Homélie, lundi, 4e semaine du Temps Ordinaire

29 janvier 2024

Une guérison au prix élevé

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous explique qu’il est normal de rencontrer des résistances dans la transmission de la Bonne Nouvelle, car même Jésus a fait face à des personnes dont les priorités n’étaient pas les mêmes que celles du Royaume.
une-guerison-au-prix-eleve

Homélie

Jésus a dû surprendre ses disciples quand il a choisi de se rendre dans un village de la région de Gérasa, en dehors de la Galilée, au cœur même d’une population païenne. Cette dernière avait probablement adopté la religion romaine de l’empire. Donc croyances et pratiques religieuses différentes de celles des juifs. Un élément du récit attire toutefois l’attention : des gens de cette localité étaient des producteurs de porcs. Or, nous savons qu’il était interdit aux juifs, et ce depuis des siècles, de manger de la viande de porc (cf. Livre du Lévitique, 11, 2-8). Il est donc facile d’imaginer que les producteurs de porcs, aux yeux des juifs, étaient considérés comme des personnes impures et, en conséquence, non fréquentables. Pourtant, c’est dans un tel milieu que Jésus a choisi de conduire ses disciples.

Le récit manifeste que Jésus a la puissance de dominer les forces du mal. D’une part on le voit guérir de ses divers maux l’homme aliéné, possédé par une légion de démons, et d’autre part se débarrasser des démons en les envoyant dans la mer. Ses actions mettent en évidence sa volonté d’offrir à tout être humain une vie libérée des forces du mal. Mais nous devons reconnaître que la libération du possédé s’est accompagnée d’un prix élevé à payer: les propriétaires des porcs ont perdu leur troupeau qui s’est jeté dans la mer. Leur réaction a été immédiate : les gens de Gérasa ont tenu à ce que Jésus s’éloigne de chez eux. Le récit le mentionne clairement : « Ils se mirent à supplier Jésus de quitter leur territoire ». Oui, ces gens se réjouissaient sans doute de la guérison de leur congénère aliéné qui avait miraculeusement retrouvé ses esprits; en revanche, ils étaient sûrement choqués d’avoir perdu, à cause de Jésus, les 2000 porcs qui constituaient leur troupeau. Ils ont fort probablement interprété ce dépouillement brutal de leur source de revenus comme une injustice. Car Jésus, par son intervention, venait de mettre en danger leur économie locale. Il n’est guère surprenant alors qu’ils aient voulu le voir s’éloigner. Selon leurs critères, la guérison de leur congénère possédé ne pouvait pas compenser pour la perte économique qu’ils venaient de subir. C’était trop cher payer une guérison ! D’autant plus qu’ils n’avaient sans doute pas l’intention d’abandonner la production porcine pour gagner leur vie. Le renvoi de Jésus exprimait ouvertement leur résistance future à des interventions semblables à celle à laquelle ils venaient d’assister.

Or, voilà que Jésus se permet, dans un tel contexte, de prendre le risque de confier à l’homme guéri, devenu un disciple, de rester sur place pour évangéliser son milieu : « Rentre chez toi, auprès des tiens, annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi ». Il est bien évident que son témoignage allait rencontrer de la résistance. D’autant plus que Jésus avait laissé une image ambigüe lors de son passage : image positive, oui, grâce à la guérison du possédé, mais, en même temps, une image négative à cause de la perte de leur troupeau de porcs qu’il avait provoquée.

Ce récit évangélique illustre fort bien deux éléments que l’on rencontre souvent dans l’évangile : d’une part la force de la grâce qui libère de la maladie et de la mort spirituelle, d’autre part la résistance à la Bonne Nouvelle. La puissance transformatrice du Christ Jésus, nous la retrouvons régulièrement tout au long de l’histoire de l’Église. Que d’hommes et de femmes ont accepté de changer leurs vies après avoir fait la rencontre du Christ Jésus et avoir accueilli sa lumière. En revanche, que de gens ont préféré défendre leurs intérêts immédiats et ainsi se fermer à la venue du Règne de Dieu dans leur vie personnelle et familiale. Ces deux réalités observées en parallèle montrent bien que la venue du Règne de Dieu passe par une lutte continue contre les forces du mal. Suivre Jésus, c’est s’engager dans cette lutte, lutte qui comporte régulièrement des retombées plus ou moins pénibles pour les porteurs et témoins de la Bonne Nouvelle. Retenons que la puissance de la grâce ne cesse jamais d’apporter des libérations au cœur de notre monde, tout comme cela s’est produit à Gérasa.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu créateur et maître de tout,
pose sur nous ton regard,
et pour que nous ressentions l’effet de ton pardon,
accorde-nous de te servir avec un cœur sans partage.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.