21 NOVEMBRE 2022
Qui est ma mère?
Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous explique que l’évangile du jour nous incite à être lucide sur nos priorités et nos appartenances, à l’image de Jésus.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN, APÔTRE (14, 1-3.4b-5)
Moi, Jean,
j’ai vu :
et voici que l’Agneau se tenait debout sur la montagne de Sion,
et avec lui les cent quarante-quatre mille
qui portent, inscrits sur leur front,
le nom de l’Agneau et celui de son Père.
Et j’ai entendu une voix venant du ciel
comme la voix des grandes eaux
ou celle d’un fort coup de tonnerre ;
mais cette voix que j’entendais
était aussi comme celle des joueurs de cithare
qui chantent et s’accompagnent sur leur cithare.
Ils chantent un cantique nouveau devant le Trône,
et devant les quatre Vivants et les Anciens.
Personne ne pouvait apprendre ce cantique
sinon les cent quarante-quatre mille,
ceux qui ont été rachetés et retirés de la terre.
Ceux-là suivent l’Agneau partout où il va ;
ils ont été pris d’entre les hommes,
achetés comme prémices pour Dieu et pour l’Agneau.
Dans leur bouche, on n’a pas trouvé de mensonge ;
ils sont sans tache.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (21, 1-4)
En ce temps-là,
comme Jésus enseignait dans le Temple,
levant les yeux, il vit les gens riches
qui mettaient leurs offrandes dans le Trésor.
Il vit aussi une veuve misérable
y mettre deux petites pièces de monnaie.
Alors il déclara :
« En vérité, je vous le dis :
cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres.
Car tous ceux-là, pour faire leur offrande,
ont pris sur leur superflu
mais elle, elle a pris sur son indigence :
elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Homélie
Les relations de Jésus avec les membres de sa famille n’ont pas toujours été au beau fixe. C’est ce que laisse entendre le récit évangélique d’aujourd’hui. D’ailleurs, pour bien saisir la raison de la démarche des proches de Jésus dans le but de le rencontrer, il importe de remonter au choc que Jésus a provoqué quand il a brusquement laissé son métier pour aller rejoindre Jean-Baptiste. Par la suite, Jésus a rapidement posé des gestes qui les ont jetés dans la stupéfaction. Par exemple, comment expliquer qu’un travailleur manuel comme Jésus devienne un prédicateur remarquable capable d’attirer des foules? Comment expliquer qu’un homme qui n’avait fréquenté aucune école rabbinique de Jérusalem puisse devenir un maître à penser original, capable d’interpréter la Loi avec autorité? Et puis, comment était-il devenu un guérisseur recherché, guérisseur suscitant l’étonnement et l’admiration tout à la fois? Personne des siens, semble-t-il, n’avait deviné de telles capacités chez Jésus avant son départ définitif de Nazareth. Aux yeux de ses proches, quelque chose clochait. Leur explication : Jésus était dérangé mentalement pour se comporter comme il le faisait. Qui plus est, par son enseignement, il avait déjà trop attiré l’attention des autorités religieuses. Mauvais signe pour la parenté. Jésus n’était-il pas en train de menacer les intérêts de la famille? N’allait-il pas lui faire perdre sa respectabilité sociale en devenant un marginal? La décision à prendre était claire : il fallait l’arrêter et le ramener à la maison.
C’est dans ce contexte que Jésus dit: « Qui est ma mère, et qui sont mes frères? » Et il ajoute de manière à bien se faire comprendre : « Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » (Mt 12, 46-50) En s’exprimant de la sorte, il indiquait que l’appartenance première de tout disciple devait être celle liée à la Bonne Nouvelle et non pas aux intérêts de sa propre famille. En d’autres mots, si les intérêts de la famille naturelle venaient à s’opposer à ceux du Royaume de Dieu, ce sont les intérêts du Royaume qu’il fallait privilégier. Façon de dire que le choix de vivre l’Évangile entraîne nécessairement le risque de devoir questionner et même briser certaines appartenances, qu’elles soient familiales, professionnelles ou sociales.
Tous les chrétiens et chrétiennes sont confrontés à ce défi de la pression au conformisme social. C’était vrai dans le passé, et cela continue de l’être. Appartenir explicitement à un groupe donné, que ce soit une famille, une corporation, une institution sociale importante, c’est subir des pressions pour épouser pleinement les intérêts de ces entités. Et ce n’est jamais neutre. À ce propos, il faut reconnaître qu’une famille « tissée serrée », par exemple, peut devenir étouffante pour un membre qui aurait le désir d’emprunter des chemins nouveaux. Jésus en a fait l’expérience. N’est-ce pas ce qu’expérimentent aujourd’hui les jeunes adultes qui se tournent vers le Christ Jésus dans le contexte sécularisé actuel? Le plus souvent, leurs proches exercent des pressions sur eux afin qu’ils continuent de ressembler à tout le monde, tant par les valeurs adoptées que par les intérêts défendus.
Le récit évangélique du jour nous fait réaliser à quel point l’accueil de l’Évangile est toujours conditionné par les appartenances que nous cultivons. Invitation donc à développer une lucidité évangélique face à nos appartenances. Et dans cette aventure spirituelle, sachons compter sur le soutien de l’Esprit Saint!
Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.
PRIÈRE
∞ Amen.