Homélie, jeudi, 26ème semaine du Temps Ordinaire

5 octobre 2023

Ouvriers du rassemblement

Aujourd’hui, concerné par la crise migratoire que afflige le monde, le frère Raymond Latour, O.P., nous invite malgré tout à trouver notre joie dans la Parole de Dieu et à en rassembler d’autres pour qu’eux aussi profitent du rempart qu’est la joie du Seigneur.
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Homélie

Nous venons de vivre en Église, dimanche le 24 septembre dernier, la Journée mondiale du migrant et du réfugié alors même qu’une dizaine de jours plus tôt l’actualité nous rapportait que près de 6000 migrants sont arrivés au centre d’accueil de l’île de Lampedusa en Italie en 24 heures. On dénombrait déjà 124 000 réfugiés à cet endroit depuis janvier, soit près du double qu’à la même période l’an dernier.

Cette souffrance des populations déplacées de par le monde atteint maintenant d’énormes proportions, alors que la situation économique se dégrade en de multiples endroits, que des guerres et des conflits continuent à sévir. Chaque jour, des gens qui aspiraient à vivre paisiblement et décemment dans leur propre pays doivent se mettre en mouvement. La crise climatique vient encore ajouter à ce drame humain de dépossession et de déracinement.

La lecture de l’extrait du livre de Néhémie que nous avons entendu un peu plus tôt, nous présente une scène émouvante du peuple de Dieu revenu de son exil. L’atmosphère devrait être à la joie, comme y incitaient Néhémie le gouverneur, Esdras le prêtre et les Lévites qui avec eux enjoignaient la foule : « Cessez de pleurer ! » Ils avaient le plus grand mal à calmer le peuple dont les larmes se déversaient au lieu-dit « La porte des eaux ». L’épreuve nationale n’était-elle pas terminée ?

Ils étaient inconsolables, comme cet enfant que la maman tente de rassurer : « c’est fini, c’est fini… » Les pleurs étaient irrépressibles. Le peuple tout entier, même rassemblé par la lecture de la Loi, semble encore sous le coup de la douleur, un choc post-traumatique.

Le peuple enfin rassemblé a éprouvé dans sa chair la vérité proférée par Esdras : « La joie du Seigneur est votre rempart ». Il en a bien pris conscience : c’est Dieu, sa Parole, sa promesse, sa consolation, son espérance, qui lui a permis de tenir, de passer à travers ce temps de désarroi où tous ses repères avaient disparu.

Dans cet effondrement, Dieu était le seul recours, le rempart, le refuge. En écoutant la lecture de la Loi, le peuple comprenait avec un cœur partagé entre souffrance et joie, que quoiqu’il advienne, sa demeure est en Dieu.

Cet enseignement douloureux, Jésus le reprendra à l’intention particulièrement des pauvres et de tous ceux et celles qui, dans leur expérience humaine, ont découvert tout à la fois la fragilité, la précarité de leurs appuis et la fidélité de Dieu. La souffrance n’est pas le passage obligé pour entrer dans cette demeure qui est communion, mais un rempart n’apparaît vraiment que quand la menace surgit.

Jésus, dans l’évangile du jour, envoie ses disciples, les 72 qui préfigurent l’Église entière. Ils sont eux, en déplacement, en mouvement, désinstallés. Jésus les envoie dans le dénuement, le dépouillement, vers des gens qui eux, ont leurs maisons, leurs demeures. Ces gens sont à l’abri, dans leurs familles, en sécurité. Ils profitent d’un certain confort. Ils jouissent d’une relative stabilité. Ils ont leur lieu, leur ancrage dans l’existence. Seront-ils capables, malgré les conditions favorables dans lesquelles ils vivent, seront-ils en mesure d’accueillir les ouvriers de la Parole qui leur sont envoyés ? Jésus souhaite que la Bonne Nouvelle s’introduise chez eux, librement, qu’elle y apporte la paix et la joie que le monde ne peut donner.

C’est une mission de rassemblement qu’il confie à ses disciples. Car la moisson à laquelle il fait allusion, c’est un travail de rassemblement, comme celui que la Parole avait effectué à l’époque de Esdras.

Mais les temps sont différents. Les pleurs ont maintenant séché. L’heure est à la joie messianique, à la paix. C’est la venue du Règne de Dieu, ce moment inespéré et mystérieusement tant espéré, où Dieu vient faire chez nous sa demeure.

C’est dans ce monde où tant de gens sont en mouvement, où tant de gens ont perdu leur demeure, que nous annonçons la Bonne Nouvelle qui guérit les malades, qui guérit toutes les blessures, qui essuie toute larme. En disciples-missionnaires, mêmes conscients de la crise migratoire aussi bien que celle du logement, nous convoquons à de grandes réjouissances ceux et celles qui entendent et comprennent la Parole et trouvent en elle leur demeure.

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de l’univers,
de qui vient tout don parfait,
enracine en nos cœurs l’amour de ton nom;
augmente notre foi pour développer
ce qui est bon en nous;
veille sur nous avec sollicitude pour protéger
ce que tu as fait grandir.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.