Homélie, lundi, 2e semaine du Temps Ordinaire

15 janvier 2024

Bien avant le jeûne

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous explique pourquoi Jésus cherche à se distancer des habitudes de jeûne des pharisiens et quel est le nouvel ordre de priorité qu’il instaure quant à ce genre de pratique.
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Homélie

Avec la question : « Pourquoi, alors que les disciples de Jean et les disciples des pharisiens jeûnent, tes disciples ne jeûnent-ils pas? », on venait indirectement accuser Jésus d’avoir des exigences ascétiques insuffisantes. On laissait entendre qu’il aurait dû se conformer, à ce propos, aux modèles donnés par les zélés qu’étaient, entre autres, les pharisiens. Rappelons immédiatement que la pratique du jeûne était restreinte dans la tradition biblique. Dans cette tradition, il n’y avait que six jours officiels de jeûne obligatoire. Et à l’époque de Jésus, les mères de famille, les personnes malades, les gens âgés et les enfants de moins de 13 ans étaient exemptés de ces jours de jeûne. Manifestement, la population juive en général n’accordait pas une place significative au jeûne dans ses pratiques religieuses. Il reste que bien des gens, sur une base volontaire, s’imposaient de jeûner, à certains moments, pour implorer le pardon de Dieu par exemple. En revanche, les pharisiens jeûnaient deux jours par semaine (Lc 18,12). Pendant ces journées, ils devaient s’abstenir de manger et de boire – même de l’eau, ne pas se laver les mains (sauf le bout des doigts), ne pas se parfumer et ne pas porter de sandales. Par leurs comportements, ils manifestaient un zèle que la population en général de pouvait pas se permettre. À retenir ici que l’association des pharisiens recrutaient ses membres chez les scribes, les prêtres et les fonctionnaires publics, bref chez les lettrés, et non pas chez les travailleurs manuels.

Jésus, lui, a refusé de faire sien ce modèle de pratiques ascétiques. À ses yeux, les pratiques religieuses à privilégier étaient celles qui manifestaient explicitement l’amour de Dieu et du prochain. Tout ce qui était service de l’autre dans le besoin, tout ce qui était partage de ses biens pour soutenir les marginalisés et les pauvres, tout cela passait bien avant les jeûnes. Ce qu’il a proposé à ses disciples, c’était un nouvel ordre de priorité dans les attitudes et les gestes à privilégier. D’ailleurs, il voyait bien ce à quoi pouvait mener les choix des pharisiens. Ne disait-il pas : « Quand vous jeûnez, ne ressemblez pas aux hypocrites : ils prennent une mine défaite pour montrer aux gens qu’ils jeûnent; en vérité je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage pour ne pas montrer aux gens que tu jeûnes, mais seulement à ton Père qui est dans le secret. » (Mt 6,16-18)

Il y avait aussi un autre motif qui amenait Jésus à prendre ses distances à l’endroit des pratiques excessives des pharisiens: c’était celui de se donner l’illusion de pouvoir se sauver soi-même grâce à ses privations physiques prononcées. Le danger, c’était d’oublier que le salut de Dieu était un don gratuit, une grâce. Car l’entrée progressive dans une communion avec Dieu repose avant tout sur sa miséricorde et sa bienveillance. C’est dire que, pour Jésus, la charité, l’amour du prochain, devait devenir le pôle central de toute pratique évangélique. Pour plaire à Dieu et vivre en communion avec lui, le service des autres devait passer bien avant la recherche de privations physiques. C’est pourquoi il pouvait dire : « À vin nouveau, outres neuves ».

Le passage évangélique du jour nous invite à aller à l’essentiel et à imiter Jésus dans le choix des pratiques évangéliques à privilégier. Et là, dans le contexte actuel, le service des autres et l’approfondissement de notre foi s’imposent. C’est en empruntant ces voies que nous pouvons devenir des témoins crédibles de l’Évangile.

Puisse l’Eucharistie que nous allons célébrer nous donner la soif d’accueillir pleinement la lumière de l’Évangile et d’en vivre au quotidien !

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
tu as promis d’habiter les cœurs droits et sincères ;
donne-nous, par ta grâce,
de vivre de telle manière que
tu puisses faire en nous ta demeure.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.