Homélie, jeudi, 20ème semaine du Temps Ordinaire

24 août 2023

Viens et tu verras !

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous invite, en tant que communauté chrétienne, à prendre l’apôtre Philippe en exemple : il a pris le risque d’inviter Barthélémy (Nathanaël) à voir et à juger de lui-même Jésus et ses œuvres, sans rien lui dissimuler.
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Homélie

Pour la fête de l’apôtre saint Barthélemy, on nous propose le récit de sa vocation. On prend pour acquis ici que le Nathanaël du récit évangélique était le nom que portait Barthélemy.

Que savons-nous de cet apôtre? D’abord qu’il a fréquenté Jean le Baptiste, qu’il était même un de ses disciples, tout comme Pierre et Philippe d’ailleurs. C’était donc un homme en recherche spirituelle, un homme qui attendait le Messie promis. C’est d’ailleurs en fonction de cette attente que Philippe se permet de venir l’interpeller. Il lui annonce en effet que celui qui pourrait répondre à ses attentes fondamentales est déjà là : « Celui dont parlent la loi de Moïse et les prophètes, nous l’avons trouvé, c’est Jésus, fils de Joseph, de Nazareth ». Une nouvelle de cette envergure aurait normalement dû enthousiasmer Barthélemy. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Ce dernier s’est immédiatement montré sceptique, incrédule. Première objection exprimée: le Messie d’Israël ne pouvait pas, selon les représentations de l’époque, provenir d’un village sans prestige comme celui de Nazareth.

Or, devant l’incrédulité de Barthélemy, Philippe n’argumente pas. Il ne s’engage pas dans une discussion dans le but de le convaincre. Non. Il lui dit simplement : « Viens, et vois ». Comme Barthélemy respecte sans doute la parole de Philippe, il se donne la peine d’aller rencontrer Jésus. Et c’est là qu’un retournement s’opère. En présence de Jésus, il prend conscience que ce dernier le connaît alors même qu’ils ne se sont jamais rencontrés, qu’il peut même identifier la nature de son caractère : « Il n’y a pas de ruse en lui ». À partir de ces signes, Barthélemy accorde sa confiance à Jésus, il devient croyant : « Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! ». Bref, Barthélemy s’est laissé conduire à Jésus pour en arriver à le reconnaître comme le Messie espéré.

La démarche spirituelle ou vocationnelle de Barthélemy, nous la retrouvons aujourd’hui chez bien des adultes qui ont décidé de s’attacher au Christ Jésus. Certains d’entre eux ont été baptisés dans leur enfance pour ensuite tout abandonner au plan religieux. D’autres ont grandi dans des milieux fermés à tout questionnement sur le sens ultime de la vie ou sur un possible au-delà du monde présent. Et puis, un jour une chrétienne ou un chrétien les a invités à « venir voir ». Ces témoins du Christ ont osé appeler, interpeller. Ils ont amené des « indifférents au plan religieux » et des « agnostiques » à découvrir petit à petit ce que l’engagement à la suite de Jésus pouvait créer, ce que la tradition chrétienne avait engendré. Mais là, ils ont été forcés de prendre des risques. Car on ne peut pas appeler à la vie chrétienne aujourd’hui sans compter sur divers témoins et divers signes. On ne mène pas au Christ en ne faisant que remettre une copie du Nouveau Testament entre les mains des personnes visées. Il importe, bien sûr, de mettre en contact avec de grandes figures de l’histoire de l’Église, mais aussi de mettre en lien avec des communautés chrétiennes bien réelles. C’est là, il faut l’avouer, un pari risqué. En effet, tout n’est pas admirable et louable dans la vie de l’Église. Il y a des aspects de cette vie qui n’ont rien de reluisant. Et pourtant, c’est cette réalité qu’il faut accepter de montrer en appelant des non-croyants à se faire disciples du Christ. Certains chrétiens disent : « Pourquoi ne pas camoufler cet aspect sombre, peu reluisant, de la vie de bien des communautés chrétiennes et de bien des chrétiens ? » C’est qu’on ne doit pas uniquement présenter les comportements exemplaires de bonnes gens et les réalisations évangéliques impressionnantes de certaines communautés chrétiennes. L’Église est un lieu d’accueil pour les pécheurs et pour les faibles, il ne faut pas le cacher. Le besoin de salut doit donc pouvoir se lire dans la vie des chrétiens et chrétiennes qui cheminent difficilement sur la route tracée par Jésus. Lui, il est venu pour sauver du mal et de la mort. Dans leur proposition du « venir voir », les témoins du Christ d’aujourd’hui ne doivent donc pas miser uniquement sur les beaux exemples ou les belles réussites à présenter aux gens en quête spirituelle. Ils sont invités à laisser deviner comment la miséricorde de Dieu et sa grâce peuvent progressivement transformer des vies, à des rythmes différents toutefois. Philippe, en interpellant Barthélemy, n’a pas eu à tenir compte de tous les intermédiaires qui interviennent aujourd’hui dans un parcours de foi. Sauf qu’il ne savait pas du tout comment Barthélemy allait réagir en présence de Jésus. Il a pris le risque d’appeler.

Aujourd’hui, en la fête de l’apôtre Barthélemy, le récit évangélique invite à proposer la route qui mène à la rencontre du Sauveur. Dans cette invitation à « venir voir », il importe de faire confiance à la grâce de Dieu qui habite les personnes en quête spirituelle. Puisse cette même confiance nous habiter face au défi de l’évangélisation!

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Fortifie en nous, Seigneur,
la foi sincère qui unissait
à ton Fils le bienheureux apôtre Barthélemy ;
et fais qu’à sa prière,
ton Église devienne pour tous les peuples
le sacrement du salut.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.