21 décembre 2023
Marie, l'idéal du croyant
CANTIQUE DES CANTIQUES (2, 8-14)
La voix de mon bien-aimé ! C’est lui, il vient… Il bondit sur les montagnes, il court sur les collines, mon bien-aimé, pareil à la gazelle, au faon de la biche. Le voici, c’est lui qui se tient derrière notre mur : il regarde aux fenêtres, guette par le treillage. Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…
Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre.
Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…
Ma colombe, dans les fentes du rocher, dans les retraites escarpées, que je voie ton visage, que j’entende ta voix ! Ta voix est douce et ton visage, charmant.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (1, 39-45)
En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Homélie
Au noviciat, sur l’autel autour duquel les frères se réunissaient pour la prière, était placé un triptyque qu’on appelle la déisis. Au centre, le Christ pantocrator. D’un côté, Marie, sa mère, et de l’autre, Jean Baptiste, le précurseur. Le père-maître avait expliqué que le Christ glorifié, parole du Dieu vivant, était entouré de sa Mère qui accueille sa parole et de Jean Baptiste qui la proclame.
Il avait sans doute raison, mais c’était allé un peu vite en affaires. En effet, la visitation bouleverse cette représentation de Marie contemplative et de Jean-Baptiste prédicateur. Marie n’est pas seulement celle qui accueille la Parole au point de devenir la mère du Verbe fait chair, mais elle est aussi celle qui part, qui se met en marche à cause de cette parole même.
Il faut bien reconnaître que le texte est muet sur ses motivations. J’ai l’impression que Luc ne s’intéresse pas à cette question. Pour lui, l’important c’est la rencontre et toute sa portée théologique. Toutefois, n’étant pas exégète, pourquoi ne pas me permettre quelques hypothèses?
Une première : Marie est la parfaite croyante. Portant en elle la présence de celui qui deviendra son Fils, elle ne peut garder pour elle cette bonne nouvelle. Elle doit la communiquer, la partager. Elle part.
Ou encore, habitée par le fruit de la miséricorde divine, elle est sensible aux situations des personnes comme elle le montrera à Cana. Apprenant la grossesse de sa cousine qui est déjà âgée, elle veut être près d’elle et l’aider. Marie sensible aux choses de la vie. Elle n’est pas Jean Baptiste qui vit dans le désert et vers qui les gens viennent. Elle va vers les gens sachant reconnaître dans leur quotidien leurs besoins.
Pourquoi choisir une interprétation? Pourquoi pas les deux? Elles ont, d’ailleurs, un point commun : la présence du Christ en elle.
Le Christ ne nous est pas donné pour que nous le gardions égoïstement. Il veut être accueilli par la multitude. Je suis venu rassembler les enfants de Dieu dispersés. Je suis venu chercher la brebis perdue. Je suis venu pour que tous aient la vie et la vie en abondance. La foi met en route! Les apôtres prendront la route quand ils auront reçu l’Esprit, mais Marie est déjà comblée de l’Esprit qui l’a prise sous son ombre. Et elle se met en route.
La visitation de Marie a eu un impact important dans notre pays. En effet, au tout début de la fondation de Montréal, une jeune femme, Marguerite Bourgeoys porte l’idéal de réunir dans une école les petites filles françaises et les petites amérindiennes pour les former ensemble. En vue de la réalisation de ce projet qui prendra les dimensions de la jeune colonie, elle fonde la Congrégation Notre-Dame que nous connaissons bien. L’évêque de Québec, Mgr de Laval, accueille bien cette initiative. Toutefois, il aurait voulu que ces sœurs soient cloîtrées. Marguerite Bourgeoys s’y oppose en prenant justement l’exemple de Marie qui part à la hâte vers sa cousine. Elle rompt avec une convention multiséculaire selon laquelle les religieuses devaient être cloîtrées. Le combat a été rude. Elle l’a emporté. Au cœur de sa spiritualité : Marie dans le mystère de la Visitation au point de briser les barreaux des cloîtres. En passant, je ne sais pas comment les choses se passent maintenant entre eux dans le ciel, car ils ont été tous les deux canonisés.
Un dernier point qui m’apparaît fondamental : la réaction que son arrivée et sa présence suscitent. Marie a voulu être présente à sa cousine et voilà que sa cousine la confirme dans son appel. Un profond mystère : elle veut donner, elle reçoit. Sa vie intérieure, sa contemplation, disons, s’enrichissent de ce qu’elle entend de la bouche de sa cousine! Et la voilà qui chante le beau cantique du Magnificat. Rien de tout cela si elle était restée bien tranquille à Nazareth.
Vraiment Marie, l’idéal du croyant. Elle accueille la Parole. Elle médite tous les évènements de sa vie dans son cœur. Mais Marie attentive part habitée par la Parole pour que tous puissent en vivre. Qu’elle soit pour nous non seulement un exemple et une inspiration en devenant, comme elle, porteurs de la joie de la présence de Dieu en nos vies, surtout à la veille des fêtes de Noël.
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Écoute avec bonté, Seigneur,
la prière de ton peuple qui se réjouit
de la venue de ton Fils en notre chair,
puissions-nous, quand il viendra en majesté,
obtenir la récompense de la vie éternelle.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
lui qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.