Homélie, jeudi, 1ère semaine du Carême

2 mars 2023

Une demande audacieuse... la banalisation de la demande !

Aujourd’hui, le frère Raymond Latour, O.P., site en exemple pour nous la prière de supplication d’Ester, dans la première lecture du jour, mais nous invite aussi à faire de l’humble prière de demande une action quotidienne plutôt que d’attendre d’être désespéré pour s’adresser au Père.
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Homélie

Les femmes dans la Bible n’ont pas souvent le beau rôle. Sans surprise, dans un univers patriarcal, les grands personnages et les prophètes sont des hommes. Avec Judith cependant, Esther est parvenue à la notoriété, à la postérité. Toutes deux ont servi d’intermédiaire pour délivrer la nation.

Esther nous est décrite comme une femme d’une grande beauté. Le livre d’Esther en fait mention à quelques reprises. Cette beauté lui a valu les bonnes grâces du roi Assuréus qui l’a fait reine. Malgré son nouveau statut, Esther est restée fidèle à son Dieu et au peuple auquel elle appartient. Nous la retrouvons aujourd’hui dans une « angoisse mortelle » alors qu’il lui faudra mener à exécution un plan périlleux.

Esther se présente humblement devant Dieu, défaite, la tête couverte de cendres et d’ordures. Elle a renoncé à toutes ses parures et supplie le Seigneur, son refuge, de lui accorder secours et protection. Bien sûr sa prière sera exaucée en tous points : l’ennemi, le vizir Aman recevra juste sentence et un décret de réhabilitation viendra annuler l’édit d’extermination des Juifs.

La lecture édifiante du livre d’Esther conforte notre foi en la puissance de Dieu, capable de renverser les plans meurtriers des potentats de ce monde. (Je laisse ici un blanc, un silence rhétorique, pour vous permettre d’inscrire vos intentions de prière…!)

Esther illustre le message de l’évangile en mettant l’accent sur le caractère audacieux de la demande. À vue humaine, le retournement de situation paraît improbable mais Esther, dans sa solitude et son impuissance, connaît la puissance libératrice du Dieu de ses pères.

Dans sa prière, elle trouvera la force pour affronter « ce lion », une mention qui nous fait aussi songer à cet autre épisode de grand renversement des puissants au livre de Daniel. Dieu accorde sa faveur au faible et au pauvre, il renverse les puissants, comme le chante aussi Marie dans son cantique.

La prière de demande, la prière de supplication, nous amène à une profonde conscience de notre état de faiblesse et de pauvreté. Il faut bien admettre qu’elle arrive souvent en dernier recours, après que nous ayons déployé toutes nos ressources, nous en arrivons à reconnaître notre incapacité à assurer nous-mêmes une sortie de crise. Acculés au pied du mur, nous nous tournons vers Dieu.

L’Évangile semble nous dissuader de recourir à la demande seulement en situation extrême. Jésus propose une sorte de banalisation de la demande, qui viendrait aussi naturellement que celle de l’enfant à ses parents. Pour lui, la demande n’est pas seulement dans les circonstances exceptionnelles, mais au quotidien. Il en parle de manière assez impersonnelle, comme si elle devait être toujours recevable, peu importe le lien avec la personne qui reçoit la demande. De même, on ouvrira la porte à quiconque frappe, connu ou inconnu. C’est dans l’ordre des choses. Comme si on avait affaire à un service automatique ou une porte automatique.

La finale de l’Évangile, après avoir donné l’exemple du père terrestre et celui qui est aux cieux, va plus loin. Une invitation, sinon une demande nous est maintenant adressée. Et dans la même logique, cette demande semble aller de soi. Pour Jésus, il va de soi que, comme fils et filles de ce Père, nous lui répondions par un engagement à imiter Dieu.

Il s’agirait pour nous de faire comme notre Père des cieux, à nous qui hésitons de frapper ou de demander, à nous d’aller jusqu’à prévenir la demande et de nous ingénier à faire pour les autres ce que nous attendrions d’eux.

Si ce souhait de Jésus devait se réaliser, il n’y aurait alors plus besoin de frapper pour entrer, ni de demander pour recevoir. Dans nos relations humaines, cela ne se vérifie pas forcément tous les jours, mais dans le cas de Dieu, nous découvrons qu’un amour prévenant précède toute recherche, toute demande, puisque le cœur de Dieu est toujours ouvert à ses enfants. Ayons l’audace de l’imiter !

Fr. Raymond Latour, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur, nous t’en prions,
inspire-nous de toujours penser ce qui est juste
et de l’accomplir avec empressement ;
et puisque sans toi nous ne pouvons exister,
fais-nous vivre en accord avec toi.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.