Homélie, Dimanche de la Joie

17 décembre 2023

Réjouissez-vous !

En ce Dimanche de la Joie, le frère Yves Bériault, O.P., nous explique qu’il est impossible pour ceux qui sont « du Christ » de renier la joie, même lorsque le monde semble nous bombarder de tristesse et d’angoisse, car la source de cette joie que nous voulons répandre, c’est Jésus lui-même. Alors, cultivons-la et vivons-la !
rejouissez-vous

Homélie

Échange au petit déjeuner ce matin avec certains de mes frères dominicains qui devaient donner une homélie aujourd’hui. Comment parler de la joie alors que tellement de situations dans le monde viennent contredire cette joie ? N’est-il pas inconvenant d’en parler?

Pourtant, je n’y vois pas de contradiction si nous prenons la peine de bien identifier cette joie. De quelle joie parlons-nous? Car pour les chrétiens et les chrétiennes, l’interpellation de Paul que nous venons d’entendre : « Frères et sœurs, soyez toujours dans la joie », cette invitation trouve son fondement dans les paroles de Jésus à ses disciples.

C’est cette joie que nous célébrons en ce dimanche de la joie. Et pour nous chrétiens, faire abstraction de cette joie à laquelle nous sommes appelés à cause de l’état de notre monde, c’est comme si l’on nous disait qu’il est impossible d’aimer devant le monde tel qu’il est, impossible de tomber en amour.

Cette proposition en soi, on la trouverait ridicule n’est-ce pas? Comment est-ce possible de ne pas tomber en amour, de ne pas aimer, et ce, même dans les circonstances les plus difficiles de la vie.

La joie que la foi en Jésus Christ met en nos cœurs est aussi réelle que l’amour que nous avons pour nos proches, pour l’être aimé. D’où l’invitation de Paul : « Soyez toujours dans la joie, » cette joie qui est aussi forte que l’amour.

C’est le dominicain et évêque Pierre Claverie, martyr en Algérie, qui commentant ce passage, disait de la joie que c’est la béatitude de ceux et celles qui se savent aimés de Dieu. C’est dans cet amour que prend sa source la joie chrétienne. Mais il ne faut pas s’y méprendre. Celui ou celle qui fait l’expérience de cette joie sait qu’elle peut exiger beaucoup de nous.

Elle n’est ni béate, ni facile cette joie, car elle nous demande que l’on puisse regarder la réalité dans le blanc des yeux, sans se détourner, sans fuir. Elle fait de nous des adultes dans la foi. Elle nous rend solidaires du bonheur des autres, au point où elle nous invite à pleurer avec ceux qui pleurent, à nous réjouir avec ceux qui se réjouissent, à souffrir avec ceux qui souffrent. Cette joie profonde que nous apporte le Christ nous donne force et courage, elle nous fait tenir bon dans la confiance, au cœur même des tempêtes de la vie.

Un évêque allemand, que j’ai eu la chance d’entendre prêcher un jour à Rome proclamait bien fort dans une homélie devant des centaines de jeunes : « Je suis fils de Dieu! Avant même que le monde soit créé, Dieu pensait à moi. Il m’aimait déjà et il voulait me créer. Et ce monde avec ses galaxies a été créé pour MOI, car JE suis fils de Dieu. Et il me demande de m’y engager avec tout cet amour qu’il a mis en moi, car JE suis fils de Dieu! »

Chers amis-ies, il y a en chacun et chacune de nous un dynamisme de vie capable de se tourner vers l’infini, et capable d’en reconnaître la source et le commencement : Dieu, notre Père. Car nous sommes fils et filles de Dieu. C’est ce que Jésus vient accomplir en nos vies. Dans son livre, « L’enfance de Jésus », Joseph Ratzinger, le pape émérite Benoît XVI, écrivait : « Jésus assume en lui toute l’humanité, toute l’histoire de l’humanité, et lui fait prendre un nouveau tournant, décisif, vers une nouvelle façon d’être une personne humaine. »

Être « Chrétien », voyez-vous, c’est être « du Christ », c’est appartenir au Christ, et donc être rempli de la joie même du Christ, qui est capable de transfigurer une existence humaine. Cette joie du Christ a très certainement impressionné les apôtres, puisque l’évangéliste Jean a retenu cette phrase de Jésus : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15, 11). C’est à cette joie que nous sommes appelés.

Il y a quelques années, une correspondante m’écrivait en me questionnant au sujet d’un Christ en croix qu’elle avait vu et qui souriait. On peut voir cette croix à l’Abbaye de Lérins, en France. Cette femme me demandait comment comprendre une telle œuvre, une telle représentation du Christ?

Je lui ai répondu ceci : « Je comprends que ce Christ souriant puisse nous interroger lorsque nous-mêmes nous souffrons. Le sourire du Christ n’est pourtant pas le sourire béat des ”Roger-bon-temps”. Ce sourire que les artisans du Moyen-Âge ont donné au Christ en croix, renvoie à une certitude intérieure chez Jésus qui se fonde sur cet amour du Père qui le soutient jusque dans sa passion. »

Bien sûr, il est difficile de parler de joie à ceux et celles qui souffrent dans leur corps et dans leur âme. Pourtant, la joie est au rendez-vous dans l’Évangile. Elle frappe à la porte de nos souffrances physiques, morales et spirituelles, elle nous invite au rendez-vous de Dieu.

Et c’est ainsi que cette joie transforme toute vie qui l’accueille. Car la joie pascale est la marque de la spiritualité chrétienne. Ce n’est pas de l’insouciance, mais une sagesse qui vient de Dieu, et qui s’enracine dans un bonheur profond et durable qui ne craint pas les combats, qui ne craint pas de se salir les mains, ni de se compromettre ou de lutter comme Jésus l’a fait.

Alors, frères et sœurs, comment cacher cette joie qui nous habite? Il faut nous la redire, la chanter, la célébrer, la proclamer, la faire nôtre comme nous le faisons dans toutes nos célébrations. C’est là tout le sens de nos liturgies, quand nous chantons nos alléluias, quand nos chants de louange montent vers le ciel, quand nous proclamons ensemble au cœur de l’eucharistie « comme il est grand le mystère de la foi ». Oui, frères et sœurs, soyons toujours dans la joie, prions sans relâche, rendons grâce en toute circonstance : car c’est là la volonté de Dieu à notre égard dans le Christ Jésus. Amen.

Fr. Yves Bériault, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu très bon, nous le croyons,
ton Fils vient guérir les cœurs brisés,
apporter aux captifs la liberté
et annoncer ta joie au monde.
Ne permets pas que nous doutions de lui
ou que nous fassions obstacle à son action,
mais accorde-nous d’être, avec sa grâce,
de bons ouvriers du Royaume,
maintenant et pour les siècles des siècles.

∞ Amen.