Homélie, lundi, 3ème semaine du Carême

13 mars 2023

Compassion sans frontières

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous rappelle que notre statut d’enfants de Dieu ne nous rend pas privilégiés ou supérieurs aux autres, mais bien les messagers d’une relation d’amour en plénitude entre les humains et avec Dieu.
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Homélie

Le récit de l’intervention de Jésus à la synagogue de Nazareth, tel que présenté par l’évangéliste Luc, est quelque peu déroutant. Déroutant d’abord par sa position dans l’évangile. Déroutant ensuite par la forte hostilité que manifestent les habitants de Nazareth à l’endroit de Jésus. À la différence des évangélistes Mathieu et Marc, Luc place ce récit au début du ministère public de Jésus, immédiatement après son expérience des tentations au désert. Les deux autres évangélistes, eux, font intervenir Jésus au moment où il a déjà opéré des guérisons en Galilée, au moment où il s’est déjà confronté aux pharisiens à maintes reprises, au moment où Jésus était déjà devenu un personnage public reconnu. L’évangéliste Luc, au contraire, fait commencer le ministère de Jésus dans son village natal. On assiste ainsi à un phénomène peu compréhensible. Au départ, Jésus, après avoir lu les paroles du prophète Isaïe : « L’Esprit de Dieu est sur moi (…). Il m’a envoyé libérer les opprimés… (Lc 4, 18) », reçoit un accueil admiratif de la part des habitants de Nazareth. Mais cet accueil positif se transforme rapidement en hostilité (c’est ce que rapporte le passage du jour). Cette hostilité est prononcée : les habitants de la place tentent même de se débarrasser de lui en tentant de le jeter en bas d’un escarpement.

Ici, on a bien l’impression que l’évangéliste a voulu placer ce récit au début du ministère de Jésus pour déjà annoncer quel serait le sort tragique qu’il connaîtrait. Lui aussi, à la manière des prophètes du passé, il serait rejeté par les autorités civiles et religieuses ainsi que par une portion du peuple. D’où le rappel qu’il fait de la parole de Jésus : « Aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays ». (Lc 4, 24)

Il importe ici de rappeler que les juifs qui écoutaient Jésus avaient la conviction d’être les « protégés de Dieu » du fait même qu’ils appartenaient au « Peuple élu ». À leurs yeux, ils étaient une priorité pour Dieu. En conséquence, la sollicitude de Dieu devait se manifester bien plus à leur endroit qu’à l’endroit des païens.

Or, Jésus est venu les bousculer et les choquer sur ce point. Il l’a fait en leur rappelant qu’à l’occasion de la grande famine qui avait sévi en Israël au IXe siècle avant Jésus-Christ, le prophète Élie n’avait pas été envoyé par Dieu au peuple juif mais bien à une étrangère, une païenne, une veuve du pays de Sidon. Choix identique de la part de Dieu quand le prophète Élisée a accueilli Naaman, un lépreux, un païen venant de la Syrie pour se faire guérir. Avec ces exemples, Jésus laissait clairement entendre aux siens que Dieu ne s’occupait pas que des membres du « peuple élu », que sa compassion était universelle. Sa protection miséricordieuse débordait donc explicitement les frontières ethniques, politiques et religieuses connues. En d’autres termes, tous les êtres humains étaient invités à entrer dans le Royaume de Dieu.

Cet épisode évangélique nous invite, nous chrétiens et chrétiennes d’aujourd’hui, à faire nôtre cette compassion universelle du Seigneur. Notre défi, c’est de témoigner de cette compassion dans des conditions souvent hostiles ou encore dans des situations où les croyants et croyantes sont mal reçus et même rejetés. C’est ce qu’expérimentent actuellement beaucoup de baptisés présents dans divers pays. Ils sont invités à vivre à la manière des prophètes et des apôtres. Ils peuvent relever ce défi à la condition d’être assurés du fait que l’Esprit du Christ les accompagne.

Que l’Eucharistie que nous allons célébrer enracine dans nos cœurs l’ouverture aux proches et aux étrangers. De la sorte la Bonne Nouvelle prendra forme dans nos milieux de vie et le salut de Dieu deviendra palpable là où nous serons.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Que ta miséricorde inlassable, Seigneur,
purifie et protège ton Église ;
et puisque sans toi, elle ne peut demeurer en ton salut :
dans ta grâce gouverne-la toujours.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur
qui règne avec toi et le Saint Esprit
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.