Homélie, dimanche, 5ème semaine du Temps Pascal

7 mai 2023

Confiance et imagination

Aujourd’hui, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous explique que la confiance en Jésus, en sa Parole et ses promesses, ainsi que l’imagination, à l’exemple des premières communautés chrétiennes, sont les éléments essentiels qui nous aideront à trouver des solutions à nos moments difficiles, à transformer nos hivers en printemps.
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Homélie

Le printemps arrive, longtemps attendu; l’élan de vivre revient, comme un goût de résurrection. Enfin le temps pascal se fait sentir! Mais comment tenir dans cet élan, par-delà toutes saisons, comment ne pas nous laisser enfermer dans de longs hivers, où plus rien n’arrive, où s’installe l’inquiétude, le sentiment que l’avenir est bloqué, communautairement, personnellement?

Les lectures d’aujourd’hui nous proposent des attitudes évangéliques pour que les blocages et peurs soient dépassés, pour que le mouvement de la vie l’emporte en nous et autour de nous. L’évangile de Jean le fait en regard du cheminement personnel de notre relation à Jésus; et les Actes des Apôtres en regard de situations communautaires.

En Jean, Jésus a annoncé son départ, donc son absence. Les disciples sont inquiets : qu’est-ce qui va arriver? Qu’allons-nous devenir? Ce qui est intéressant ici, c’est que cela se fait dans un dialogue avec deux disciples particuliers : Thomas et Philippe.

Thomas est celui qui, après la résurrection, aura des doutes et voudra toucher pour croire (Jn 20,25). On le retrouve ici avec son bon sens un peu court, qui ne voit que l’immédiat, mais qui en même temps exprime ce que bien des disciples d’hier et d’aujourd’hui portent, face à Jésus : la confusion! Jésus lui répond de façon très claire et forte, le recentrant avec vigueur sur l’essentiel : Tu cherches le chemin? Je suis le chemin, dit-il. Sors de tes lamentations et de ton étroitesse; et garde confiance.

Philippe est celui qui avait dit à Nathanaël, en début d’évangile : viens et vois (Jn 1,46). Ici, sa question porte sur le voir : montre-nous. Il veut une évidence toute proche pour connaître enfin le visage de Dieu. Il veut éviter le passage par l’expérience croyante. Mais le paradoxe, c’est qu’il ne saisit pas le signe offert, plus proche encore : Jésus, ses paroles, ses œuvres, sa personne. Comme pour Thomas, Jésus le reprend vivement pour l’éveiller, pour l’inviter à la confiance, celle de croire.

À travers ces dialogues, il y a un enjeu, très simple et explicite, qui parcourt tout le récit : c’est celui de croire, de faire confiance. En Jean, croire est toujours un verbe, qui demande un sujet personnel. Le verbe revient ici, comme le refrain d’une chanson : croire en Dieu, croire en moi, croire ce que je dis, croire mes paroles, croire à cause des œuvres. Finalement, c’est de cela qu’il s’agit avant tout, au début, au milieu et à la fin de cet évangile, comme de nos vies : croire en Jésus le vivant, le chemin; avoir confiance en celui qui est le visage du Père. Il est fiable. Quand les printemps semblent impossibles, voilà où revenir, sans cesse, pour que l’élan de vivre se renouvelle.

Dans les Actes, il s’agit d’une situation difficile où la communauté est bloquée. L’enjeu est important : c’est celui du partage fraternel, à la fois matériel et spirituel. Que faire? Nous avons ici une autre attitude évangélique qui permet à la vie d’émerger de l’hiver : c’est l’imagination, l’inventivité. Et ici, elle provient des douze, des leaders de la communauté. Il y a un nouveau besoin qui n’est pas répondu. Il y a déjà une structure qui existe, les Douze, mise en place par Jésus, mais elle ne peut pas répondre à cette situation. Les Douze sont déjà trop pris pour s’en occuper et leur rôle est autre. Qu’est-ce qu’on fait devant une telle situation?

Les Douze auraient pu dire :  » Et bien, les veuves hellénistes, de langue grecque, écoutez : arrêtez donc de chialer, c’est déjà beau que vous ayez une place dans la communauté, tenez-vous donc tranquilles. » Ou bien encore : « Tout va s’arranger : on va en parler dans les sous-comités, comités et instances supérieures et l’an prochain on y reviendra, et on verra; maintenant, passons donc à l’autre item de l’agenda. »

Les Douze trouvent une autre solution et font preuve d’imagination. Ils proposent une nouvelle structure ministérielle, les Sept, pour prendre en charge ce besoin. Ce ministère est officiellement reconnu par l’imposition des mains. Et les Sept sont choisis parmi le groupe helléniste : on prend ainsi en compte les différences de culture et de mentalité pour que le service des pauvres soit mieux assuré. Voilà une solution vraiment imaginative, car elle est à la fois inventive (c’est du neuf), et pratique.

Et ce qui va arriver par la suite avec ce nouveau ministère n’était pas prévu. Aux débuts de l’Église, les Sept seront les missionnaires les plus audacieux et ouvriront un nouveau champ à la mission, rejoignant des païens, des gens que les Douze, plus centrés sur les Juifs, toucheront moins. C’est intéressant comme processus: on a voulu répondre d’abord à un besoin précis d’une communauté locale; on n’est pas resté enfermé dans le blocage mais on a trouvé une solution. Une vie nouvelle a jailli et cela a entraîné, à long terme, une fidélité plus profonde à la mission.

Le printemps, un temps pour la confiance et l’imagination : aujourd’hui la Parole nous y invite. En cette eucharistie, rendons grâce au Dieu vivant pour Celui qui est toujours notre chemin et qui est son visage parmi nous, la pierre d’angle, Jésus parole et pain de vie. Et rendons grâce pour tous ceux et celles, personnes et groupes, qui le rendent visible par leur confiance et leur inventivité et qui construisent son temple, sa présence, nous montrant le visage du Père. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur notre Dieu,
toi qui as envoyé ton Fils pour nous sauver
et pour faire de nous tes enfants d’adoption,
regarde avec bonté ceux et celles
que tu aimes comme un Père;
Puisque nous croyons au Christ,
« Chemin, Vérité et Vie »,
accorde-nous la vraie liberté et la vie éternelle.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui règne avec toi et le Saint Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.