sois séparé de toi ». Ainsi, nous porterons beaucoup de fruit à la gloire du Père. Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
continue d’accomplir en nous le mystère pascal ;
soutiens et protège ceux que tu as voulu renouveler
dans le saint baptême :
qu’ils portent beaucoup de fruits
et parviennent aux joies de la vie éternelle.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.