Homélie, 2ème dimanche du Temps Ordinaire

15 JANVIER 2023

Devenir un témoin

En ce dimanche, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous présente le passage de l’évangile du jour comme un exemple de la dynamique de l’évangéliste Jean, qui utilise à la fois beaucoup de références à l’Ancien Testament et de témoins, comme Jean le Baptiste, pour nous révéler la personne de Jésus.

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Homélie

Le temps des fêtes, au sens liturgique, avec Noël et l’Épiphanie, a terminé lundi dernier avec le Baptême du Seigneur. Nous sommes maintenant dans le temps ordinaire. Pour qu’il y ait un temps des fêtes, il faut aussi un temps ordinaire! On a besoin des deux; on ne peut demeurer tout le temps dans un seul. Mais il y a une continuité entre les deux car l’Évangile d’aujourd’hui parle du baptême de Jésus (cf. la dernière fête).

C’est l’Évangile de Jean, dont le point de vue, l’angle de vision, est bien différent de celui de Matthieu, même si des éléments communs sont présents. En Matthieu, nous avions un récit du baptême; et c’est Jésus qui était témoin de la descente de l’Esprit et de la voix des cieux, citant le prophète Isaïe. Ici, nous avons plutôt un témoignage par Jean Baptiste. Comme une sorte de réflexion, déployant le sens de l’événement, du baptême, qui n‘est pas raconté, qui est déjà arrivé. Nous entendons la voix du témoin Jean Baptiste qui confirme, par une révélation, que Jésus est bien l’Élu de Dieu, sur qui l’Esprit est descendu et demeure.

L’approche par témoignage est très présente en Jean. Son évangile ressemble à une sorte de grand procès, à première vue de Jésus mais finalement du monde, où chacun vient apporter son témoignage. Le tout culmine avec la Passion et ses dialogues remarquables. Ici, à qui Jean Baptiste adresse-t-il ce témoignage? Juste avant, les Pharisiens étaient présents (Jn 1, 24). Juste après, deux de ses disciples seront là (1,35). Mais pour ce témoignage si fort, aucun public n’est mentionné. On peut le lire comme une parole adressée à tout le peuple (« pour qu’il soit manifesté à Israël »); et aussi à nous qui lisons ou entendons, car c’est un évangile écrit pour des lecteurs, ceux d’aujourd’hui comme ceux d’hier.

Ce texte est très dense. Il est riche théologiquement et son langage, ses symboles, proviennent des Écritures de la Première Alliance (l’Ancien Testament). Il proclame l’identité profonde de Jésus, avec plusieurs figures. Il y a l’agneau pascal qui évoque l’expérience de l’Exode (Ex 12) et du culte au Temple de Jérusalem. À la Passion, Jean fera des liens explicites entre Jésus et l’agneau de la pâque immolé au Temple (Jn 19, 14.36); c’est une figure de rédemption. Mais ici, elle est combinée avec celle du Serviteur souffrant, qui provient d’Isaïe (Is 53,4-7), évoqué dans la 1ère lecture, celui qui porte le péché du monde et sur qui l’Esprit de Dieu repose, lui qui est l’Élu ou le Fils de Dieu (Is 42,1) et la lumière des nations. Jésus est aussi celui qui était avant moi, dit Jean Baptiste; cette expression était déjà présente dans le Prologue (Jn 1,15).

Ainsi, on se retrouve avec une sorte d’annonce du mystère de Jésus, qui met ensemble les Écritures, des titres et symboles, autour d’un événement, le baptême de Jésus par Jean Baptiste. Et on trouve dans ce texte plusieurs thèmes qui reviennent en Jean : connaître, demeurer, voir, témoigner…. Nous sommes dans un évangile bien différent des Synoptiques (Matthieu, Marc, Luc), même s’il nous parle du même Jésus. Il a ses propres approches, qui ne sont pas toujours évidentes pour nous, mais qui font entrer dans un mystère et font réfléchir sur ce mystère, celui de Jésus.

Nous lisons et écoutons les Évangiles : non seulement et d’abord pour trouver des pistes d’action (que faire), ou être remué (que ressentir), ou connaître une vérité (que penser). Mais pour nous approcher de Jésus, le découvrir, entrer dans le mystère de sa personne, lui qui est au cœur de notre expérience croyante. Cela ne va pas de soi, notre culture s’intéresse plus aux actions, aux émotions, aux idées. Il y en a dans les évangiles! Mais aujourd’hui, il s’agit davantage de nous approcher d’un buisson ardent ou de laisser une lumière nous approcher. 

À quoi ce témoignage de Jean le baptiseur peut-il nous inviter en ce début d’année et en ce temps ordinaire? Deux pistes, au moins, sont possibles. L’une est de vraiment écouter avec soin le témoin Jean Baptiste, de recevoir son témoignage et de prendre alors le temps de contempler le visage unique de Celui qui vient, qui s’approche : le Serviteur, l’Agneau, le Fils, rempli de l’Esprit. Le contempler dans la lecture et l’écoute de la Parole, dans la prière personnelle et communautaire, dans le recueillement et l’étonnement, …

Une autre piste est de prendre le relais de Jean Baptiste pour que son témoignage se poursuive, son annonce de Jésus l’Agneau, le Serviteur, le Fils. Nous pouvons nous inspirer de son style : il est décentré de lui-même et pointe du doigt un Autre qui vient; il fait des liens avec les Écritures; il se promène dans un riche univers symbolique. Nous pouvons devenir à notre tour un témoin qui invite d’autres à porter attention à la personne de Jésus le Christ, à réfléchir sur le sens des événements.

Dans la 2ème lecture, Paul et Sosthène s’adressent aux chrétiens de Corinthe. Dans ces trois versets, le Christ Jésus est mentionné quatre fois. Il est présent dans nos temps de fêtes et dans nos temps ordinaires. Par lui, avec lui et en lui, rendons grâce à Dieu notre Père, de qui viennent toute grâce et toute paix. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

PRIÈRE

Montre-nous, Seigneur, à quel point tu nous aimes,
et, par la force de ton Esprit,
rapproche les chrétiens divisés.
Que ton Église apparaisse clairement
comme ton signe au milieu du monde,
et que le monde attiré par sa lumière,
croie en Jésus ton envoyé, le Christ, notre Seigneur,
Lui qui règne avec toi et le Saint Esprit
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.