Homélie, Mercredi des Cendres B

14 février 2024

Dans le secret de ton cœur !

En ce Mercredi des Cendres, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à entrer dans le « coffre-fort » de notre cœur, comme Jésus lui-même faisait, pour y rencontrer Celui qui nous aime dans toute notre vérité.
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Homélie

Cet évangile est souvent interprété comme une invitation à prier, à partager et à jeûner durant le carême. Pour les pharisiens, ces pratiques constituent l’armature de leur pitié. Toutefois, il me semble que l’intervention de Jésus vise un autre objet. Il renvoie à la motivation de celui ou de celle qui prie, partage ou jeûne. Jésus oppose l’attitude de l’hypocrite à celui ou celle qui agit dans le secret, sans tambour ni trompette. Pour nous, un hypocrite dissimule ses intentions en vue de tromper. Dans l’Antiquité, il désigne plutôt l’acteur qui joue un rôle face à des spectateurs, d’ailleurs celui-ci portait un masque. En somme, Jésus demande à ses auditeurs s’ils jouent un rôle. Agissent-ils sous le regard des autres pour le regard des autres mettant ainsi Dieu hors-jeu?

Jésus met en garde ceux et celles qui ne veulent qu’épater la galerie ou s’émerveiller de leur générosité. ‘Que ta main gauche ignore ce que fait ta main gauche’. Jésus renvoie ses auditeurs à leurs motivations, à eux-mêmes, à leurs cœurs. Il me semble que cette invitation du Seigneur est essentielle en ce début de carême. Entrer en soi-même. Dans le secret de sa chambre, cet espace qui est, au temps de Jésus, le plus retiré, le plus intérieur et quelques fois le coffre-fort de la maison ou du palais, doté d’une porte cadenassée! Entré dans le coffre-fort de nos cœurs où le paraître laisse toute la place à notre vérité.

Nous connaissons cette maxime attribuée à Socrate « connais-toi, toi-même ». Toutefois, Jésus ne souhaite pas nous inscrire dans une démarche philosophique. Il ne nous demande pas non plus un effort d’introspection ni d’entreprendre une psychanalyse, mais d’entrer dans le secret de nos cœurs. Il ne s’agit même pas d’abord de faire un ménage en nous-mêmes, mais d’entrer dans notre cœur pour y retrouver celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes comme le dit si bien saint Augustin. Ton aumône, ta prière, ton jeûne « ne seront pas connus des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret; ton Père qui voit au plus secret te le rendra ».

« Ton Père te le rendra ». Mais que peut bien rendre le Père? Pour répondre à cette question, regardons Jésus. En effet, quand Jésus nous parle ainsi, ne nous révèle-t-il pas le secret de sa vie, de sa manière à lui de prier, de jeûner ou de faire l’aumône? Tout ce qu’il fait sous le regard des autres est d’abord et avant tout sous le regard de son Père. Tel est le secret de sa vie, sa récompense : se savoir sous le regard aimant de son Père, cette relation unique source de son amour et de sa fidélité.

Dans ce carême, entrer dans le secret de nos cœurs pour partager le secret du cœur de Jésus. Dieu ne sait que se donner lui-même. Telle est la récompense qui nous est offerte. Même si nous ne sommes que cendre et poussière, tel est le but de notre vie et, en particulier, de cette marche vers Pâques : entrer en une communion plus grande avec le Fils qui nous introduit dans l’intimité du Père et qui nous recrée en nous partageant sa vie.

Quoique nous fassions durant ces quarante jours que ce soit sous le regard du Père, en vue de cette unique récompense au plus secret de nos cœurs! Convertissons-nous et croyons à la Bonne Nouvelle!

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Accorde-nous, Seigneur,
de savoir commencer saintement, par le jeûne,
l’entraînement au combat spirituel :
que nos privations nous rendent plus forts
pour lutter contre l’esprit du mal.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.