Homélie, samedi, 4e semaine du Temps Ordinaire

3 février 2024

Jésus et les foules

Aujourd’hui, le frère Yves Bériault, O.P. explique la compassion de Jésus, ce qui marquera tout son ministère, au point de tout donner de lui-même.
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Homélie

Bien que l’évangéliste Marc souligne à grands traits la figure imposante de Jésus au tout début de son évangile, alors que les cieux se déchirent lors de son baptême, et que lui-même commence son ministère en chassant les démons, en prêchant avec autorité, l’évangile ce matin nous dévoile un des fils conducteur qui soutient tout le ministère de Jésus, et j’ai nommé sa compassion.

D’ailleurs, cette réalité au cœur de sa mission s’affirme progressivement dans l’évangile de Marc, dès les tout premiers chapitres. Il suffit de faire la lecture des six premiers chapitres, qui nous conduisent à l’évangile de ce matin, pour être à même de le constater.

Chronologiquement, nous voyons Jésus prendre un repas avec les publicains et les pécheurs, et ainsi se faire proche des exclus. Après les premières scènes de l’évangile, où il chasse les démons, c’est lui qui peu à peu va au-devant de ceux qui sont malades, tel l’homme à la main desséchée et la belle-mère de l’apôtre Pierre.

Ses interactions avec ceux et celles qu’il guérit se font de plus en plus personnelles, plus intimes je dirais, telle cette femme qui a des pertes de sang depuis plus de douze ans, et avec qui Jésus engage un dialogue tout empreint de tendresse et de compréhension; de même avec Jaïre, le chef de synagogue, et sa fille qu’il guérit, et pour qui il est plein d’attention après sa guérison en demandant qu’on la fasse manger; ou encore à la multiplication des pains, où Jésus ne peut demeurer insensible à cette foule qui a faim.

Jésus affirmera même devant sa famille que ceux et celles qui écoutent sa parole sont véritablement pour lui des frères, des sœurs et des mères. On est loin d’un personnage qui serait indifférent à ceux qui l’approchent. Jésus établit ici un nouveau mode de relations qui dépasse de loin les convenances habituelles. Il s’agit véritablement d’une communion d’amour que seule l’analogie avec les liens familiaux peut évoquer.

Ce Jésus, Marc nous le dévoile peu à peu comme un tendre en quelque sorte, un homme attentif et sensible, éminemment proche de tous ceux et celles qu’il côtoie. Et cette réalité est plus qu’évidente ce matin dans l’évangile, alors que Marc nous fait entrer dans la vie intérieure de Jésus, lui qui devant les foules qui accourent vers lui, est « saisi de compassion envers elles, nous dit l’évangéliste, parce qu’elles étaient comme des brebis sans berger. Alors, nous dit Marc, malgré la fatigue et le repos bien mérité, il se mit à les enseigner longuement. »

La décision de Jésus est sans équivoque ici devant cette foule qui se presse autour de lui et des apôtres. Le sort en est jeté. De ces foules, il sera le bon pasteur, celui qui conduit les brebis vers les frais pâturages, leur annonçant combien elles sont aimées de Dieu. À travers son style en apparence anecdotique, l’évangéliste Marc, nous place ici au cœur même de la mission de Jésus. Il est prêt à tout donner de lui-même.

Et voici que deux mille ans plus tard, frères et sœurs, nous sommes rassemblés dans cette église, comme cette foule autour de Jésus dans l’évangile, ou plus exactement comme ces soixante-douze disciples revenant de mission. Car nous revenons de mission chaque matin lorsque nous nous rassemblons pour l’eucharistie. Nous venons déposer ici nos fardeaux à ses pieds, lui confiant tout ce qui nous importe, tout ce qui nous tient à cœur, prêts à repartir après avoir été rassasiés.

Car la mission de Jésus, c’est aussi la nôtre désormais, puisque cet amour dont il a témoigné vient de Dieu, et nous a été confié. Jésus nous a laissé en héritage la garde et la responsabilité du prochain, appelés nous aussi à nous laisser saisir de compassion, de cette compassion sans borne qui vient de Dieu, et qui est capable de tout pardonner, de tout guérir, comme en témoigne l’évangile.

C’est la philosophe Simone Weil, dans son livre Attente de Dieu, qui écrivait à ce sujet :

« L’amour du prochain est l’amour qui descend de Dieu vers l’homme. Il est antérieur à celui qui monte de l’homme vers Dieu. Dieu a hâte de descendre vers les malheureux. Dès qu’une âme est disposée au consentement, fût-elle la dernière, la plus misérable, la plus difforme, Dieu se précipite en elle pour pouvoir, à travers elle, regarder, écouter les malheureux. Avec le temps seulement, elle prend connaissance de cette présence. Mais ne trouverait-elle pas de nom pour la nommer, partout où les malheureux sont aimés pour eux-mêmes, Dieu est présent. » (Simone Weil. Attente de Dieu. La Colombe, 1950, pp. 110-111).

Fr. Yves Bériault, O.P.

 

PRIÈRE

Tu protèges, Seigneur Dieu,
ceux qui espèrent en toi ;
sans toi, rien n’est fort et rien n’est saint :
multiplie pour nous les signes de ta miséricorde,
afin que, sous ta conduite et sous ta direction,
en faisant un bon usage des biens qui passent,
nous puissions déjà nous attacher à ceux qui demeurent.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.