Homélie, jeudi, 3e semaine du Temps Ordinaire

25 janvier 2024

Je suis celui que tu persécutes.

En cette journée où nous célébrons la conversion de saint Paul, apôtre, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique en détail pourquoi Jésus s’adresse à Paul comme il le fait lors de son apparition et ce que Paul vient à comprendre grâce à cette rencontre.
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Homélie

« Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? » Il demanda : « Qui es-tu, Seigneur? » La voix répondit : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes ».

Ce bref échange entre Jésus et celui qui deviendra Paul est bien particulier. Jésus aurait bien pu se présenter à lui comme le Christ, le Seigneur, le Vivant, celui qui avait été rejeté et qui, maintenant, siège à la droite du Père. Rien de tout cela. Jésus dit tout simplement « Je suis Jésus ». Dans le troisième récit de la conversion de Paul, il ajoute : « Je suis Jésus le Nazaréen ». Rien de plus concret. Rien de plus humain. Le Seigneur se présente sous le nom qu’il portait, avec le nom qui a été inscrit sur la croix « Jésus de Nazareth ».

Le Ressuscité, le Glorifié qui se manifeste à Paul est bien cet homme qui a marché sur les chemins de la Palestine. Il n’a pas renié celui qui a été vu, avec qui on a mangé, celui qu’on a écouté. Cela me rappelle le dialogue entre Thomas et lui : « Avance et mets ta main dans mon côté, ne sois plus incrédule, mais croyant »! Celui qui se laisse percevoir par Paul est toujours notre frère en humanité.

Mais Jésus va plus loin. Par deux fois, il se présente à lui comme le persécuté. Non pas celui qui a été persécuté au point d’être crucifié et de mourir sur une croix, mais comme celui que Paul persécute maintenant. Rappelons-nous que non seulement Paul partait vers Damas pour enchaîner les chrétiens et chrétiennes et les ramener à Jérusalem, mais qu’il avait été aussi celui au pied duquel les lapidateurs d’Étienne avaient déposé leurs vêtements en signe d’approbation de ce meurtre.

Comment interpréter ce lien entre Jésus et les persécutés en son nom? Nous pourrions toujours dire qu’il s’agit d’une marque de soutien. Je suis de leur côté. Je suis avec eux. Ce sont des amis. Je crois qu’il faut aller plus loin. « Tout ce que vous aurez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’aurez fait ». Nourrir l’affamé, vêtir le pauvre, accueillir l’étranger, visiter le prisonnier, soigner le malade, c’est nourrir, vêtir, accueillir, visiter et soigner le Seigneur. Jésus, le Juge de la fin des temps, s’identifie carrément à tous les êtres pauvres comme il s’identifie aux persécutés en son nom.

La première lettre de Paul aux Corinthiens nous permet d’enrichir cette interprétation. En effet, il y est écrit en parlant du Corps du Christ : « si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps ». Il me semble que la pensée de Paul lui-même nous aide à comprendre la profondeur de l’expérience qu’il a vécue sur le chemin de Damas, l’expérience qu’il a faite du Christ. Si un membre souffre, si un membre est persécuté, tous, y compris le Christ, souffrent ou sont persécutés. Paul le persécute, car tous les baptisés forment un corps dont lui le Christ est la tête. C’est l’Esprit qui nous tient les uns et les autres en profonde communion au point de ne former qu’un corps avec nos différences et malgré nos différends.

Paul est renversé et précipité à terre parce qu’il réalise, tout Juif qu’il est, tout pharisien qu’il est, qu’il n’est pas sauvé par la Loi, mais par son intégration au Corps du Christ qui est mort et ressuscité de sorte que tout son corps passe avec lui par la mort et la résurrection. Si Paul est sauvé, c’est parce qu’il est sauvé par le Christ et par sa communion avec lui. À son baptême, il sera plongé dans la mort du Christ et sa résurrection. Il lui sera uni au point de devenir lui aussi, comme Jésus, fils de Dieu.

Galates, chapitre 3 : « vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus ». C’est ce que Paul proclamera toute sa vie.

Nous ne faisons plus qu’un dans le Christ. Et nous ne faisons plus qu’un avec le Christ. Voilà ce qui se cache, me semble-t-il, derrière cette présentation du Seigneur à Paul. « Je suis Jésus le Nazaréen, celui que tu persécutes ».

C’est ainsi que se conclut la semaine de prières en vue de l’unité des chrétiens. Qui mieux que Paul pour nous faire comprendre notre unité les uns avec les autres et notre union avec le Christ, notre tête et Seigneur, qui demeure pour toujours Jésus de Nazareth?

Dans cette eucharistie, célébrons et accueillons ce que nous sommes : le Corps du Christ!

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
tu as instruit le monde entier par la prédication
du bienheureux apôtre Paul
dont nous célébrons aujourd’hui la conversion ;
accorde-nous d’aller vers toi
en suivant les exemples qu’il nous donne,
et d’être ainsi pour le monde les témoins de ta vérité.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.