Homélie, jeudi, Octave de Noël

28 décembre 2023

D'abord la joie

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., souligne la mémoire liturgique des saints Innocents, ces enfants massacrés parce que le roi Hérode se sentait menacé par la naissance d’un enfant à Bethléem, descendant du grand roi David.
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Homélie

Selon certains, nous aurions besoin de Noël, de cette période des fêtes pour nous prouver que nous sommes capables de bonté et de générosité alors que, durant le reste de l’année, nous vivons au milieu de loups. Homo homini lupus est. « L’homme est un loup pour l’homme » selon cet ancien adage. Nous avons besoin de nous rappeler que nous avons été enfants et de faire revivre l’enfant en nous à travers les enfants qui sont au cœur de la fête. Les fêtes de Noël, un baume sur les cœurs endurcis ou meurtris par la vie.

Il y a sans doute une grande part de vérité dans cette observation. La liturgie est, cependant, moins généreuse avec nous. Alors que nous sommes encore émus par la naissance de Jésus, généralement couché dans une belle crèche, bien propre, fleurie, avec un âne, un bœuf, qui ne sentent pas l’étable, avec de gentils petits moutons, et des bergers bien polis, ce matin, la liturgie nous jette à la figure toute la méchanceté, la cruauté et la barbarie dont l’humanité est capable. Non pour nous humilier, est-ce nécessaire? Quotidiennement, nous avons notre dose d’horreurs dans les médias. Son but est autre : s’assurer que nous sommes bien conscients du sérieux de l’engagement que Dieu prend en venant vivre parmi nous. Comme le proclame le cantique de Zacharie. « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël qui visite et rachète son peuple! » Il vient nous racheter, lui l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, lui, Jésus, « Dieu sauve ».

D’ailleurs le passage de l’Évangile de Matthieu qui a été proclamé ce matin évoque les actions libératrices et salvatrices du Dieu d’Israël.

Jésus part pour l’Égypte, ce pays où Pharaon, comme Hérode, avait ordonné le meurtre de tous les petits garçons hébreux. Dieu ayant alors entendu les cris de son peuple et s’étant souvenu de son alliance avec Abraham, appela Moïse pour qu’il libère son peuple du joug des Égyptiens.

Aujourd’hui, il a entendu les cris de Rachel dans Rama qui pleure le départ de ses fils pour l’esclavage en Assyrie. Il a entendu le cri de toutes ces mères qui pleurent leurs enfants enlevés, violentés, blessés, tués. D’ailleurs, dans tous les conflits armés, les premières victimes sont les femmes et les enfants. Comme autrefois, Dieu, appelle d’Égypte son Fils, le nouveau Moïse, pour nous libérer de nous-mêmes, pour changer nos cœurs et pour inscrire en nous par son Esprit sa nouvelle Alliance.

C’est dans cet esprit que le pape François, dans une lettre envoyée à tous les évêques le jour de la fête de Saints-Innocents en 2016 écrit: « aujourd’hui, comme Joseph, nous sommes invités à ne pas nous laisser voler la joie ».

Il ne s’agit pas de nier les atrocités qui marquent la vie de trop de peuples mais elles peuvent nous voler la joie en tuant en nous toute espérance. Elles peuvent nous assommer comme un boxeur mis KO qui peine à se relever. Elles peuvent aussi nous amener à une certaine résignation en menant une belle petite vie bien tranquille et en essayant de profiter de toutes les joies qui se présentent tout en faisant le moins de vague possible. C’est déjà ça de pris, mais quelle résignation! N’est-ce pas alors la victoire ultime de tous les tyrans qui pensent que la violence a le dernier mot et que la loi du plus fort est toujours la meilleure?

Non, ne nous laissons pas voler notre joie, car la naissance du Sauveur signifie la fin d’un monde et l’émergence d’un nouveau. La joie de la nuit de Noël s’enracine dans celle de la nuit de Pâques.

Comme le pape François le rappelle, cette joie naît d’un appel à protéger la vie, spécialement celle des saints innocents d’aujourd’hui. Comme saint Joseph protéger l’enfant et sa joie qui, averti en songe, prit l’enfant et sa mère pour se réfugier en Égypte. Concrètement, cela signifie « travailler pour garantir [aux enfants] les conditions nécessaires afin que leur dignité d’enfants de Dieu soit non seulement respectée mais surtout défendue. »

Ainsi, conclut-il : ‘Ne laissons pas voler leur joie. Ne nous laissons pas voler la joie, gardons-la, aidons-la à grandir’. Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
aujourd’hui, sans parler mais en mourant,
les martyrs innocents ont proclamé ta louange ;
fais que notre vie tout entière témoigne de la foi
que notre bouche proclame.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.