Homélie, mardi de l’Octave de Pâques

11 avril 2023

Va vers mes frères !

Aujourd’hui, le frère André Descôteaux, O.P., nous explique le cheminement de la relation entre Jésus et Marie-Madeleine alors que celle-ci le rencontre après sa résurrection et apprend à l’accueillir, à être avec lui autrement et pour toujours.
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Homélie

La perte d’un être cher est très pénible. La reine Victoria, qui adorait son mari, le Prince Albert, a vécu en deuil, jusqu’à sa mort. Elle ne s’habillait que de noir. Elle s’est retirée dans ses châteaux de Windsor et de Balmoral. Elle voulait tellement garder vivante la présence du Prince Albert qu’elle avait donné des ordres : tous les soirs, les vêtements du Prince Albert étaient étendus, et une cruche d’eau chaude et des serviettes propres étaient placées dans sa chambre, comme si elles étaient prêtes à être utilisées. La reine Victoria gardait à son chevet des moulages du visage et des mains du prince. Bien qu’elle ne puisse se résoudre à regarder le masque mortuaire, les mains la réconfortaient et, dans les moments de désespoir, elle s’y accrochait comme elle l’aurait fait dans la vie. Les nombreux portraits peints et sculptés du prince défunt, commandés par la reine Victoria, lui ont également apporté du réconfort et l’ont confortée dans l’idée que son mari veillait toujours sur elle.

« Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. »

Comment ne pas comprendre Marie-Madeleine ? Même si elle ne fait pas partie d’aucune liste de disciples, elle a été fidèle parmi les fidèles. Pas besoin du Da Vinci Code pour savoir qu’elle était très attachée à Jésus et que, probablement, elle l’aimait. La semaine dernière, mes confrères m’ont taquiné avec mes longues listes de malheurs qui ont affligé Jésus, manifestant ainsi notre culpabilité dans le drame de la croix. Toutefois, c’était oublié la présence de Marie-Madeleine et de quelques autres femmes qui ont suivi Jésus coûte que coûte tout au long de sa passion, à la croix, lors de sa sépulture. Elles sont même revenues au tombeau, après le sabbat, pour compléter son embaumement. Comment ne pas comprendre Marie-Madeleine ? Elle ne se résout pas à la perte de son Jésus.

Mais voilà qu’il va l’accompagner pour lui faire prendre conscience de la force du lien qui les unissait, un lien qui les unit encore aujourd’hui, un lien plus tenace que la mort. Par ses questions ‘Pourquoi pleures-tu ?’ et surtout ‘Qui cherches-tu ?’ qui n’est pas sans rappeler le ‘Que cherchez-vous ?’ de Jésus à ses premiers apôtres, Jésus la conduit à la découverte de son identité, une identité relationnelle. « Marie », lui-dit-il ! Marie est « la Marie de Jésus, mais elle est aussi, en Lui et par Lui, fille du Père et sœur parmi ses frères, dans la grande famille des croyants. Dans l’évangile de Jean, Marie est la seule femme à laquelle Jésus s’adresse en l’appelant par son nom. C’est en l’appelant par son nom que Jésus la reconnaît et qu’il se fait reconnaître.

Marie prend alors conscience que son désir de s’accrocher à un mort était à la fois impossible et néfaste : un lien existait déjà, un lien indestructible que l’absence physique ne met pas en danger. Elle n’aura pas à vivre comme la reine Victoria jusqu’à la fin de ses jours.

Évidemment, il ne s’agit plus pour Marie de toucher Jésus, comme auparavant, mais de le toucher autrement. Si Jésus lui demande de ne pas le retenir, c’est pour qu’elle atteigne l’amour sans frontière que Jésus lui propose. Il lui propose de faire l’expérience d’une nouvelle communion et plus particulièrement dans la mission. Va vers mes frères !

La Marie captive d’un souvenir ou d’un cadavre devient la Marie transformée par la Bonne Nouvelle. Même sans l’immédiateté du contact physique avec le Jésus terrestre, le lien avec lui est toujours possible, car le Seigneur Jésus Christ est vivant, et la communion avec lui est encore plus profonde et plus assurée qu’elle pouvait être auparavant : il a vaincu la mort !

Il ne s’agit plus pour Marie de garder en son cœur le souvenir d’un disparu, mais d’accueillir en elle la présence du Ressuscité, d’en vivre et d’en témoigner.

N’est-ce pas aussi notre vocation : accueillir en nous la présence du Ressuscité, en vivre et en témoigner? N’avons-nous pas été appelés par notre nom au jour même de notre baptême ? N’est-ce pas encore le Seigneur Jésus qui se donne à nous sous les signes du pain rompu et de la coupe partagée, comme il nous a dit de le faire ?

« Va trouver mes frères pour leur dire : ‘Voici que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Amen.

Fr. André Descôteaux, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
tu nous guéris par les célébrations pascales ;
poursuis toujours l’œuvre de ta grâce :
que ton peuple trouve une liberté parfaite
et parvienne à la joie du ciel
dont il exulte déjà sur la terre.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.