20 DÉCEMBRE 2022
Dans la pénombre de la foi
Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous explique comment nous pouvons nous identifier à Marie et la prendre en exemple en nous faisant réaliser toutes situations qui aurait pu la pousser à douter du message de l’ange.

LIVRE DU PROFÈTE ISAÏE (7, 10-14)
En ces jours-là,
le Seigneur parla ainsi au roi Acaz :
« Demande pour toi un signe de la part du Seigneur ton Dieu,
au fond du séjour des morts
ou sur les sommets, là-haut. »
Acaz répondit :
« Non, je n’en demanderai pas,
je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve. »
Isaïe dit alors :
« Écoutez, maison de David !
Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes :
il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu !
C’est pourquoi le Seigneur lui-même
vous donnera un signe :
Voici que la vierge est enceinte,
elle enfantera un fils,
qu’elle appellera Emmanuel
(c’est-à-dire : Dieu-avec-nous). »
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (1, 26-38)
Au sixième mois d’Élisabeth,
l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu
dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,
à une jeune fille vierge,
accordée en mariage à un homme de la maison de David,
appelé Joseph ;
et le nom de la jeune fille était Marie.
L’ange entra chez elle et dit :
« Je te salue, Comblée-de-grâce,
le Seigneur est avec toi. »
À cette parole, elle fut toute bouleversée,
et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors :
« Sois sans crainte, Marie,
car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ;
tu lui donneras le nom de Jésus.
Il sera grand,
il sera appelé Fils du Très-Haut ;
le Seigneur Dieu
lui donnera le trône de David son père ;
il régnera pour toujours sur la maison de Jacob,
et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange :
« Comment cela va-t-il se faire,
puisque je ne connais pas d’homme ? »
L’ange lui répondit :
« L’Esprit Saint viendra sur toi,
et la puissance du Très-Haut
te prendra sous son ombre ;
c’est pourquoi celui qui va naître sera saint,
il sera appelé Fils de Dieu.
Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente,
a conçu, elle aussi, un fils
et en est à son sixième mois,
alors qu’on l’appelait la femme stérile.
Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors :
« Voici la servante du Seigneur ;
que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.
Homélie
Les commentateurs des récits évangéliques nous rappellent souvent que les figures bibliques peuvent nous servir de guides dans nos cheminements de foi. Par exemple, ils vont laisser entendre que les réactions ambivalentes des apôtres face à l’enseignement de Jésus devraient nous aider à être lucides sur nos propres résistances à suivre Jésus. De même les expressions de confiance rencontrées chez les malades qui se tournaient vers Jésus dans l’espoir d’être guéris devraient nous soutenir dans nos périodes de manque de confiance en Dieu.
Aujourd’hui, la liturgie nous propose l’évangile de l’Annonciation. Nous y voyons Marie répondre positivement à l’annonce renversante qui lui est faite : « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils… Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut. » (Lc 1,31-32) Et Marie de répondre : « Voici la servante du Seigneur : que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1,38). À lire ce passage, nous pouvons facilement avoir l’impression que le chemin de Marie était tracé à l’avance, qu’elle n’avait pas du tout eu à s’inquiéter de ce qui allait advenir. Elle n’avait qu’à marcher dans la lumière de l’annonce qui lui avait été faite. Pas d’angoisse, pas de remise en question, pas d’hésitation en perspective : c’est ce que nous pouvons imaginer. Et c’est ce qui peut nous amener à penser qu’elle était en quelque sorte surprotégée spirituellement et qu’elle n’a pas eu à faire l’expérience des limites et des fragilités dont nous faisons l’expérience.
Or, en nous représentant de la sorte le parcours de vie de Marie, nous faisons fausse route. Car Marie a justement été obligée de marcher, elle aussi, dans la pénombre de la foi. Elle a dû se questionner et même vivre dans le désarroi. Car, avec les années qui passaient, la réalisation de l’annonce de l’ange ne semblait pas du tout prendre forme. Son fils qui devait se manifester comme le Fils du Très-Haut était devenu, à l’âge adulte, un simple artisan et non pas un personnage historique impressionnant. Donc distance énorme entre le futur annoncé par l’ange et la réalité qu’elle avait sous les yeux! Comment ne pas douter alors du contenu du message mystérieux qu’elle avait reçu? Et puis, quand à l’âge d’environ trente ans, Jésus a quitté le foyer familial pour aller prêcher et guérir, Marie ne semble pas avoir compris la pertinence du choix de son fils. Elle s’y est même opposée, dans une certaine mesure, quand elle s’est jointe aux autres membres de la famille dans le but d’arrêter Jésus et d’interrompre ainsi ses activités de prédicateur et de guérisseur (cf. Mc 3,20-21;31-34). À ses yeux, Jésus faisait fausse route. Car il mettait en danger la renommée de la famille. Elle n’a pas semblé saisir que c’est pourtant de cette façon que son fils devait remplir sa mission. L’horizon se faisait donc ténébreux pour elle. Et que dire du désarroi dans lequel elle a été plongée lorsqu’elle s’est retrouvée au pied de la croix! Ne devait-il pas, ce fils promis, occuper le trône de David (cf. Lc 1,32) ?
Marie, de toute évidence, a connu un parcours de foi déroutant. Et c’est là qu’elle nous rejoint et qu’elle nous ressemble. Marie n’a pas été une déesse à la manière imaginée dans le monde religieux païen de l’époque. Elle a bel et bien été une femme de cheminement dans la foi. Et l’aventure qu’elle a vécue peut inspirer tout baptisé. Ce dernier, en s’engageant à la suite de Jésus dans le but de collaborer à l’émergence du Royaume de Dieu, sait qu’il aura souvent à s’avancer en tâtonnant. Il pourra le faire si, à la manière de Marie, il apprend à s’appuyer sur la puissance fidèle du Très-Haut. De la sorte, il répondra à la mission que le Seigneur lui a confiée.
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE