Homélie, dimanche, 1ère semaine du Carême

18 février 2024

Route de conversion

En ce premier dimanche du Carême qui est aussi la fête de Fra Angelico, O.P., le frère Daniel Cadrin, O.P., nous invite à entrer au désert et entrer sur une route de conversion qui nous fera confronter nos épreuves personnelles intérieures, mais qui nous mènera ultimement à la paix.
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Homélie

En ce premier dimanche du Carême, nous entrons dans une marche qui nous mènera en divers lieux de la quête de Dieu, depuis le désert jusqu’à la montagne, et qui aboutira à la pâque de Jésus à Jérusalem. Sur ce chemin qui nous fera entrer de l’intérieur dans le mystère de la croix et de son don de vie, nous commençons avec Jésus au désert.

Jésus vient d’être baptisé par Jean Baptiste, ce prophète qui annonçait la venue imminente d’un plus fort que lui et qui appelait à la conversion. Jésus s’inscrit dans la mouvance de cette figure inspirante et radicale. Il a commencé par le baptême, la plongée dans l’eau et le signe d’entrée dans l’alliance avec le Dieu vivant, cette alliance qu’évoquent les premières lectures.

Après son baptême, que fait Jésus ? Il ne se hâte pas d’aller prêcher et de se lancer dans sa mission. Comme Jean Baptiste, il va d’abord au désert, en ce lieu biblique des naissances et renaissances, des combats et de l’épreuve. Comme le peuple de Dieu lors de l’Exode : il quitta l’Égypte, mais avant d’arriver enfin en terre promise, il traversa le désert pendant quarante ans et y connut la tentation des idoles, les luttes et réconciliations.

Le désert, lieu des passages, lieu dangereux car on y trouve l’aridité, la soif, les forces hostiles et errantes. Mais lieu aussi des choix, des décisions cruciales pour vivre dans la fidélité au Dieu vivant. Jésus traverse l’épreuve, il ne la fuit pas. Il fait face à l’adversaire, au Satan. Il va au plus profond de lui-même avec courage et y rencontre la source de vie. Le séjour s’achève dans la paix : les bêtes sont tranquilles et les anges le servent, c’est la création en harmonie. Jésus est maintenant prêt à commencer sa mission unique et risquée.

L’évangile de Marc signale l’arrestation de Jean Baptiste. C’est à ce moment que Jésus commence sa prédication, comme s’il prenait le relais du prophète. Ces débuts sont très significatifs de plusieurs manières. Cela commence en Galilée : à la fin de l’évangile, après la résurrection (16,7), la mission commencera aussi en Galilée. Au cœur de l’annonce de Jésus, que trouve-t-on ? Une Bonne Nouvelle, ce qui est le sens même du mot Évangile. Non pas une annonce de malheur, une condamnation écrasante ou nouvelle insignifiante, mais l’annonce que Dieu se rapproche, se fait proche. Un temps nouveau commence : alors il faut se préparer, se grouiller, se réveiller pour ne pas passer à côté de cet événement réjouissant.

Cette préparation, Jésus à la suite de Jean Baptiste la nomme une conversion. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile : c’est son appel. Se convertir, se détourner de … pour se tourner vers …, vivre un passage à une vie nouvelle, passer sur une autre rive. Il est fréquent de comprendre la conversion d’abord au sens moral : mener une meilleure vie, etc. Mais ce n’est là qu’une forme. Plusieurs conversions sont possibles, car nous sommes des êtres humains complexes, avec des dynamismes qui nous rendent capables de dépassement de soi mais aussi de fermeture sur soi.

Conversion religieuse, qui nous décentre des idoles et nous centre sur le mystère du Dieu créant et aimant. Conversion intellectuelle, qui nous fait passer d’un regard étroit à une vision plus solide et large. Conversion affective, qui travaille nos entrailles confuses et nous ouvre aux relations confiantes. Conversion morale, qui nous détourne d’un agir centré sur nos seuls intérêts et nous engage dans la recherche du bien et du juste, pour eux-mêmes. Conversions, marquées par des moments plus intenses qui nous lancent en avant mais aussi vécues graduellement, au fil des jours et de leurs difficultés et incertitudes. Longs processus de maturation.

Entrer en Carême, c’est entrer au désert et entrer sur une route de conversion. Pourquoi ? Parce qu’une Bonne Nouvelle est arrivée, qui vient nous rendre visite et qui a un visage vivant et réjouissant, celui d’un prêcheur de Galilée, tout frais baptisé et sorti du désert. On peut s’attendre à de l’action et à des surprises.

En ce début de carême, il peut être bon de nous demander : À ce moment de ma vie, en quel désert pourrais-je aller pour clarifier mes choix ? Et quelle sorte de conversion me serait plus bénéfique ou nécessaire ?

Je mentionnais que le séjour de Jésus au désert s’achève dans la paix : les bêtes sont tranquilles et les anges le servent, c’est la création en harmonie. Un témoin de cette création est le Bx Fra Angelico, o.p., de son nom Giovanni da Fiesole, grand peintre du 15e siècle. J’en parle parce que le 18 février est jour de mémoire de celui qui dans l’Église est le patron des artistes. Dans une lettre à un ami, il écrivait : … nous sommes ensemble des pèlerins qui, à travers des pays inconnus, se dirigent vers leur patrie. Ainsi, je vous salue, non pas exactement à la manière dont le monde envoie ses salutations, mais avec la prière : que pour vous, maintenant et à jamais, le jour se lève et les ombres s’enfuient. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de sainteté,
par ton Christ et son jeûne au désert,
tu invites tes enfants à sanctifier ce temps du carême.
Accorde-nous durant ces jours, de te retrouver,
toi, la source de l’amour,
et de nous souvenir de l’alliance éternelle
que tu fais avec les êtres humains.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.