24 DÉCEMBRE 2022
Accueillir la Joie de Dieu
En ce soir de Noël, le frère André Descôteaux, O.P., nous invite à accueillir et partager la joie du nouveau-né, la joie même de Dieu-parmi-nous: « Joyeux Noël! »

LIVRE DU PROPHETE ISAÏE (9, 1-6)
Le peuple qui marchait dans les ténèbres
a vu se lever une grande lumière ;
et sur les habitants du pays de l’ombre,
une lumière a resplendi.
Tu as prodigué la joie,
tu as fait grandir l’allégresse :
ils se réjouissent devant toi,
comme on se réjouit de la moisson,
comme on exulte au partage du butin.
Car le joug qui pesait sur lui,
la barre qui meurtrissait son épaule,
le bâton du tyran,
tu les as brisés comme au jour de Madiane.
Et les bottes qui frappaient le sol,
et les manteaux couverts de sang,
les voilà tous brûlés :
le feu les a dévorés.
Oui, un enfant nous est né,
un fils nous a été donné !
Sur son épaule est le signe du pouvoir ;
son nom est proclamé :
« Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort,
Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. »
Et le pouvoir s’étendra,
et la paix sera sans fin
pour le trône de David et pour son règne
qu’il établira, qu’il affermira
sur le droit et la justice
dès maintenant et pour toujours.
Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !
LETTRE DE SAINT PAUL APOTRE A TITE (2, 11-14)
Bien-aimé,
la grâce de Dieu s’est manifestée
pour le salut de tous les hommes.
Elle nous apprend à renoncer à l’impiété
et aux convoitises de ce monde,
et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable,
avec justice et piété,
attendant que se réalise la bienheureuse espérance :
la manifestation de la gloire
de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ.
Car il s’est donné pour nous
afin de nous racheter de toutes nos fautes,
et de nous purifier
pour faire de nous son peuple,
un peuple ardent à faire le bien.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (2, 1-14)
En ces jours-là,
parut un édit de l’empereur Auguste,
ordonnant de recenser toute la terre
– ce premier recensement eut lieu
lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie.
Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine.
Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth,
vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem.
Il était en effet de la maison et de la lignée de David.
Il venait se faire recenser avec Marie,
qui lui avait été accordée en mariage
et qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là,
le temps où elle devait enfanter fut accompli.
Et elle mit au monde son fils premier-né ;
elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire,
car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans la même région, il y avait des bergers
qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs
pour garder leurs troupeaux.
L’ange du Seigneur se présenta devant eux,
et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière.
Ils furent saisis d’une grande crainte.
Alors l’ange leur dit :
« Ne craignez pas,
car voici que je vous annonce une bonne nouvelle,
qui sera une grande joie pour tout le peuple :
Aujourd’hui, dans la ville de David,
vous est né un Sauveur
qui est le Christ, le Seigneur.
Et voici le signe qui vous est donné :
vous trouverez un nouveau-né
emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable,
qui louait Dieu en disant :
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux,
et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »
Homélie
Joyeux Noël! En fait, j’ai l’impression que pour être politiquement correct j’aurais dû vous souhaiter « Joyeuses Fêtes! ». Il n’en demeure pas moins que, selon le résultat d’un sondage publié dans le Devoir, près de 70% de la population canadienne préfère le « Joyeux Noël » au « Joyeuses fêtes! »
Quoi qu’il en soit, Joyeux Noël! Toutefois, en y pensant bien, n’est-il pas étrange de se souhaiter un Joyeux Noël? N’est-ce pas un peu redondant? Est-ce que Noël, le Noël chrétien, peut être autre chose que joyeux? La joie éclate partout dans l’Évangile de la naissance de Jésus. Le ciel resplendit de lumière. Les anges annoncent une bonne nouvelle qui sera, disent-ils, une grande joie pour le peuple. Et les anges de chanter la gloire de Dieu comme nous venons de le faire avec emphase! Noël, c’est la joie. D’ailleurs dans le chapitre précédent, Marie, lors de sa rencontre avec sa cousine Élisabeth, s’écrie : « Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon sauveur ».
Nous baignons dans une atmosphère de joie comme celle du couple au moment de la naissance de leur enfant! Nous l’avons chanté ‘Un enfant nous est né, un fils nous est donné’! « Sur les habitants du pays de la mort, une lumière a resplendi! Tu as multiplié leur allégresse. Tu as fait éclater leur joie! » En cette nuit, l’imaginable se produit, Dieu nous dit son mot le plus beau : lui-même. Il se donne en nous donnant Jésus, Dieu sauve, l’Emmanuel, Dieu avec nous.
