Homélie, mardi, 3e semaine du Carême

5 mars 2024

Le cercle vertueux du pardon

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique la parabole du jour qui introduit dans l’enseignement de Jésus l’idée d’un cercle vicieux de rancune et de vengeance brisé par le pardon et la miséricorde.
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Homélie

Cette parabole du Seigneur repose sur le rapport entre l’énormité de la dette remise par le roi à un serviteur et la petitesse de celle que ce dernier refuse de remettre à un compagnon. On parle de la 600 000e partie de ce qui lui a été remis. Jésus répond à la question de Pierre sur le nombre de fois où il doit pardonner en l’insérant dans une problématique plus large que celle de la relation entre deux personnes. En effet, dans la parabole, celui qui est invité à pardonner est présenté comme quelqu’un qui vit lui-même du pardon. Au cercle vicieux de la haine et de la vengeance est substitué le cercle heureux du pardon et de la miséricorde.

Un commentateur fait remarquer qu’il n’est pas anodin que ce soit Pierre qui interroge Jésus, lui qui a renié Jésus et qui fait toujours partie du groupe des disciples après Pâques. Effectivement, Pierre correspond au serviteur de la parabole : une énorme dette lui ayant été remise. Pierre en est conscient. Matthieu nous dit que Pierre, ayant entendu le coq chanter, après avoir renié le Christ trois fois, pleura amèrement. D’ailleurs, l’évangéliste Jean nous présente cette scène de réconciliation entre Jésus et Pierre où, par trois fois, Jésus lui demande s’il l’aime plus que les autres au point que Pierre en est peiné. « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ». Pierre, le roc sur lequel est fondée l’Église, ne pourra être le pasteur des brebis du Seigneur en s’appuyant sur sa propre justice, mais en se souvenant qu’il a eu lui-même besoin de la miséricorde de Dieu.

Cette parabole et cette aventure de Pierre montrent bien que le péché n’est pas d’abord un échec personnel où notre image serait atteinte. Il n’est pas une forme de narcissisme renvoyant à un idéal nous centrant sur nous-mêmes plutôt que sur l’autre ou Dieu. Il en va tout autrement quand le pécheur prend conscience d’avoir blessé Dieu dans son amour par le mal commis, comme Pierre l’a éprouvé.

Les saints nous surprennent. Plus ils sont saints, plus ils semblent conscients du péché, de leurs péchés. Plus ils sont conscients de la présence de Dieu dans leurs vies, plus ils éprouvent la profondeur de leur condition pécheresse. Sainte Thérèse d’Ávila écrit dans son autobiographie. Mon âme ‘voit qu’elle mérite l’enfer, et qu’on lui donne, pour châtiment, la béatitude’ (XIX, 2). Sainte Thérèse, à travers l’immense bonté dont elle est l’objet, découvre l’ampleur de la dette qu’elle a contractée.

Pourtant, elle ne sombre pas dans le désespoir, car elle est portée justement par cette miséricorde infinie. Elle a pris conscience que Dieu n’a jamais cessé de la ramener à lui alors qu’elle se révélait tiède à son égard. ‘Dieu n’a pas d’autre châtiment que de nous manifester son amour’. À nous d’être assez humbles pour accepter d’être aimés et nous abandonner à cette infinie miséricorde. Pour elle, nous nous fatiguerons d’offenser Dieu avant que celui-ci ne se lasse de nous pardonner. ‘Jamais il ne se lasse de donner, on ne peut épuiser ses miséricordes; ne nous lassons donc pas, nous, de les recevoir. »

Ainsi Dieu ne nous aime-t-il pas parce que nous sommes aimables, mais pour que nous devenions aimables et capables de vivre de son amour.

Voilà ce que le Seigneur veut nous faire réaliser ce matin. Si l’amour seul permet de prendre conscience de la laideur du péché, c’est encore cet amour qui nous relève et fait de nous des êtres transformés, capables, comme Dieu, de pardon et de miséricorde. Le cercle vicieux de la vengeance est brisé pour être remplacé par le cercle vertueux du pardon.

Alors que nous célébrons, dans notre eucharistie, la mort et la résurrection du Seigneur, expression de l’amour et du pardon du Père l’égard de toute l’humanité, que ses sentiments de miséricorde nous habitent et nous transforment. Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Que ta grâce ne nous abandonne pas, Seigneur,
nous t’en prions :
qu’elle nous consacre à ton service
et nous obtienne toujours ton aide.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.