26 septembre 2023
Fidèles à leur peuple
En ce jour où nous célébrons les saints Martyrs canadiens, le frère André Descôteaux, O.P., mets à l’honneur les jésuites qui sont devenus uns et frères avec des tribus autochtones, par amour pour elles et par amour pour le message du Christ qu’ils désiraient leur transmettre.
LIVRE DE LA SAGESSE (3, 1-9)
Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux. Aux yeux de l’insensé, ils ont paru mourir ; leur départ est compris comme un malheur, et leur éloignement, comme une fin : mais ils sont dans la paix. Au regard des hommes, ils ont subi un châtiment, mais l’espérance de l’immortalité les comblait.
Après de faibles peines, de grands bienfaits les attendent, car Dieu les a mis à l’épreuve et trouvés dignes de lui. Comme l’or au creuset, il les a éprouvés ; comme une offrande parfaite, il les accueille. Au temps de sa visite, ils resplendiront : comme l’étincelle qui court sur la paille, ils avancent. Ils jugeront les nations, ils auront pouvoir sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour les siècles.
Qui met en lui sa foi comprendra la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront, dans l’amour, près de lui. Pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN (12, 24-26)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
« Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. »
Homélie
Pourquoi l’Église? Si ce n’est pour éclairer le monde de la lumière du Christ! Si celui-ci est le soleil, la lumière du monde, la communauté de ses disciples est comme la lune qui reflète, qui réfléchit sa lumière. Saint Ignace de Loyola l’a bien compris lui qui s’est inspiré de cette parole de l’Évangile « je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit allumé » (Lc 12, 49). Dès les débuts de la Compagnie de Jésus, il a envoyé ses frères au bout du monde. Pensons à Saint François Xavier qui est mort aux portes de la Chine. Aujourd’hui, nous célébrons quelques jésuites porteurs de la flamme de l’Évangile : ceux que nous appelons les saints Martyrs canadiens.
S’il est difficile de séparer l’œuvre évangélisatrice de tous ces missionnaires de l’entreprise coloniale de la France, il est incontestable que saint Jean de Brébeuf et ses compagnons ont senti le besoin urgent de faire connaître le Christ à tous les peuples autochtones qui peuplaient ce pays.
Ils l’ont fait en vivant avec eux et comme eux au point que les Relations, écrits où ils relataient leur expérience, constituent des mines de renseignement sur le style de vie des Premières Nations de ce pays. Ils n’ont pas été traités en seigneurs. Au contraire, ils vivaient dans leurs habitations, mangeaient leur nourriture, parlaient leur langue. Quand la tribu se déplaçait, il ramait en canot, il subissait les portages. Durant les attaques, ils n’hésitaient pas à exposer leur vie.
Les Français s’étant liés à certaines tribus, de facto, ils se sont trouvés en opposition à d’autres. Ainsi les jésuites que nous honorons aujourd’hui ont été capturés par des Iroquois avec leurs frères amérindiens. Lors d’une embuscade, Saint Isaac Jogues aurait pu se cacher et s’échapper, mais il n’a pas voulu abandonner le troupeau qui lui avait été confié. Torturé, réduit en esclave, il put, grâce à des marchands hollandais, regagner la France. Ses mains ayant été mutilées, il reçoit du pape la permission de célébrer la messe. Qu’à cela ne tienne, il veut retourner chez les siens. Peu de temps après son retour, il est capturé et assassiné et décapité.
Nous pouvons nous demander si cette mort et celle de ses compagnons n’est pas surtout la conséquence d’alliances militaires plutôt que d’un rejet explicite de la foi, même si leurs geôliers s’opposaient à la foi. Quoi qu’il en soit, je vois en eux les pasteurs qui n’abandonnent pas leur troupeau et non des mercenaires qui prennent la fuite dès que se profile le danger. Ils sont restés fidèles à leur peuple et à leur Dieu qui a aimé le monde au point de livrer son Fils. Ils désiraient imiter le Christ en donnant leur vie par amour pour lui et pour leurs frères et sœurs dans la foi. « Si le grain de blé tombé en terre… » « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur ».
Marie de l’Incarnation écrivait des Martyrs canadiens à son fils, à l’automne 1649: « ils avaient l’esprit du Verbe incarné. C’est cet esprit qui fait courir par terre et par mer les ouvriers de l’Évangile et qui les fait martyrs vivants avant que le fer et le feu ne les consument. (…) nonobstant toutes les croix qui se rencontrent, ils ont pratiqué suavement la loi du parfait anéantissement, afin que Dieu soit tout et l’unique glorifié. »
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
Tu as voulu, Seigneur Dieu,
que la parole et le sang de tes saints martyrs,
Jean de Brébeuf, Isaac Jogues, et leurs compagnons,
sanctifient les débuts de l’Église en Amérique du Nord;
fais que se lève partout, à leur prière,
une moisson de chrétiens chaque jour plus abondante.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.