Homélie, 33ème dimanche du Temps Ordinaire

13 NOVEMBRE 2022

Le jour du Seigneur

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P. nous invite à élargir nos horizons pour que le Règne de Dieu puisse prendre forme à nos yeux.
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Homélie

Avec l’évangile d’aujourd’hui, nous voyons Jésus inviter ses disciples à prendre pleinement conscience de la précarité du monde présent. Pour lui, le monde terrestre est fragile. Il aura un jour une fin dans le temps. Pour que ses disciples soient pleinement conscients de cette réalité en devenir, il leur annonce que le grand symbole de la stabilité et de la durée dans le temps qu’était le Temple de Jérusalem allait disparaître: « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » (Lc 21,6) En plus, il leur annonce que la fin du monde commencerait à se manifester quand les forces destructrices de la nature allaient se déchaîner (multiplication des famines, des épidémies et des grands tremblements de terre). Les conséquences seraient catastrophiques pour la vie des humains. Par contre, et en même temps, il leur annonce une nouvelle renversante: Dieu, dans sa générosité, va offrir à l’humanité une vie qui échappera au temps, une vie qui échappera au mal, une vie qui échappera à la mort. Le jour du Seigneur ne sera pas d’abord porteur de destructions mais bien plutôt de plénitude de vie. Ce sera un jour de grand renversement. Pour exprimer la bienveillance de Dieu, il va dire : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. » (Lc 21, 19)

Aujourd’hui, nous sommes pleinement conscients de la précarité de notre monde terrestre. Sans doute beaucoup plus que les apôtres ne l’étaient à leur époque. Car les inquiétudes face à l’avenir de notre planète occupent une place fort importante dans nos esprits. Depuis les années 1950, la menace de l’utilisation de la bombe atomique fait vraiment peur, d’autant plus que le nombre de pays qui la possèdent a augmenté au cours des ans. L’autre grande menace, c’est celle liée au bouleversement du climat et des conditions matérielles de la vie. Les militants du mouvement écologique, depuis plus de 50 ans, ne cessent de nous rappeler que les projections alarmantes exprimées au cours des dernières décennies sont en train de se réaliser. Pensons ici à la prise de position présentée dans le Rapport du Club de Rome en 1972, aux interventions d’organismes tels que Greenpeace et Les Amis de la terre. Chez tous, un même avertissement : la vie sur terre est de plus en plus menacée. Si un tournant radical n’est pas réalisé, notre planète deviendra bientôt un lieu inhabitable pour une très large portion des populations du monde. Cette prédiction, elle est d’ailleurs de plus en plus prise au sérieux. En fait foi la tenue, ces jours-ci, en Égypte, de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Pensons aussi à la prise de position du pape François, en 2015, dans son Encyclique Laudato Si’ sur la sauvegarde de la Maison commune.

L’objectif énoncé présentement est clair : échapper aux diverses menaces identifiées par les scientifiques, et ce, dans le but de protéger la vie. Ceci implique la protection des sols, des forêts, des mers, des animaux et des populations humaines. Car la menace est globale. Derrière l’énoncé de cet objectif, des espérances sont exprimées. Ces espérances sont marquées par les visions de la vie des promoteurs, qu’ils soient civils ou religieux. Par exemple, la vision du pape François exprimée dans l’Encyclique Laudato Si’ est large. Elle repose sur les valeurs de justice, de partage et de respect de la dignité humaine. Elle renvoie au projet du Royaume de Dieu. D’autres organismes qui interviennent sur le terrain adoptent des visions de la vie beaucoup plus limitées. Ce qui est proposé, ce sont des solutions avant tout techniques, légales et politiques. Le mythe du progrès et de la croissance continue y est parfois peu questionné. Dans ce dernier cas, il n’est guère question de conversion du cœur et des habitudes de vie, à la différence de ce que le pape François a proposé.

Dans la conjoncture actuelle, nous devons reconnaître que différentes visions du sens de la vie sont présentes dans les discours qui sont tenus. La vision que Jésus a présentée aux siens et à laquelle nous sommes attachés, ne réduit pas le sens à donner à la vie humaine à partir de la seule expérience terrestre. Car, pour Jésus, Dieu tient à faire partager sa propre vie à toutes les personnes qui se tournent ou se tourneront vers lui. En d’autres mots, pour Jésus, il y a un au-delà de la vie présente qui dépassera toutes nos espérances. Une telle vision permet d’ailleurs de relativiser les angoisses face à notre avenir ici-bas. Rappelons que Jésus ne cherchait pas du tout à faire peur à ses proches en leur annonçant que le monde présent connaîtrait une fin. Cette fin de notre monde terrestre ne doit pas non plus faire peur aux disciples de Jésus que nous sommes. Et ce, parce que la vie promise par Dieu dépasse totalement ce que nous pouvons imaginer. Nous partagerons alors la vie même de Dieu.

Toutefois, comme le laisse entendre le pape François dans son encyclique (2015), l’amour de Dieu et du prochain exige que les chrétiens et chrétiennes se montrent pleinement solidaires des gens qui ne partagent pas leur vision religieuse. C’est pourquoi, ils ont pour mission de s’engager, avec leurs ressources, dans des projets de transformation visant à assurer le plus possible et le mieux possible la vie sur notre terre. Ils ont à le faire tout en sachant que le grand retournement se fera un jour. Comme Jésus le disait : « Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. » (Lc 21,9)

Bien des personnes loin de l’Église se montrent surprises par l’enseignement du pape François. Si le christianisme, disent-ils, valorisent à ce point la vie éternelle, comment expliquer le fait que le pape manifeste un profond souci de l’avenir de la vie sur terre? Ne devrait-il pas inviter les chrétiens à la passivité? Ces personnes oublient que la tradition chrétienne, sauf certaines sectes, a toujours tenu à la lutte pour la vie. Les miracles que Jésus a opérés ne sont-ils pas des signes qu’il a donnés pour bien manifester la nécessité de protéger la vie? Et saint Paul n’a-t-il pas repris les chrétiens de Thessalonique qui ne voulaient plus travailler parce qu’ils attendaient le retour du Seigneur, bref la fin du monde? Il les a renvoyés à leurs responsabilités citoyennes en leur disant : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. » (2 Th 3,10)

En terminant, nous avons à nous rappeler, nous chrétiens et chrétiennes, que notre espérance ultime ne doit pas se limiter à l’horizon que peut offrir le monde terrestre. Mais ce monde, ne l’oublions pas, est pourtant le lieu que Dieu a voulu pour manifester sa gloire et sa puissance, le lieu où il a envoyé son Fils pour délivrer l’humanité du mal et de la mort. C’est à partir de ce lieu que le Règne de Dieu peut prendre forme à nos yeux. C’est dans ce lieu que nous venons accueillir la communion de vie que Dieu nous offre. En célébrant l’Eucharistie, nous pouvons donc trouver une vraie sérénité du cœur malgré les menaces qui planent sur notre terre.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Seigneur notre Dieu, nous t’en prions :
accorde-nous la joie de t’appartenir sans réserve,
car c’est un bonheur durable et profond
de servir constamment le créateur de tout bien.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui règne avec toi et le Saint Esprit
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.