Homélie, vendredi, 5e semaine du Temps Ordinaire

9 février 2024

Effata !

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique, par l’évangile du jour qui est un peu particulier, que lorsque Jésus guérit un malade ou un handicapé, il rétablit un lien entre cette personne et Dieu, la rendant capable d’accueillir sa Parole et de la proclamer.
effata

Homélie

Jésus a été un guérisseur. L’Évangile est emmaillé de nombreuses guérisons par Jésus. Celle relatée dans le récit de l’évangile de ce matin peut sembler étrange. Tout d’abord, il n’impose pas les mains sur la personne sourde et éprouvant des difficultés à parler comme on le lui demande. En outre, comme dans d’autres récits de guérison, il ne se contente pas d’une parole du genre, ‘va, ta foi t’a sauvé’, ou encore ‘sois guéri, je le veux’. Non, il procède comme les guérisseurs publics de son temps nous offrant ainsi une clé d’interprétation de ce miracle. Reprenons étape par étape ce récit de guérison.

Jésus commence par amener l’homme à l’écart, par le soustraire à la foule. Ce qui se passera se passera entre eux et Dieu. Ensuite, Jésus lui touche les oreilles puis la langue, les deux organes malades. Il s’engage corporellement par ses gestes et de manière plus intime par sa salive. Ce faisant, il tire quelque chose de lui-même et le lui communique.

Jésus, les yeux levés vers le ciel, émet alors un gémissement. Il ne parle pas, il gémit. Quelque chose se dit qui ne peut être exprimé par des mots. Alors qu’à la résurrection de Lazare, Jésus rend grâce à Dieu pour le signe qu’il va accomplir, ici, Jésus ne dit rien : il gémit. Ce discours inarticulé est dirigé. En effet, après avoir établi le contact, corps à corps, avec le malade, il se met en communion avec Dieu, avec son Père.

Un triangle se forme. Le premier côté est constitué du lien entre Jésus et la personne sourde, le deuxième entre Jésus et son Père et finalement le troisième entre Dieu et le malade quand Jésus prononce le mot ‘Effata’, ouvre-toi! La traduction littérale serait : « sois ouvert ». Après avoir touché les oreilles et la langue, il s’adresse à l’homme, au sujet humain, enfermé sur lui-même. La traduction ‘sois ouvert’ rend bien la passivité de la personne handicapée qui d’ailleurs n’a pas dû entendre. Autant qu’à lui, cet appel de Jésus s’adresse au Ciel. Et voilà que ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia et il parla correctement. Si le résultat correspond à la demande de la foule, le ‘sois ouvert’ peut être interprété d’une manière plus profonde dans le sens où les oreilles s’ouvrent de l’intérieur. Il ne s’agit pas seulement d’une guérison physique où le sourd peut s’ouvrir aux autres et au monde, mais où il peut également entendre la Parole de Dieu, la Parole de vie qui lui donne une nouvelle existence.

C’est dans ce sens que la liturgie du baptême inclut la possibilité pour le célébrant de toucher les oreilles et la bouche du baptisé en disant : ‘Effétah! Le Seigneur Jésus a fait entendre les sourds et parler les muets; qu’il te donne d’écouter sa parole, et de proclamer la foi pour la louange et la gloire de Dieu le Père’.

Il est également difficile pour moi de ne pas penser à tous ces pèlerinages du Rosaire organisés par les Dominicains de France auxquels j’ai eu la grâce de participer. J’y ai beaucoup confessé. Parmi toutes les confessions entendues, certains pèlerins partageaient leurs épreuves qu’ils venaient confier à la Vierge de Lourdes : maladie, mortalité, famille brisée, relations matrimoniales difficiles, voire impossibles, chômage, injustice subie. Il m’est arrivé de me sentir totalement démuni devant les situations qui m’étaient exposées. Je ne savais pas quoi dire : aucune solution humaine ne semblait possible. Une fois ou l’autre, j’aurais pleuré avec le pèlerin. Mais, m’était-il demandé de proposer une solution?

Je crois que dans le récit de la guérison du sourd et muet de l’évangile de ce matin, Jésus nous montre ce que nous pouvons faire face à la personne dans l’épreuve. Premièrement, se retirer de la foule pour nous rendre proche par le cœur, écouter, entrer dans une profonde sympathie comme Jésus qui a touché le sourd et muet. Même lorsque le dialogue par la parole est impossible, il reste justement le toucher. Alors que ma mère avait subi un AVC qui la rendait incapable de parler ou de comprendre ce qu’on lui disait, ne sachant que faire, une infirmière me dit : « prenez donc la main de votre mère »! Compatir, écouter, se faire tout proche. Et comme Jésus, gémir dans la prière! Les mots peuvent manquer. Il s’agit alors de laisser monter en nous le cri de la souffrance, en espérant que la personne éprouvée perçoive, même faiblement, un appel. « Sois ouvert. Le Christ Jésus, le Fils de Marie, est là avec toi et quoiqu’il t’arrive, il t’ouvre un chemin de vie ».

L’épreuve peut souvent boucher l’horizon. Comme le dit si justement le titre d’un ouvrage publié il y a quelques années ‘corps brisé, foi blessée’. Soyons donc comme Jésus qui se fait proche de nous tous et de nous toutes pour que, nous ouvrant à sa Parole de vie et à la souffrance des personnes qui nous entourent, nous soyons ses mains, l’expression de son amour, signe que rien n’est irrémédiablement fermé. Effata! Sois ouvert! Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu tout-puissant,
nous t’en prions :
accorde-nous de conformer à ta volonté
nos paroles et nos actes
dans une inlassable recherche des biens spirituels.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.