Homélie, dimanche, 25ème semaine du Temps Ordinaire

24 septembre 2023

La logique de Dieu

En ce dimanche soir, le frère Franklin Buitrago, O.P., nous rappelle que participer à la construction du Royaume est une invitation pour tous les âges et gratuites à l’image de l’amour et de la générosité de Dieu.
la-logique-de-Dieu

Homélie

Dans mon pays, comme partout en Amérique Latine, les journaux parlent avec inquiétude des jeunes adultes, de plus en plus nombreux, qui n’ont pas de travail et qui ne font pas d’études universitaires. On parle d’une génération “gaspillée” qui devient un problème, pas seulement pour eux-mêmes et pour leurs familles, mais aussi pour la société. Durant les années après la pandémie, ces jeunes se sont engagés dans un mouvement de protestations sociales, parfois violentes.

L’Évangile que nous venons d’entendre nous parle de gens qui n’ont pas de travail, de gens qui sont sur les places et les rues en attente que quelqu’un vienne les embaucher. Certains d’entre eux peuvent passer des jours et des mois à attendre une offre d’emploi.

Au-delà de la question de manque d’emploi pour les plus jeunes de nos sociétés, situation qui devrait déjà nous inquiéter, cet évangile nous fait penser à une expérience plus profonde qui peut être très répandue : nous pouvons être occupés, pris par nos études ou notre travail, mais avec la sensation de passer notre vie dans des choses qui ne valent pas la peine. Nous pouvons exercer beaucoup d’activités, remplir notre vie quotidienne avec des routines, mais sentir que notre vie s’est arrêtée, que nous n’avons pas de motivation ou de buts qui nous font vivre, qui donnent du sens à notre existence.

Et je crois que cette expérience d’une vie vide de sens peut être commune à des personnes de tout âge.

La première bonne nouvelle que l’évangile nous apporte aujourd’hui, c’est que Dieu vient toujours dans ces places et rues de notre monde, où il y a des gens qui se sentent paralysés, découragés, pour leur faire une invitation : « Venez à ma vigne, vous aussi. »

Nous savons ce que signifie la vigne dans le langage de Jésus : il s’agit du projet de Dieu pour notre monde. La vigne est le champ de la création où le destin de l’humanité est en jeu, un champ qui attend des ouvriers pour semer et récolter le royaume de Dieu.

Les ouvriers de la vigne de Dieu sont les personnes qui, tout en sortant de l’indifférence, travaillent pour ceux qui en ont besoin, pour ceux qui vivent dans des circonstances où l’humanité est niée, des personnes qui travaillent pour la paix, la justice, la réconciliation.

Accepter l’invitation du Seigneur, dire “oui” à son appel, c’est comprendre que la vie humaine trouve son vrai sens, sa vraie raison d’être, lorsqu’on accepte de la donner pour son prochain, lorsqu’on fait le choix de prendre la voie de l’amour et la charité.

Cependant, cela veut dire qu’accepter l’appel de Dieu à travailler dans sa vigne implique un défi : celui de quitter l’indifférence, le scepticisme de ceux qui dissentent, « rien dans ce monde ne peut changer », ou, parfois, le défi de sortir d’une vie toute concentrée sur soi-même, sur la recherche de réussite économique ou de confort, pour se rendre compte que nous sommes dans un monde qui demande, ou mieux encore, qui crie, que nous nous engagions.

L’évangile nous dit aussi que Dieu nous invite à n’importe quel âge de la vie : au matin, au midi et au soir. Le problème du manque d’emploi dans notre société n’est pas seulement un problème pour les jeunes adultes. Le pape François a dénoncé à plusieurs reprises une société qui met à l’écart les personnes âgées, les malades, les pauvres, les migrants. Pour Dieu, personne n’est en trop. Nous tous, peu importe notre âge, sommes appelés par le Créateur à travailler dans sa vigne et nous avons besoin de sociétés où vraiment il y a de la place pour tous.

De plus, le texte de l’évangile nous rappelle que l’invitation du Seigneur est née de la gratuité de son amour. Ce n’est pas une chose que nous méritons. À l’inverse de la vision du travail, comme une carrière ou une compétition où je dois écraser les autres, l’évangile nous invite à reconnaitre que notre participation au projet de Dieu est une invitation gratuite à laquelle nous pouvons répondre avec générosité, avec nos talents et avec le temps de vie que nous avons devant nous.

Il ne s’agit pas de se faire remarquer ou d’occuper la première place ou de gagner le salaire le plus élevé. Dans le projet de Dieu, il s’agit d’accomplir son travail, sa profession, comme un service, de vivre en amis de Dieu et de prendre part à son œuvre dans le monde.

Il n’a pas été facile pour les disciples de comprendre cette logique, tout comme ce n’est pas facile pour nous. C’est la logique de la gratuité, de la générosité, de l’amour que de bons parents appliquent envers leurs enfants, comme le père de l’enfant prodigue avec sa logique incompréhensible.

L’invitation de Dieu à travailler dans sa vigne nous fait souvent sortir de notre confort et, comme dans la première lecture, elle nous amène sur des sentiers que nous n’attendons pas. Comme pour beaucoup de personnages dans la Bible, la rencontre avec Dieu nous fait sortir de l’itinéraire que nous nous étions nous-mêmes fixé. Mais, n’est-ce pas ce qui souvent rend la vie intéressante, pleine de nouveauté, passionnante? Pas toujours une vie sur des rails, comme on dit, mais une vie pleine d’espérance et ouverte vers de nouveaux horizons…

Parfois, lorsque la sécheresse de l’âme nous paralyse, le Seigneur nous abreuve, en nous mettant en mouvement, en nous faisant découvrir que nous étions utiles là où nous ne l’attendions pas.

Mes frères et sœurs, que cette Parole nous apprenne à voir notre vie et notre travail d’une manière nouvelle. N’oublions jamais que le Seigneur continue toujours à nous appeler, à nous inviter à travailler dans sa vigne.

Fr. Franklin Buitrago, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu riche en pardon :
tes pensées dépassent infiniment les nôtres,
mais tu veux nous associer à ton action.
Donne-nous de répondre
avec empressement et persévérance à ton appel :
nous garderons la Parole du Christ
et nous nous réjouirons avec lui de la bonté
que tu manifestes à l’ouvrier de la dernière heure.
Ainsi nous serons vraiment tes enfants
et nous partagerons ton bonheur,
par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui règne avec toi et le Saint Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.