Homélie, samedi, 3e semaine du Carême

9 mars 2024

Compter sur Dieu en toute humilité

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous met en garde contre la suffisance spirituelle et nous invite plutôt à la reconnaissance des dons et de la miséricorde de Dieu pour nous.
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Homélie

Nous avons tous et toutes connu des personnes très zélées dans leurs démonstrations religieuses. On en rencontrait autrefois dans toutes les paroisses. C’était des personnes plutôt âgées. Les femmes y étaient toujours plus nombreuses que les hommes. Ces personnes ne faisaient pas qu’assister à la messe tous les jours, mais à deux messes quand le curé de la paroisse pouvait compter sur les services d’un ou deux vicaires. Elles participaient en plus aux diverses réunions des associations pieuses présentes dans la communauté. Bref, leurs vies quotidiennes tournaient largement autour de l’église. On les appelait les « mangeux de balustre » ou encore les « grenouilles de bénitier ». Cette façon de les nommer n’avait rien de louangeur ou d’admiratif. Aux yeux des pratiquantes et pratiquants ordinaires, c’était là un comportement excessif. On soupçonnait même chez ces personnes fort dévotes une façon de faire la leçon aux gens du commun, une manière de leur montrer qu’ils n’accordaient pas assez de place à Dieu dans leurs vies. Et ce qui ajoutait à la réaction négative des gens, c’était le fait que ces « mangeux de balustre » et « grenouilles de bénitier » se permettaient de critiquer ouvertement ceux et celles qui ne voulaient pas les imiter ou leur ressembler.

Dans la parabole d’aujourd’hui, le pharisien qui monte au Temple pour prier Dieu aurait probablement appuyé nos personnes hyper dévotes. Car lui aussi manifestait une ferveur religieuse qui dépassait de beaucoup les exigences de la Loi. Son zèle était impressionnant : il jeûnait deux fois par semaine et versait le dixième de tout ce qu’il gagnait aux œuvres et services soutenus par le Temple. Et il ne se gênait pas pour faire l’étalage de sa vertu: lui, il n’était pas comme le commun des mortels. Chez lui, pas d’injustice, pas de vol, pas d’infidélité conjugale. C’est ce qui l’amène d’ailleurs à rendre grâce à Dieu pour ses performances vertueuses.

Ce qui frappe cependant dans l’attitude de ce pharisien hors norme, ce n’est pas d’abord la satisfaction de lui-même, mais plutôt le fait qu’il ne manifeste aucune attente à l’endroit de Dieu. Il est suffisant. Il s’exprime comme s’il ne devait rien à Dieu et qu’il pouvait se passer de lui dans l’ordre du salut. Il met sa confiance en lui-même plutôt qu’en Dieu. À ce propos, il se montre incapable de relever les bienfaits qu’il aurait reçus de Dieu. Chez lui, rien qui ressemble aux paroles d’action de grâce que la Vierge Marie exprime dans le Magnificat. Qui plus est, il méprise son prochain. Il le dit explicitement : « Je ne suis pas comme les autres hommes – (…) – ou encore comme ce publicain ».

L’attitude que le collecteur d’impôts adopte face à Dieu est tout à fait différente. Ce dernier est probablement tricheur à ses heures, il est sans doute exploiteur en soutirant plus d’argent des contribuables qu’il n’en a le droit. Mais il reconnaît qu’il ne respecte pas pleinement la Loi. C’est pourquoi il dit ne pas être à la hauteur de la bienveillance de Dieu. Il implore donc sa faveur. Malgré ses errances, le publicain est toutefois reconnu comme juste : « Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste ».

Cette parabole fait ressortir deux attitudes fondamentales face à Dieu. Ces attitudes, on les retrouve encore à travers les dires et les comportements de bien des baptisés, et ce, même si les « mangeux de balustre » et les « grenouilles de bénitier » se font maintenant rares. Comme le fait remarquer Jésus, c’est la suffisance spirituelle qui constitue le grand danger pour les personnes qui veulent devenir ses disciples. L’important, c’est de laisser Dieu entrer dans sa vie. Et cela n’est possible que si l’on sait s’ouvrir en toute humilité à Dieu et compter sur sa miséricorde. Car, fondamentalement, tout est grâce sur le chemin qui mène à l’intimité avec Dieu.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

En célébrant avec joie,
chaque année, ce temps de Carême,
nous te prions, Seigneur :
puisque nous vivons déjà du mystère de Pâques,
accorde-nous le bonheur d’en goûter pleinement les fruits.
Par Jésus Christ, ton Fils et notre Seigneur
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.