Homélie, samedi, 1ère Semaine de l’Avent

3 DÉCEMBRE 2022

Regarder avec tendresse

Aujourd’hui, le frère Mateus Domingues da Silva, O.P., nous invite, à l’exemple de Jésus, à changer et approfondir notre vision des gens autour de nous et à porter un regard de compassion sur eux lorsque d’autres seraient portés à juger.

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Homélie

Jésus accorde de l’importance à la façon de regarder les gens. La manière humaine d’agir en dépend largement. Une des sources chrétiennes les plus anciennes recueille cette observation : « La lampe de ton corps, c’est ton œil. Quand ton œil est limpide, ton corps tout entier est aussi dans la lumière; mais quand ton œil est mauvais, ton corps aussi est dans les ténèbres » (Lc 11, 34). Effectivement, un regard clair permet à la luminescence d’entrer en nous et nous pouvons ainsi agir avec lucidité.

À quoi ressemblait-il, le regard de Jésus? Comment voyait-il les gens? De façons diverses, les évangélistes répètent que son regard était différent. Il n’était pas comme celui de certains religieux radicaux, de certains moralisateurs ou de certains maîtres de la loi qui ne voyaient que l’impiété, l’ignorance de la loi et l’indifférence religieuse. Jésus ne ressemblait pas non-plus à Jean-Baptiste qui ne voyait que le péché, la corruption, les inconsistances et les incohérences dans les foules avant l’arrivée imminente de Dieu.

Le regard de Jésus était plein d’affection, de respect et de solidarité. « Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger » (Mt 9, 36). Il souffrait quand il voyait tant de gens égarées et sans rien. Ici, les foules sont victimes d’un abandon dans lequel elles se sont retrouvées seules, fatiguées et abattues par la vie.

Chacune des personnes dans ces foules est une victime plutôt qu’une personne coupable. Elle n’a aucun besoin d’entendre plus de condamnations mais seulement de connaître une vie plus humaine. Jésus a voulu, en effet, lancer un mouvement nouveau et indubitable, à contresens de toute religion établie. Il a appelé ses disciples et leur a donné « le pouvoir » (cf. Mt 10, 1), non pas de juger mais de sauver.

Le regard de Jésus apparaît comme une révolution inouïe dans l’idée qu’on se faisait de Dieu. L’enjeu que soulevait ce regard était celui d’un Dieu qui semblait délié de sa propre loi: Dieu non pas des pieux zélateurs de la loi, mais de ceux qui la transgressent. Il faut même énoncer le paradoxe incroyable : « Dieu » non pas de ceux qui craignent Dieu, mais Dieu «des sans-Dieu»!

Dans l’Église, nous changerons lorsque nous commencerons à regarder les gens autrement – exactement comme Jésus les regardait. Lorsque nous voyons les autres et nous-mêmes plutôt comme des victimes que comme des coupables, lorsque nous nous concentrons moins sur le péché que sur les souffrances, lorsque nous regardons tout le monde avec moins de peur et plus de miséricorde, à ce moment-là, le règne de Dieu est proche, l’Évangile vient d’arriver et une conversion s’est déjà imposé – pas une conversion d’autrui, mais de l’Église elle-même, une conversion de son regard.

Personne n’a reçu de Jésus « le pouvoir » de condamner mais uniquement celui de guérir. Jésus ne nous appelle pas à juger le monde mais à sauver la vie. Il n’a jamais voulu lancer un mouvement pour combattre, condamner et vaincre ses adversaires. Il a appelé ses disciples pour qu’ils regardent le monde avec tendresse – et rien de plus. Il voulait tout simplement voir ses disciples consacrés à alléger la souffrance et à insuffler l’espoir. Voilà le seul légat que Jésus a voulu laisser.

Fr. Mateus Domingues da Silva, O.P.

PRIÈRE

Seigneur Dieu,
par la prédication de saint François Xavier,
tu as acquis pour toi des peuples nombreux ;
accorde aux fidèles d’avoir une ardeur aussi vive pour la foi,
et à la sainte Église,
la joie d’avoir en tout lieu une descendance innombrable.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.

∞ Amen.