Homélie, Aurore Pascale

9 avril 2023

Christ est ressuscité… En route, mes amis!

Voici l’homélie de l’Aurore Pascale de Mgr Alain Faubert, évêque auxiliaire de Montréal, à l’occasion de la grande célébration de la Résurrection de Jésus-Christ, où il nous exhorte à nous mettre en route et à quitter la peur, le tombeau, Jérusalem et les fantasmes du pouvoir. Christ est ressuscité, alléluia!
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Homélie

Vous êtes bien assis? On est bien ici, pas trop chaud, pas trop froid. L’ambiance est bonne. Belle musique, beau décor. On est entre amis. On est bien…

Eh bien, je vous annonce qu’il faut partir. Je vous déclare qu’on doit quitter sans retard. Ceinture aux reins, sandales au pied. C’est la Pâque du Seigneur!

La parole de Dieu, l’Évangile qu’on vient d’entendre… nous plante trois aiguilles dans les fesses. Debout, frères et sœurs!

Trois aiguilles. Trois « lieux » à quitter, à la parole de l’Ange et du Seigneur Jésus lui-même. Parole adressée aux deux « Marie » du matin du premier jour. Parole adressée à nous, au matin du jour nouveau de Pâques.

Premier lieu à quitter? La peur! « Vous, soyez sans crainte », disent l’Ange et le Ressuscité. Les gardes peuvent bien trembler… être tétanisés par ce qui se passe devant eux. Il peut bien y avoir des grands tremblements de terre. Vous, n’ayez pas peur. C’est la Création nouvelle qui se manifeste. Comprenez! Dieu fait toutes choses nouvelles.

Quittez la peur. Désormais, vous n’avez plus à avoir peur des hommes, des puissants qui ont voulu écraser Jésus. Ils ont tout essayé. Ils n’ont pas réussi. N’ayez pas peur, femmes. N’ayons plus peur, frères et sœurs, de vivre notre foi et notre espérance à ciel ouvert. Christ est ressuscité. Que peuvent sur nous des êtres de chair? Que peuvent sur nous les moqueries et même les persécutions?

Quittez la peur, femmes. Quittons la peur, frères et sœurs. Désormais, vous n’avez plus à avoir peur de Dieu. Le pouvoir religieux a voulu en faire le complice du meurtre du Fils unique. Ils ont voulu faire passer Jésus pour un maudit, voué à la colère du Tout-Puissant.

Au contraire, le Père l’a exalté. Il lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom. Jésus est pour nous le pardon. Il est pour nous nous la libération de nos angoisses de mourir, de ne pas valoir, de ne pas exister. Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? En nous donnant son Fils unique, il nous a tout donné. Il est Amour!

Alors, quittons ce lieu de peur. Quittons la peur des hommes et de Dieu, la peur de la mort, la peur de nous-mêmes. Christ est ressuscité! En route, mes amis!

J’entends aussi l’Ange dire aux femmes : « Quittez le tombeau. Jésus n’est pas ici. Le Seigneur est ressuscité. » Quittez la tristesse et la mort. Quittez ce lieu où vous pensez retrouver quelque chose de lui, pour vous attacher à son souvenir, au risque de fétichiser sa dépouille. Il n’est pas ici.

Oui, quittons, frères et sœurs, ces lieux de subtile nostalgie, d’un passé idéalisé où tout allait bien mieux, pour l’Église, pour le monde, pour nous. Ces lieux et ces temps où nous étions en contrôle du discours, de l’agenda. Ces lieux et ces temps où c’était, mais l’était-ce vraiment, plus facile de croire et de se dire croyants.

J’entends aussi Jésus inviter les femmes à quitter ce lieu où elles voudraient le retenir, lui saisir les pieds. « Allez, dit le Seigneur! Il y a autre chose à faire, autre chose à vivre et à partager. Ne vous arrêtez surtout pas aux apparitions. Ne vous arrêtez pas à l’apparition de l’Ange éclatant de lumière, n’élevez pas d’autel à sa gloire. Ne bâtissez pas de temple ici. Ne vous arrêtez même pas à ce que vous pouvez apercevoir de moi ici, maintenant. Vous ne m’avez pas encore vu en vérité. Vous n’avez pas encore pleinement compris qui je suis. »
Avouez que c’est quand même étonnant, que Jésus apparaisse aux femmes pour leur dire que ce n’est pas à l’endroit où il les rencontre que ses disciples vont le VOIR.

« Allez en Galilée. Là, vous me verrez. Là, je vous précède. »

Alors, quittons le tombeau, la tristesse, la mort, le passé rêvé. Christ est ressuscité! En route, mes amis!

Mais pour aller en Galilée, il y a un troisième lieu à quitter. Une troisième aiguille aux fesses.

Il faut quitter Jérusalem. Il faut que les disciples quittent Jérusalem. Pour trouver Jésus, pour le voir vivant et à leurs côtés, ils doivent laisser derrière eux le temple, ils doivent quitter le centre du pouvoir religieux et politique. Jésus ne prendra pas le pouvoir… Ils doivent abandonner leurs fantasmes de triomphe et de gloire. Ils doivent renoncer à être au centre du centre.

Ce qui devait se passer à Jérusalem a eu lieu à Jérusalem. Est-ce qu’un prophète peut être mis à mort ailleurs qu’à Jérusalem?

Mais maintenant, il faut quitter, ne pas s’arrêter à cette expérience-sommet, sommet de douleurs, sommet de violence absurde, de sang et de haine, sommet de révélation encore à décoder.

Comme au jour de la transfiguration, il faut redescendre de la montagne, sans dresser les trois tentes. Il faut redescendre du Calvaire, du Golgotha, et du tombeau tout proche.
Il faut aller là où Jésus est vivant. Il faut aller en Galilée.

La Galilée qui n’est pas Jérusalem. La Galilée qui est en quelque sorte le contraire de Jérusalem.

La Galilée qui n’est pas le lieu du pouvoir politique, économique ou religieux. La Galilée lointaine, qui n’est pas le centre, mais plutôt la périphérie.

La Galilée qui n’est pas le lieu du triomphe et de la gloire, ni même du retour au passé… mais le lieu où les disciples ont déjà fait l’expérience du règne de Dieu… et le lieu où ils vont faire l’expérience du Seigneur Ressuscité qui les précède, dans le témoignage et le service.
La veille de sa mort, Jésus avait dit à ses disciples: « Il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » (Mt 26, 31-32)

« Je vous précéderai ». Jésus dit, littéralement : « Je marcherai devant vous en Galilée ». D’après moi, Jésus ne leur dit pas simplement :

« Je vais aller vous attendre là-bas. » D’après moi, il dit à ses disciples : « En Galilée, je vais marcher devant vous, à votre tête, comme un berger. Je vais vous guider à la rencontre des autres pour leur porter la Bonne Nouvelle, et vous allez faire l’expérience de ma présence et de la puissance de la Résurrection. »

Les disciples sont allés en Galilée, comme Jésus le leur avait demandé. Et en y relisant tout ce qu’ils ont vécu à la lumière des Écritures, jusqu’à la croix, jusqu’au tombeau vide, ils ont vraiment VU le Seigneur : ils ont compris qui est Jésus. Ils ont aussi compris qu’une autre Galilée les attendait : « De toutes les nations, faites des disciples ».

Frères et sœurs, nous avons chacun, chacune, et peut-être aussi ensemble, une « Galilée » où le Seigneur ressuscité nous précède, où nous pouvons le voir à l’œuvre à nos côtés (cf. Homélie du pape François, 19 avril 2014) : la Galilée de notre histoire, de nos relations, au travail, à la maison, avec nos amis, la Galilée de notre coin de pays, mais aussi celle de ces périphéries existentielles où le Seigneur nous guide pour le rencontrer dans les autres.

À son appel, quittons la peur, le tombeau, Jérusalem et les fantasmes du pouvoir. Entrons dans la joie de servir les autres, la joie de ressusciter, et de ressusciter le monde avec Lui.

Frères et sœurs, Christ est ressuscité. En route, mes amis!

+ Mgr Alain Faubert, VG
Église catholique à Montréal.

 

PRIÈRE

Aujourd’hui, Seigneur Dieu,
par ton Fils unique, vainqueur de la mort,
tu nous as ouvert les portes de l’éternité ;
tandis que nous fêtons solennellement la résurrection du Seigneur,
nous t’en prions :
accorde-nous d’être renouvelés par ton Esprit
pour que nous ressuscitions dans la lumière de la vie.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.