27 janvier 2023
Semence divine
Aujourd’hui, le frère Carlos Ariel Betancourth Ospina, O.P., nous invite à collaborer avec le Royaume de Dieu différemment : dans l’être plutôt que dans l’agir, en sachant lâcher prise et laisser faire ce Royaume.

LETTRE AUX HÉBREUX (10, 32-39)
Frères,
souvenez-vous de ces premiers jours
où vous veniez de recevoir la lumière du Christ :
vous avez soutenu alors le dur combat des souffrances,
tantôt donnés en spectacle sous les insultes et les brimades,
tantôt solidaires de ceux qu’on traitait ainsi.
En effet, vous avez montré de la compassion
à ceux qui étaient en prison ;
vous avez accepté avec joie
qu’on vous arrache vos biens,
car vous étiez sûrs de posséder un bien encore meilleur, et permanent.
Ne perdez pas votre assurance ;
grâce à elle, vous serez largement récompensés.
Car l’endurance vous est nécessaire
pour accomplir la volonté de Dieu
et obtenir ainsi la réalisation des promesses.
En effet, encore un peu, très peu de temps,
et celui qui doit venir arrivera,
il ne tardera pas.
Celui qui est juste à mes yeux par la foi vivra ;
mais s’il abandonne,
je ne trouve plus mon bonheur en lui.
Or nous ne sommes pas, nous, de ceux qui abandonnent
et vont à leur perte,
mais de ceux qui ont la foi
et sauvegardent leur âme.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT MARC (4, 26-34)
En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »
Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »
Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.
Homélie
L’évangile d’aujourd’hui nous aide à comprendre comment Dieu dirige notre histoire. Si nous oublions son rôle moteur, et la force intrinsèque de l’Évangile, des Sacrements et de la Grâce, deux choses peuvent nous arriver : si nous allons bien, nous nous en attribuons le mérite, mais si nous allons mal, nous coulons.
Ces deux paraboles peuvent nourrir et fortifier notre espérance. Peu importent les échecs apparents, les grandes difficultés, la disproportion entre la rareté de nos moyens d’évangélisation et l’abondance ou encore la gravité des problèmes auxquels nous devons faire face. C’est Dieu le Père lui-même qui fait grandir et germer son Royaume.
Nous ne devons jamais être fiers, comme si le monde avait été sauvé par nos techniques et nos efforts. Saint Paul dit qu’il a semé, qu’Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui l’a fait pousser. Dieu se consacre parfois à nous enseigner la leçon que les plus petits moyens produisent des fruits inattendus, hors de proportion avec notre organisation ou nos méthodes et les instruments dont nous disposons.
La graine ne germe pas parce que les sages botanistes le disent et le printemps n’attend pas non plus que les calendriers indiquent son début. Ainsi, la force de la Parole de Dieu vient de Dieu lui-même, pas de nos techniques et interventions.
D’un autre côté, il ne faut pas se décourager quand on n’obtient pas les effets escomptés à court terme. Le rôle principal est tenu par Dieu. Aussi mauvaises que nous paraissent les circonstances de la vie de l’Église, de la société ou d’une communauté, la semence de Dieu fera son chemin et produira son fruit, sans que nous sachions quand ni comment. La graine a son rythme. Il faut être patient, comme le fermier.
Quand dans notre vie il y a une force intérieure (l’amour, l’illusion, l’intérêt), l’efficacité du travail augmente remarquablement. Mais lorsque cette force intérieure est l’amour que Dieu a pour nous, ou son Esprit, ou la grâce salvatrice du Christ ressuscité, alors le Royaume germe et grandit puissamment. Ce que nous devrions faire, c’est collaborer librement à l’œuvre de Dieu en nous. Mais le rôle principal appartient à Dieu. Le Royaume grandit de l’intérieur, par l’énergie de l’Esprit.
Trop souvent nous oublions que ce n’est pas nous qui développons le Royaume, mais qu’il se développe en nous. Même ceux d’entre nous dont la tâche est de faire en sorte que le royaume se développe chez les autres oublient ce fait fondamental. Nous n’avons pas la patience de laisser la graine tranquille, ou nous essayons d’arracher la petite plante dès qu’elle apparaît et au lieu de l’aider à pousser, nous la déracinons. Ou encore, nous abandonnons la graine avant qu’elle ait eu le temps de germer.
Ces deux paraboles perturbent l’effort moralisateur qu’enseignent déjà de nombreuses parties des évangiles. Elles ne nous disent pas ce que nous devons faire, encore moins ce que nous ne devons pas faire. Il semble plutôt qu’elles nous invitent à ne pas faire et à laisser faire. J’aime cet aspect, car je crois que personne n’a le droit de dire à un autre ce qu’il doit faire ou ne pas faire.
L’important est de découvrir ce que nous sommes et d’agir ou de cesser d’agir, selon les exigences de notre être véritable. Les scolastiques disaient que l’agir suit l’être. Soyez plus et faites moins semblant. Peut-être devrions-nous oublier de nombreuses règles que nous avons respectées mécaniquement et essayer de faire en sorte que ce qui nous rend plus humains émerge du plus profond de notre être, et non d’une programmation reçue de l’extérieur.
Fr. Carlos Ariel Betancourth Ospina, O.P.
PRIÈRE