Homélie, dimanche, 27ème semaine du Temps Ordinaire

8 octobre 2023

La folie de l'amour

En ce dimanche de l’Action de Grâce, le frère Raymond Latour, O.P., nous invite à rejoindre Dieu dans son espérance et dans la folie de son amour, malgré la violence et les refus dont peuvent faire preuve les êtres humains que sa Parole cherche à atteindre.
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Homélie

Nous vivons dans une culture où la violence est banalisée. Il semble bien qu’il y ait un public puisque la violence est de plus en plus présente dans les films à grand succès. Que l’on apprécie ou non ce genre de cinéma, la plupart des personnes qui se rendent à l’église s’attendent à y entendre un message de paix et d’amour. La première lecture et l’évangile nous font plutôt assister à une scène de dévastation et de carnage dont l’enjeu est une vigne.

La vigne est ce grand symbole biblique qui désigne le peuple d’Israël. Le prophète Isaïe, tout comme l’évangile, nous font comprendre combien cette vigne est chère au Seigneur. Il lui accorde tous ses soins. Le Seigneur y apparaît comme un gros travailleur qui ne renoncerait à aucun sacrifice pour obtenir de sa vigne les meilleurs produits. Mais dans la première lecture, la récolte attendue n’est pas au rendez-vous : la vigne n’a donné que de mauvais raisins. Le prophète nous présente la réaction dépitée du Seigneur. Ses espérances ont été déçues. Il voulait cueillir des fruits de droits et de justice, il ne trouve que crime et cris de douleur.

Dans l’évangile, la vigne est l’objet de convoitise de la part de vignerons à qui la charge en avait été confiée. C’est une parabole qui met en scène l’extrême violence de gens décidés à s’emparer de la vigne du propriétaire du domaine, jusqu’à tuer son fils unique. La parabole est assez facile à déchiffrer : toute l’histoire d’Israël apparait comme une rébellion contre Dieu qui, ultimement, conduira à la mise à mort du Fils de Dieu sur la croix.

La violence insoutenable qui se déploie dans cet évangile ne nous étonne pas beaucoup. Le cœur humain quand il cède à son désir de possession et de domination peut mener aux pires excès. Non, ce qui surprend dans cet évangile, c’est la naïveté vraiment déconcertante du propriétaire du domaine que l’on identifie à Dieu. Il fait montre du plus mauvais jugement. Même après le passage à tabac d’un serviteur, le meurtre d’un autre et la lapidation d’un troisième, il décide d’envoyer encore d’autres serviteurs, « plus nombreux que les premiers » précise l’évangile. Évidemment, ils ont subi un sort identique. À quoi d’autre le maître pouvait-il raisonnablement s’attendre ? Mais, comble de stupidité, du moins à vue humaine, il s’avise d’envoyer son fils. « Ils respecteront mon fils », croyait-il… Il faut être un peu fou, pensons-nous.

Et voilà qui nous amène au message que voulait peut-être nous livrer cet évangile : la folie de l’amour de Dieu pour son peuple. Non seulement Dieu consent-il les plus grands efforts pour sa vigne-Israël, il est allé jusqu’à donner son propre Fils. Jésus conclue cette parabole par une nouvelle image, non plus celle de la vigne, mais celle d’un édifice qui sera érigé sur la pierre que les bâtisseurs avaient rejetée. Après tout un déferlement de violence, l’amour de Dieu finit par prévaloir. Et Jésus revient à la métaphore de la vigne, en assurant qu’elle produira ses fruits. C’est bien l’œuvre de salut accomplie en Jésus-Christ, par son mystère de mort et de résurrection.

On voudrait croire que la parabole n’a plus d’actualité, qu’il s’agit d’un drame du passé, pour nous faire apprécier l’histoire du salut et la longue patience de notre Dieu. Mais ce désir de « s’accaparer » la vigne nous guette encore dans notre église. La tentation de nous comporter en propriétaire plutôt que de nous mettre au service du maître de la vigne, reste toujours présente. Nous n’agissons peut-être pas avec toute la violence décrite dans la parabole, mais de façon plus ou moins subtile, nous étouffons la parole de Dieu, nous écartons ses envoyés s’ils nous tiennent un discours différent de celui que nous voudrions entendre.

Mais cet évangile possède aussi une force d’incitation. Quand nous voyons quelqu’un travailler avec acharnement, n’avons-nous pas le désir de lui prêter un coup de mains? Dieu nous investis encore aujourd’hui de toute sa confiance pour prendre soin de sa vigne, de son peuple. Il attend encore de nous des fruits de justice.

Ensemble, en communauté, nous accueillons son amour profond pour son Église et sommes invités à y participer. Et comme Dieu ne semble jamais se décourager, peut-être pourrions-nous l’imiter dans son espérance qui paraît si déraisonnable.

Notre époque est marquée par la violence. Notre Église, elle, devrait se distinguer par son obstination à poursuivre le bien voulu par Dieu, même si les résultats attendus ne sont pas toujours au rendez-vous. Nous sommes dans un temps où l’espérance est la plus grande vertu. Portons des fruits d’action de grâce !

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Créateur du monde et maître de l’histoire
Seigneur notre Dieu,
tu fais de nous des collaborateurs de ton œuvre de salut.
Que ta grâce féconde notre vie
pour qu’elle soit une vigne fructueuse
où tu pourras cueillir des fruits de vérité, de justice,
d’amour et de paix.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.