18 mars 2023
N'avoir que Dieu seul !
LIVRE DU PROPHÈTE OSÉE (6, 1-6)
Venez, retournons vers le Seigneur !
il a blessé, mais il nous guérira ;
il a frappé, mais il nous soignera.
Après deux jours, il nous rendra la vie ;
il nous relèvera le troisième jour :
alors, nous vivrons devant sa face.
Efforçons-nous de connaître le Seigneur :
son lever est aussi sûr que l’aurore ;
il nous viendra comme la pluie,
l’ondée qui arrose la terre.
– Que ferai-je de toi, Éphraïm ?
Que ferai-je de toi, Juda ?
Votre fidélité, une brume du matin,
une rosée d’aurore qui s’en va.
Voilà pourquoi j’ai frappé par mes prophètes,
donné la mort par les paroles de ma bouche :
mon jugement jaillit comme la lumière.
Je veux la fidélité, non le sacrifice,
la connaissance de Dieu plus que les holocaustes.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (18, 9-14)
En ce temps-là, à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts). Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : “Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.”
Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !” Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre.
Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Homélie
Il s’agit d’une des paraboles les plus déconcertantes de Jésus. Un pharisien pieux et un publicain malhonnête montent au temple pour prier. Comment Dieu réagira-t-il face à deux personnes de vie morale et religieuse si opposées ? Le pharisien prie debout, en sécurité et sans crainte. Sa conscience ne l’accuse pas. Fait décisif, il n’est pas hypocrite. Ce qu’il dit est absolument vrai. Avec toute franchise, il sait qu’il a toujours respecté fidèlement la loi. Il ne s’attribue aucun mérite à lui-même : il remercie tout à Dieu. Qui d’autre serait plus juste que cet homme ?
Le publicain, à son tour, se retire dans un coin. Il ne se sent pas à l’aise dans ce lieu saint. Il n’est pas chez lui. Il n’ose même pas lever les yeux. Il frappe sa poitrine et reconnaît ses limites. Il ne promet rien. Différemment de l’histoire de Zachée, par exemple, le publicain ne cogite ni quitter son emploi ni rendre ce qu’il avait volé. Il ne peut pas changer sa vie. Il n’a qu’à s’abandonner à la miséricorde divine. Personne ne peut être à sa place. Il est seul. Et tout cela, c’est sa faute.
Bien sûr, on dirait naturellement que Dieu ne peut pas approuver sa conduite. Soudain, Jésus conclut sa parabole par une déclaration surprenante : Je vous le déclare : quand ce dernier [le publicain] redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre, [le pharisien]. Les auditeurs sont sans doute bouleversés. Qu’est-ce que Jésus vient de raconter ? Est-il fou ? Comment peut-il parler d’un Dieu qui ne reconnaît pas le pieux et accorde sa grâce au pécheur ? Est-ce qu’on a bien entendu ? Est-ce qu’en fins de compte, ce qu’il raconte, c’est que le décisif n’est ni la religion ni la morale, mais seulement la miséricorde de Dieu ?
Si ce que Jésus dit est vrai, devant Dieu il n’y a de sécurité pour personne. On doit tous faire appel à la miséricorde divine. Lorsqu’on se sent bien, on fait appel à sa propre vie ; lorsqu’on est accusé par sa conscience et qu’on est incapable de changer, il ne reste que Dieu. Même si on peut réaliser qu’il y a quelque chose de fascinant en Jésus, sa foi en la miséricorde de Dieu est néanmoins si déconcertante qu’il n’est pas facile de croire en lui. Ceux qui peuvent comprendre Jésus sont ceux qui n’ont pas la force de quitter leur immoralité. Pourtant, quelqu’un pourrait demander : faut-il pécher et non pas vouloir sortir de son péché pour être juste ? Une réversion des valeurs ? Non, ce n’est pas cela. Il s’agit tout-simplement du fait que le royaume de Dieu est aux pécheurs.
Ceux qui sont comme les pharisiens de l’évangile, le règne de Dieu n’est pas à eux, mais ce n’est pas grave ! Ils peuvent gratuitement devenir messagers de ce règne. Pas pour devenir justes, mais pour témoigner gratuitement de Dieu et de sa miséricorde ; pas pour mériter Dieu ou quoi que ce soit (C’est sans aucun intérêt.) ; pas pour entrer eux-mêmes dans le règne de Dieu, mais seulement pour être la présence divine pour les autres.
Voilà comment quelqu’un comme le pharisien pourrait participer au royaume de Dieu, un règne de gratuité. Il peut commencer par réaliser qu’il ne faut rien avoir pour n’avoir que Dieu seul; et qu’il n’y a rien qui s’oppose plus au pur amour que l’amour de sa propre volonté et des mérites de ses décisions.
La question ici n’est pas celle d’être justifié aux yeux de Dieu ; cela est une affaire à Dieu seul. Il s’agit de participer à la miséricorde et la gratuité divines. C’est le sens, je trouve, de ce passage de l’évangile de Matthieu quand Jésus dit, c’est pourquoi tout scribe devenu disciple du royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien.
Fr. Mateus Domingues da Silva, O.P.
PRIÈRE
En célébrant avec joie, chaque année, ce temps de Carême,
nous te prions, Seigneur :
puisque nous vivons déjà du mystère de Pâques,
accorde-nous le bonheur d’en goûter pleinement les fruits.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.