16 octobre 2023
Au service du Royaume
LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ROMAINS (1, 1-7)
Paul, serviteur du Christ Jésus, appelé à être Apôtre, mis à part pour l’Évangile de Dieu, à tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome. Cet Évangile, que Dieu avait promis d’avance par ses prophètes dans les saintes Écritures, concerne son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David et, selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur. Pour que son nom soit reconnu, nous avons reçu par lui grâce et mission d’Apôtre, afin d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes, dont vous faites partie, vous aussi que Jésus Christ a appelés. À vous qui êtes appelés à être saints, la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MATTHIEU (25, 31-40)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”
Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
Homélie
Dans le récit d’aujourd’hui, Jésus annonce que toute l’humanité, au terme de l’histoire humaine, sera convoquée à un grand rassemblement final. Dans ce regroupement ultime, se retrouveront des hommes et des femmes de toutes catégories sociales, de toutes provenances géographiques et ethniques, de toutes traditions religieuses. Et là, Dieu départagera cette foule immense entre ceux et celles qui se sont montrés dignes de partager son intimité bienheureuse et ceux et celles qui n’ont pas voulu collaborer avec lui pour l’édification de son Royaume. Or, à la surprise sans doute des disciples, ce sont les personnes qui seront allées au-devant des gens dans le besoin qui seront avant tout les bénies de Dieu : « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger; (…); j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli; (…); j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! »
L’enseignement de Jésus est clair : la compassion active à l’endroit des personnes appauvries, marginalisées, déconsidérées sera le critère premier pour départager les élus et les non-élus. Cela donne l’impression que certains critères de fidélité à Dieu deviennent secondaires. Par exemple, il n’est pas question ici du temps passé à chanter la gloire de Dieu dans le cadre de célébrations religieuses; pas question de gestes héroïques posées dans le but de défendre sa foi; pas question du temps réservé à la prière personnelle et communautaire. Étrange en effet, car on sait que Jésus connaissait très bien la tradition religieuse des Israélites et qu’il s’y conformait habituellement. Dans le cas présent, tout est centré sur le service à offrir à toute personne dont la vie est fragilisée, diminuée, soit par la maladie, soit par la pauvreté matérielle ou la marginalisation sociale. Bref, ce qui va décider du sort final de chaque être humain, c’est sa capacité d’aimer suffisamment pour venir en aide à ceux et celles qui sont plus ou moins dépouillés matériellement et socialement, pour venir en aide aux personnes mal aimées et déconsidérées. En d’autres mots, c’est en imitant Dieu dans sa compassion et son amour universel que les personnes pourront être jugées dignes d’entrer dans son Royaume.
N’est-ce pas une telle attitude de compassion évangélique qui a motivé les choix de Marguerite d’Youville, au milieu du XVIIIe siècle, à Montréal ? Elle a choisi, avec quelques compagnes, d’aller porter secours à des personnes plongées dans la misère physique et morale. En 1737, elle loue une maison pour recueillir les femmes nécessiteuses. Initiative mal perçue, au départ, par une partie de la population qui imagine qu’elle a organisé un lieu de prostitution. Elle continue cependant de protéger le plus possible ces femmes mises de côté. En 1747, son champ d’action s’élargit : elle devient la gestionnaire de l’Hôpital général des Frères Charon. Elle tient à ce que toutes les personnes qui sont malades y aient accès. En 1754, elle décide de recueillir les enfants abandonnés. Puis, à l’occasion des conflits militaires avec les Anglais, et ce autour de 1760, elle offre des soins tant aux soldats anglais blessés qu’aux soldats francophones. Avec le recul du temps, nous voyons qu’elle a, avec sa nouvelle communauté religieuse, incarné avec une ardeur incontestable cette parole de l’Évangile: « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli; j’étais nu, et vous m’avez habillé…»
Ce passage de l’Évangile centré sur le Jugement final nous invite à célébrer l’amour universel de Dieu, l’amour qui ouvre la porte de son Royaume à toute personne ouverte aux misères de l’autre. Notons aussi que le Seigneur est toujours disposé à nous faire don de cet amour de compassion. Que cette Eucharistie nourrisse notre soif spirituelle de manière à ce que nos œuvres témoignent de l’amour même de Dieu!
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
Dieu de tendresse et de bonté,
tu as conduit sainte Marguerite d’Youville
sur des chemins qui passaient par la croix
et tu as voulu que sa charité porte secours
aux détresses de son temps;
accorde-nous l’audace de manifester comme elle ta compassion
et la force de persévérer jusqu’au jour où tu nous invitera
à partager la joie de tous les saints.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.