Homélie, lundi, 1ère semaine du Carême

19 février 2024

L'amour du prochain

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous rappelle que la mesure de la justice de Dieu, telle qu’enseignée par Jésus, est celle de l’amour du prochain que nous avons manifesté dans nos vies.
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Homélie

Au terme de l’histoire de l’humanité, comment se manifestera la justice de Dieu? Bien des chrétiens et chrétiennes posent cette question, car ils ont le sentiment que la vie présente n’est pas juste. À leurs yeux, il y a trop d’inégalités dans le monde, il y a trop d’exploités et de marginalisés. Une vie bonne et valorisante n’est accessible qu’à un pourcentage limité des êtres humains. Que de gens avaient et ont toujours le sentiment de vivre une vie étouffée, une vie sans horizon, une vie insignifiante. Devant une telle situation, les questions sont claires : Dieu fera-t-il justice au-delà du temps présent? Et comment le fera-t-il ?

À ces questions, Jésus offre une réponse à double volet. D’une part : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger… » D’autre part : « Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel… Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger… » Réponses radicales. Et elles reposent sur un unique fondement : l’expression concrète de l’amour du prochain. Pas question ici des appartenances religieuses, pas question de réussites sociales, pas question d’actes d’héroïsme. C’est à la lumière des gestes d’amour du prochain, exprimés au quotidien, que Dieu déterminera le sort de toute personne humaine. Partageront sa vie intime les personnes qui auront fait une place aux gens qui les entouraient, de près ou de loin. Leur compassion à l’endroit des gens dans le besoin sera alors reconnue pleinement.

Il reste que la réponse de Jésus, en regard du jugement final, comprend un volet dramatique. Celui-là rend très mal à l’aise, du moins les chrétiens et chrétiennes d’aujourd’hui. Comment Jésus a-t-il pu, disent-ils, prononcer un jugement aussi tranchant? « Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger, (…). (Mt 25, 41-42)

À propos de ce jugement radical présenté par Jésus, des exégètes et des théologiens, tant du passé que d’aujourd’hui, ont affirmé et affirment avec force que Dieu n’est pas un être sadique, qu’il ne peut pas se plaire à faire souffrir éternellement des êtres humains. Ils rappellent que ce passage de l’Évangile n’est pas à séparer de l’enseignement de Jésus portant sur la compassion et la miséricorde face aux pécheurs. Mais ils rappellent toutefois que Dieu s’est engagé à respecter la liberté des personnes qui ont refusé, dans leurs relations avec les autres, de faire sa volonté. S’inspirant de la pensée de saint Irénée de Lyon qui a vécu de l’an 140 à l’an 200, certains proposent l’interprétation suivante de la parole de Jésus: toutes les personnes condamnées mourront définitivement au moment de leur mort naturelle. Leur punition, ce sera celle d’être privées de la vie éternelle, et donc privées de l’intimité avec Dieu.

Cette interprétation « adoucie » de la condamnation des personnes qui n’ont pas voulu accueillir leurs proches dans le besoin, les défenseurs de la doctrine traditionnelle de l’Église la refusent. Ce qui est toutefois à maintenir, c’est que la miséricorde débordante de Dieu fera justice en accueillant, nous l’imaginons, la majorité des êtres humains. Retenons avant tout cette parole qui nourrit l’espérance : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. » (Mt 25, 34).

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Fais-nous revenir à toi, Dieu notre Sauveur,
et pour que ce Carême nous soit profitable,
forme nos esprits par l’enseignement qui vient du ciel.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.