Homélie, dimanche, 29ème semaine du Temps Ordinaire

22 octobre 2023

Être sans masque

En ce dimanche soir, sœur Catherine Aubin, O.P., nous explique comment Jésus, complètement détourné du mal et de la déception, répond toujours en mettant en lumière les pièges et les intentions de ceux qui lui adressent des questions difficiles, surtout celles précédées de flatteries.
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Homélie

Il y a quelques jours, nous étions avec des étudiants, autour du thème de la prière. Nous parlions de l’humilité comme condition première pour prier. Or, l’humilité vient de humus qui veut dire -terre- et que l’on retrouve aussi dans le terme humour. L’humour étant cette autodérision qui permet de se voir en vérité et d’en sourire.

Ces étudiants m’ont expliqué que dans leurs relations humaines entre eux ils ne pratiquaient pas l’humour mais plutôt l’ironie. “Cette ironie qu’on use pour montrer que l’on maîtrise les codes culturels et que l’on peut s’en moquer”… Ce n’est pas tout, ils m’ont aussi expliqué que la post-ironie désigne le stade où l’ironie se déploie de manière si complexe qu’elle dépasse le sarcasme pour parfois être dans la sincérité. Par conséquent cela permet d’affirmer l’appartenance à un groupe.

D’où ma question pour ce soir en rapport avec l’Évangile : de quoi nos paroles sont-elles porteuses ? Nos paroles sont-elles porteuses de vérité ?

Avec l’intention d’établir un dialogue ? une rencontre ? Voire une visitation ? Ou bien nos paroles sont-elles porteuses comme celles des pharisiens de mensonges voire d’une certaine ironie pour tendre un piège et piéger comme une proie son interlocuteur. C’est ce que nous voyons ce soir autour de cet évangile. Les pharisiens veulent tendre un piège à Jésus par une parole, nous dit une traduction littérale.

Quelle est donc la véritable intention des pharisiens ? Qu’est-ce que leurs paroles révèlent de leur être profond ?

Vous avez remarqué que ces interlocuteurs commencent par flatter Jésus. Les premières paroles de ces disciples sont des paroles de séduction, flatteuse pour amadouer Jésus, elles contiennent une forme d’ironie : Tu ne te laisses pas influencer par personne. Car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. Or, la traduction littérale nous dit, tu ne crains personne. Tu n’imites personne. Car tu ne portes pas de masque.

Jésus ne porte pas de masque. Et ses adversaires le savent et ils veulent l’attraper. Car Jésus n’est pas comme eux, Jésus ne va pas leur répondre sur le même terrain et ils le savent. Et pourtant, ils essayent.

Ces premières phrases nous indiquent et nous révèlent nos fausses questions ou interrogations, nos questions qui ne sont pas ajustées, nos questions ironiques qui veulent parfois faire tomber l’autre ou l’exclure. Pourquoi faisons-nous cela ?

Que se passe-t-il au plus profond de nous-mêmes quand, comme ces pharisiens, nous voulons piéger l’autre ? De qui ou de quoi sommes-nous complices ? Sommes-nous à la bonne place ? ajustée et en vérité ? Non.

L’évangile continue avec la réponse de Jésus, droite, fulgurante, et sans détour : Hypocrites, littéralement preneurs d’apparence, car nous dit l’évangile, Jésus avait pénétré leur malice ou leur perversité. Jésus indique où il se trouve tout de suite : Il est dans la Vérité de son être, Il est Vérité, et par effet de miroir, il renvoie aux disciples des pharisiens leurs distorsions, et surtout leurs gouts pour le mal, et leur façon d’en retirer du plaisir : c’est cela la perversité.

Jamais Jésus ne se laisse prendre aux fausses questions : Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Jésus lui répondit : Pourquoi m’appelles-tu bon ? Il n’y a de bon que Dieu seul. (Lc 18, 18,19)

À chaque fois, que Jésus se retrouve devant ces questions « diaboliques » qui divisent, Il n’y répond JAMAIS. Il interroge et pose une autre question, afin que la véritable intention de l’adversaire se dévoile et qu’il puisse être embarquer ou remis sur une autre piste, plus profonde et qui renvoie à une véritable interrogation.

Ici dans cet évangile, il n’est pas question d’impôt rendu à César ou pas ; il est question des idoles. Ou pour le dire autrement : qui servez-vous ? César ou Dieu ? Qui voulez-vous attraper ou piéger pour votre propre intérêt ?

À chaque fois, Jésus remet la personne dans la parole vraie, droite et ajustée. Il n’est jamais dans la malice, la tromperie, l’ironie ou la séduction. Il les dénonce, les révèle et les met en évidence, à la lumière. Il n’a aucun goût, ni complicité avec le mal et ne le recherche jamais.

De quoi ou de qui les paroles et les interrogations de Jésus sont-elles porteuses ? Quand Jésus enseigne aux foules, à ses disciples, à ses ami(e)s, sa Parole réchauffe, nourrit, encourage, pacifie, porte vers les autres pour les consoler, les servir, et les accompagner. Jésus ne fait rien de lui-même, Il montre le visage sans masque de son Père, et transmets le Souffle-Esprit, l’Avocat, le Défenseur, l’Esprit Saint qui est toujours AVEC nous, et jamais contre.

Nous vivons ce soir la messe, l’eucharistie, qui veut dire « rendre grâce ». Que toutes ces paroles que nous allons chanter, dire ou murmurer soient le reflet de qui nous voulons être en Dieu, par Jésus dans l’Esprit.

Sr. Catherine Aubin, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
tu veux que tous les hommes soient sauvés
et parviennent à la connaissance de la vérité;
regarde l’étendue des champs à moissonner,
envoie, nous t’en prions, des ouvriers
pour annoncer l’Évangile à toute créature :
ainsi, ton peuple, rassemblé par la parole de vie
et soutenu par la force des sacrements,
progressera sur le chemin du salut et de la charité.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.