En cette nuit, c’est la Vie, avec un V majuscule, qui s’offre à nous sous les traits d’un petit bébé avec toutes ses promesses. Au début de la célébration, nous avons entendu :
Dieu vit la Création
Et se prit d’espérance.
Dieu vit la créature et résolut de naître.
Ayant lancé le monde
Comme on jette le grain,
Dieu vient s’y enfouir
Pour des noces nouvelles.
Entre les bras tendus de Marie.
Voici l’enfant d’éternelle présence.
Jésus vient dans la nuit
Et l’obscur s’illumine,
Et les petits exultent.
Naissance ! Naissance !
Une respiration nouvelle
Un cœur nouveau redonne aux choses
La fraîcheur des commencements.
Que de joie ! Mais surtout que d’espérance ! Dieu s’enfouit dans notre monde pour que l’obscur s’illumine. L’enfant d’éternelle présence vient dans la nuit, dans nos nuits pour redonner aux choses un cœur nouveau. Fraîcheur des commencements !
En souhaitant « Joyeux Noël », ne voulons-nous pas partager cette joie qui nous est donnée et tout particulièrement avec ces personnes qui, d’une manière ou d’une autre, vivent une nuit, comme celle du deuil, de la maladie, de l’âge, de la solitude, de la séparation, de l’exil, de la guerre ?
À cet égard, comment ne pas évoquer le peuple ukrainien ? Depuis quelque temps, la Russie ne vise plus des cibles militaires, mais des installations assurant le bien-être de la population. Cette semaine, la Presse + a publié une caricature poignante d’André-Philippe Côté. On voyait le Père Noël, descendu de son traîneau. Il était songeur devant une maison détruite où il ne pouvait passer par la cheminée pour distribuer ses cadeaux. Elle n’était que ruine et recouverte d’un drapeau ukrainien.
Malgré tout, lundi, le maire de Kiev a tenu à procéder à l’illumination d’un sapin de Noël décoré avec de nombreuses colombes. Il a alors prononcé ces paroles : « Les Russes essaient de priver nos citoyens d’une vie normale, mais nous ne leur laisserons pas voler les plus grandes fêtes de nos enfants ». « Ils ne nous voleront pas Noël ». Ils ne nous voleront pas Noël !
Évidemment pour lui, c’est un cri, un cri d’espoir et un cri de résistance, mais qu’il a raison ! « Ne nous laissons pas voler la joie de Noël ! » Parce que Noël, c’est d’abord et avant tout, une présence, un tout petit enfant, fragile qui vient transformer le monde non par la force, la puissance – nous savons trop où cela mène – mais dans la pauvreté, par le partage, le pardon et finalement par l’amour.
À la question, « Comment pouvez-vous éprouver la moindre joie dans cette situation ? », le primat de l’Église gréco-catholique ukrainienne a répondu : « Nous fêterons la joie de Noël, pas celle des hommes, mais celle de Dieu. Il s’agira d’accueillir cette joie qui vient d’ailleurs, et de la partager. Même dans le froid et dans le noir ».
Accueillir la joie de Noël, accueillir l’enfant de l’éternelle présence. Accueillir la joie de Dieu. À travers même nos épreuves se joue une naissance, la gestation des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. Un enfantement se réalise : le nôtre, nous qui devenons frères et sœurs du Seigneur Jésus, fils et filles du Père. Non, ne nous laissons pas voler Noël même lorsque nous traversons des épreuves. C’est justement à Noël que s’ouvre le ciel sombre et triste pour qu’en jaillissent une lumière et un chant de paix et de joie ! Nous les bien portants, ne nous laissons pas non plus voler la joie de Noël en le vivant à la surface des choses. Louis Cornellier dans sa chronique du Devoir de ce matin cite un écrivain italien Dino Buzatti qui soutenait tout incroyant qu’il était. « Noël, cette fête tendre et émouvante a fini par se changer en une fièvre frénétique. […] Encore une fois, on reste stupéfaits devant l’impressionnante imbécillité́ de l’Homme qui a réussi à transformer en supplice l’une des plus belles choses qu’il avait été capable d’inventer ».
Que nous estimions ce jugement trop sévère ou non, ne nous laissons pas voler la joie de Noël, la vraie joie de Noël, la joie profonde de Noël. Que cette joie vous illumine, vous et tous les vôtres ! Joyeux Noël ! Et quant à y être, Heureuses Fêtes !
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
∞ Amen.