Homélie, 6ème dimanche du Temps Ordinaire

12 FÉVRIER 2023

L'Évangile facile, ça n'existe pas !

Aujourd’hui, le frère Dieudonné Bigirimana, O.P., nous invite, par la volonté et l’Esprit de discernement, à faire des commandements de Jésus un compas intérieur plutôt qu’une contrainte extérieure, aussi difficile que ça puisse être parfois.
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Homélie

Je parie qu’ici, personne ne veut une vie compliquée. Et nous ne sommes pas les seuls. Regardez dans l’électronique : plus ça offre des raccourcis, mieux c’est ! Quand on veut apprendre quelque chose, au lieu de prendre son temps pour aller à la bibliothèque, on ouvre son téléphone intelligent et on demande à Google ! Et une fois que le texte est trouvé, on fait copier-coller, parce que c’est facile ! Et allez un peu sur YouTube, vous allez trouver des publicités comme : le Français facile en dix leçons, le Chinois facile en dix leçons, l’Allemand facile en dix leçons, … Est-ce qu’on peut avoir une Évangile facile en dix leçons aussi ? Ça n’existe pas. En tout cas, pas celle d’aujourd’hui !

Pas facile d’éviter les mauvaises actions! De retenir sa langue ou son poing quand ils nous démangent. Mais si, en plus, comme Jésus semble bien le demander, il faut traquer et éradiquer les mauvaises pensées et les mauvais désirs, on n’est pas sorti de l’auberge ! Personne ne pensera que Jésus manque d’ironie quand il prétend, après cela, que « son joug est facile et son fardeau léger» (Mt 11, 30). Le meurtre et l’adultère, le divorce et le faux serment sont presque monnaie courante de nos jours. Il suffit de regarder autour de nous ou d’ouvrir nos postes de télévision pour s’en rendre compte. Et peut-être fais-je déjà un effort pour ne pas me retrouver dans ce courant. En soi c’est exigeant dans un monde qui aime la facilité. Mais voilà Jésus qui nous dit, avec autorité, de faire plus. Plus que « ne pas commettre le meurtre », Jésus nous dit que si quelqu’un traite son frère de fou, il sera passible de la géhenne de feu ! Qui parmi nous ne s’est pas retrouvé en train de dire à son frère : « T’es fou toi ! ». Dans le cas de l’adultère, la proposition de Jésus semble même hors de portée : tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère ! Mon Dieu, mon Dieu ! Décidément, le Christ n’est jamais satisfait. Il lui en faut toujours plus. Mais, comme nous faisons a priori confiance à Jésus, essayons tout de même de comprendre.

Jésus demande plus, certes, mais il ne demande jamais l’impossible ! Par cette prédication qui inaugure la vie apostolique de Jésus, il nous invite à passer d’une vie « réglée » à une vie « régulière », de l’extériorité de la loi à la même loi en son intériorité; de ne pas en rester simplement à la lettre de la loi, au risque alors de tomber dans le ritualisme formel, mais d’accéder à l’esprit de la loi; l’esprit qui ne dispense pas des impératifs premiers, mais qui éclaire la raison et donne foi pour les accomplir, non pas superficiellement, mais en profondeur. Jésus ne nous invite pas simplement à observer la loi de l’extérieur, mais à l’habiter de l’intérieur, ou plus exactement, à se laisser habiter intérieurement par elle. Autrement dit, il faut passer de l’amour de la loi à une loi d’amour. Ce passage est exigeant; voilà pourquoi l’on dit que le Royaume des Cieux n’appartient pas aux médiocres. Pour emprunter ce chemin qui va de l’amour de la loi à une loi d’amour, Dieu nous a donné, en nous créant, une clef incontournable : celle de la volonté. 

« Que votre oui soit oui, que votre non soit non » : oui, « tu as devant toi, la vie et la mort, l’eau et le feu : fais ton choix « (Si. 15,16-17). Cette liberté, des fois, fait peur !

Et il y a souvent une double tentation : d’un côté, on veut revenir en arrière en se disant qu’on ne peut pas aller au-delà. Cette peur qui fait penser qu’il est mieux de ne pas courir de risques, elle nous gagne quand nous nous enfermons dans les normes et les habitudes où nous nous sentons tranquilles et que nous restons indifférents à une multitude affamée, en dehors de nos structures, cette multitude à qui, pourtant, Jésus nous répète sans arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » De l’autre côté, on peut être tenté de sortir de la route, de vouloir contrôler l’Esprit Saint et de s’engager dans un progressisme un peu adolescent qui veut tout avoir. Et à la fin, on glisse… comme quand la route est gelée et que la voiture glisse et fait du hors-piste…

Eh bien, frères et sœurs, pour suivre Jésus qui n’est pas venu abolir la loi et les prophètes, mais plutôt l’accomplir, il ne s’agit ni de reculer, ni de sortir de la route de la liberté, mais il s’agit d’entrer dans un discernement continu sur la volonté de Dieu. Comme nous dit saint Paul, Dieu nous donne son Esprit qui scrute le fond de toutes choses. Voulons-nous nous laisser guider par Lui ? Amen.

Fr. Dieudonné Bigirimana, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu notre Père,
tu veux habiter les cœurs droits et sincères,
nous te prions : donne-nous de vivre selon ta grâce,
à l’écoute des appels de l’Esprit;
alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure,
et le témoignage de notre vie fraternelle
rendra gloire à ton nom de Père.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur qui règne
avec toi et le Saint Esprit
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.