Homélie, dimanche, 1ère semaine du Carême

18 février 2024

Le temps de l'accomplissement

En ce premier dimanche de carême, le frère Henri de Longchamp, O.P., nous invite à découvrir que tous les rayons de l’arc-en-ciel que nous formons sont pour manifester la gloire de Dieu, car nous suivons le chemin lumineux du Christ.
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LIVRE DE LA GENÈSE (9, 8-15)

Dieu dit à Noé et à ses fils : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : les oiseaux, le bétail, toutes les bêtes de la terre, tout ce qui est sorti de l’arche. Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »

Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à jamais : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc apparaîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance qui est entre moi et vous, et tous les êtres vivants : les eaux ne se changeront plus en déluge pour détruire tout être de chair. »

Homélie

Je crois qu’un des plus beaux signes de Dieu pour nous c’est l’arc-en-ciel. Peu importe ce que nous faisons, lorsque nous en voyons un, nous arrêtons tout et nous admirons. Je me suis déjà stationné sur la voie d’accotement de l’autoroute pour ne rien manquer, car c’est quand même bref.

Ce n’est pas l’arc-en-ciel du Nouvel âge ou de la culture gaie qui nous intéresse. Originellement, dans la Bible l’arc-en-ciel est le symbole de l’alliance entre Dieu avec la vie sur terre et sa promesse qu’il n’y aurait plus de mort par déluge.

Je ne cherche pas à savoir si toute cette histoire du livre de la Genèse est une légende, le sujet d’un film d’Indiana Jones, mais cette histoire est très belle. On peut y voir l’alliance avec la vie, la nôtre et celle des bêtes et le renouveau de la Nature que nous avons déréglée. Pour trouver un sens à notre aventure humaine, est-ce que je me tourne vers Dieu ou vers le grand vide ? L’arc-en-ciel est toujours là avec ses couleurs merveilleuses, couleurs du prisme, donc de la lumière ; qu’est-ce que cette lumière me donne de voir, de mieux voir ?

En écoutant bien l’évangile de Marc en ce premier dimanche du carême, nous constatons que nouvellement baptisé, Jésus ne s’en va pas par lui-même au désert ; « l’Esprit le pousse au désert, il resta quarante jours tenté par Satan ». Le charpentier de Nazareth devait faire comme les serpents qui quittent leur peau pour poursuivre leur chemin. Cette nouvelle peau distingue Jésus des disciples de Jean.

C’est vrai que Jésus prêcha en plein air, comme le Baptiste, et non pas dans les synagogues. Jean exerce son ministère dans les lieux désertiques ; Jésus parcourt les villes et les villages. Mais les disciples de Jésus ne jeûnaient pas comme les disciples de Jean. Jean était un ascète, Jésus un bon vivant. Jésus est passé de l’activité d’un baptiseur à celle d’un enseignant et d’un thaumaturge. Alors que Jean privilégie l’annonce de la proximité du jugement, Jésus annonce le Royaume de Dieu. Jean était dans le temps de l’attente, Jésus dans celui de l’accomplissement.

Jésus voyage ; traversant des contrées, interpellant les membres de sa famille spirituelle juive, il va fertiliser le temps de l’Homme par la Bonne Nouvelle de Dieu. Ce n’est pas par hasard si la Galilée est le champ où est semée la Parole. La Galilée est une terre de rencontres : les Juifs y côtoient les païens, c’est une terre de brassage des cultures, le lieu idéal pour favoriser le pluralisme des idées.

La Judée par contre est portée à la monoculture religieuse, portée à juger et à arracher pour purifier. Jérusalem est de ces villes de lumière qui se transforment en tour d’ivoire où se développe l’intolérance. C’est à Jérusalem que Jésus sera arrêté, condamné et tué ; c’est là qu’il ressuscite d’entre les morts.

Le message de Jésus naît et va prospérer dans une terre ouverte, accueillante à un pluralisme culturel et religieux, où les idées nouvelles peuvent éclore. Suivre Jésus n’est-ce pas être comme un rayon lumineux de l’arc-en-ciel qui se combine aux autres rayons et tous ces rayons sont l’éclat de la Lumière de Dieu, transmise par son Fils qui enseigne au cœur de ses auditeurs, de ses disciples. Ce n’est pas un pot rempli d’or que l’arc-en-ciel nous fait trouver. C’est l’amour, la vie, la famille religieuse de prière et d’actions que Dieu nous a préparée. Tous les rayons de l’arc-en-ciel que nous formons sont pour manifester la gloire de Dieu.

En Galilée, Jésus commence à « proclamer l’Évangile de Dieu », la Bonne Nouvelle de Dieu qui est l’avènement du Règne de Dieu. Pour les auditeurs de Jésus ce n’est pas une expression vide de sens. Je me souviens d’une scène du film « Jésus de Nazareth », réalisé par Zeffirelli. Un groupe de soldats romains vient piller un village. À leur départ, un juif tombe la face à terre et il pleure en criant vers le ciel : « Seigneur, nous as-tu oublié ? »

Les évangélistes ont rapporté la prédication de Jésus sur la prophétie d’Isaïe 61,1, qu’il a commentée à la synagogue de Nazareth : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur. »

Jésus termine son annonce en reprenant une expression de Jean Baptiste : « Convertissez-vous », qui dans la bouche de Jésus est bien plus une exhortation à la foi en Dieu, à la confiance en son éternelle Alliance avec les fils d’Adam et d’Ève, de Noé et de sa famille, une invitation au pécheur à se détourner de sa conduite coupable.

Le temps du carême que nous entamons est lumineux, car nous suivons le chemin du Christ, de sa montée à Jérusalem, de son meurtre puis de sa résurrection d’entre les morts et du don de l’Esprit Saint. Je nous souhaite à toutes et à tous d’être aussi heureux et lumineux en ce carême comme lorsque nous voyons brièvement notre arc-en-ciel. Nous avons besoin de ces brefs moments pour relever la tête, bien ancrer notre cœur en Dieu et poursuivre dans les pas du Seigneur Jésus. Les changements nécessaires dans nos vies suivront après notre découverte de l’amour de Dieu pour nous.

Profitons du carême pour confesser joyeusement l’amour qui nous fait vivre, ce qui nous conduira par la ensuite à toujours mieux nous convertir afin de croire et de vivre l’Évangile, comme le Seigneur nous y invite.

Fr. Henri de Longchamp, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu tout-puissant,
toi qui nous invites chaque année
à vivre le Carême en vérité,
donne-nous de progresser
dans l’intelligence du mystère du Christ
et d’en rechercher la réalisation
par une vie qui lui corresponde.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.