2 avril 2024
La première envoyée
Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à prendre en exemple Marie Madeleine qui a su passer d’un deuil profond à une nouvelle relation au Ressuscité basée sur la foi, le témoignage, un amour encore plus profond et une connexion par l’Esprit du Dieu Vivant.
LIVRE DES ACTES DES APÔTRES (2, 36-41)
Le jour de la Pentecôte, Pierre disait à la foule : « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié. » Les auditeurs furent touchés au cœur ; ils dirent à Pierre et aux autres Apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? »
Pierre leur répondit : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, aussi nombreux que le Seigneur notre Dieu les appellera. »
Par bien d’autres paroles encore, Pierre les adjurait et les exhortait en disant : « Détournez-vous de cette génération tortueuse, et vous serez sauvés. »
Alors, ceux qui avaient accueilli la parole de Pierre furent baptisés. Ce jour-là, environ trois mille personnes se joignirent à eux.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (20, 11-18)
En ce temps-là, Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus.
Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître.
Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »
Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit.
Homélie
Marie-Madeleine ne se résigne pas à la mort de Jésus. Elle l’avait suivi et lui était profondément attachée. Contrairement à tant d’autres dont Pierre et la majorité des disciples, elle était restée fidèle. Elle avait été là au pied de la croix. Elle avait été là quand on l’avait descendu de la croix. Elle était encore là quand on l’avait déposé au tombeau. Que serait sa vie sans son Jésus? Non seulement il était mort, mais il était disparu. Il faut avoir vécu un deuil pour la comprendre. Déjà la mort est difficile, s’il faut y ajouter la perte de la dépouille! Cette disparition rend encore plus aigu ce besoin qu’elle éprouve d’une relation immédiate avec Jésus, fût-il mort.
Aveuglée qu’elle est par sa peine, elle ne reconnaît pas Jésus qui vient à elle. Cette méprise montre que la Résurrection de Jésus n’est pas une simple réanimation. Jésus ne bénéficie pas d’une prolongation exceptionnelle de vie comme Lazare qui, éventuellement, mourra. Le Crucifié ne vit plus désormais dans le monde, il est retourné vers le Père. De ce fait, le corps historique du Christ a bel et bien disparu. Marie n’a pas tort, mais elle ne cherche pas au bon endroit. Et c’est justement son Maître et ami qui va lui permettre de découvrir quelle nouvelle relation sa résurrection lui permet d’établir avec le Ressuscité. S’il y a une manière de vivre avec le Seigneur qui n’est plus possible, une autre s’ouvre.
C’est justement le Ressuscité qui va lui dessiller les yeux. Il le fera par la parole, n’est-ce pas étrange? Et pas n’importe laquelle. Son nom, comme le bon pasteur qui appelle chacune de ses brebis par son nom et dont la voix est reconnue par elles. Jésus aurait bien pu lui dire : ‘C’est moi le Ressuscité, tu ne me reconnais pas?’. Il aurait bien pu lui dévoiler son identité. Mais non, il l’appelle, elle! En l’appelant, il recrée et transforme radicalement le lien qui les unissait. C’est toujours le Maître et Marie, mais autrement, car il la libère d’un intimisme qui n’a plus sa place en l’ouvrant à l’amour du Père et des frères tout en permettant une relation d’amour vécue dans l’Esprit avec son Seigneur.
En reconnaissant le Ressuscité, elle découvre qui elle peut devenir, qui elle est appelée à être. Il lui faut lâcher les pieds du Ressuscité. Encore une fois, un certain type de relation n’est plus possible avec lui. Marie l’a compris. Elle fait le saut, celui de la foi et accepte de rejoindre l’amour sans frontière que son Seigneur lui propose. D’ailleurs au lien physique entre deux êtres qui ne peut être que temporaire et éphémère est substituée une communion que rien ne pourra détruire, car le Seigneur a vaincu la mort.
Tout en devant surmonter l’épreuve de la distance que la mort impose, la relation entre Marie et Jésus devient plus vivante que jamais. Elle ne repose plus sur le souvenir qu’elle peut garder dans son cœur ou sur un cadavre pourrissant dans un tombeau, mais sur l’accueil du Vivant dans l’Esprit.
Cette nouvelle vie avec le Ressuscité n’est pas pour elle seule. C’est encore le Ressuscité qui le lui fera comprendre en l’envoyant annoncer la grande nouvelle à ses frères que le Seigneur monte vers son Dieu et leur Dieu, vers son Père et leur Père. Elle, enfermée dans sa peine, devient la première envoyée!
Quel parcours! Quelle femme! Il n’est pas surprenant que la Tradition ait désigné Marie Madeleine, comme l’apôtre des Apôtres. Elle est la première qui a annoncé la Bonne Nouvelle de la Résurrection. Une petite parenthèse. Il y a quelques années, à l’émission ‘Dessine-moi un dimanche’, à ici Première de Radio-Canada, le bibliste Sébastien Doane que certains, ici, connaissent bien, affirmait que ‘sans femmes, il n’y a pas de Pâques’!
Au-delà de cette question, l’itinéraire de Marie-Madeleine nous ramène au nôtre. Contrairement à elle, nous n’avons pas connu physiquement Jésus. Et jamais, nous le connaîtrons ainsi, en ce monde! Notre relation avec le Seigneur se vit, il faut l’admettre et ne pas avoir peur de l’avouer, sous le registre de l’absence. Par contre, nous nous rejoignons, car, comme elle, nous sommes appelés par le Seigneur par notre nom et nous l’avons tous été d’une manière bien officielle, le jour de notre baptême. Appelés, nous sommes, comme elle, invités à entrer dans une relation vivante et amoureuse avec le Ressuscité pour partager la communion de vie avec son Dieu et notre Dieu, avec son Père et notre Père. Finalement, nous sommes nous aussi envoyés vers nos frères et sœurs pour être témoins de la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité.
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Seigneur Dieu,
tu nous guéris par les célébrations pascales ;
poursuis toujours l’œuvre de ta grâce :
que ton peuple trouve une liberté parfaite
et parvienne à la joie du ciel
dont il exulte déjà sur la terre..
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.