6 NOVEMBRE 2022
Provoquer la foi

DEUXIÈME LIVRE DES MARTYRS D’ISRAËL (7, 1-2.9-14)
En ces jours-là, sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. À coups de fouet et de nerf de bœuf, le roi Antiocos voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite. L’un d’eux se fit leur porte-parole et déclara : « Que cherches-tu à savoir de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. » Le deuxième frère lui dit, au moment de rendre le dernier soupir : « Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente, mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. » Après cela, le troisième fut mis à la torture. Il tendit la langue aussitôt qu’on le lui ordonna et il présenta les mains avec intrépidité, en déclarant avec noblesse : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise, et c’est par lui que j’espère les retrouver. » Le roi et sa suite furent frappés de la grandeur d’âme de ce jeune homme qui comptait pour rien les souffrances. Lorsque celui-ci fut mort, le quatrième frère fut soumis aux mêmes sévices. Sur le point d’expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie. »
DEUXIÈME LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX THESSALONICIENS (2, 16 – 3, 5)
Frères, que notre Seigneur Jésus Christ lui-même, et Dieu notre Père qui nous a aimés et nous a pour toujours donné réconfort et bonne espérance par sa grâce, réconfortent vos cœurs et les affermissent en tout ce que vous pouvez faire et dire de bien. Priez aussi pour nous, frères, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course, et que, partout, on lui rende gloire comme chez vous. Priez pour que nous échappions aux gens pervers et mauvais, car tout le monde n’a pas la foi. Le Seigneur, lui, est fidèle : il vous affermira et vous protégera du Mal. Et, dans le Seigneur, nous avons toute confiance en vous : vous faites et continuerez à faire ce que nous vous ordonnons. Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (20, 27-38)
En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. Finalement la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »
Homélie
Que se passe-t-il après la mort? Que pouvons-nous espérer? Rien? Une certaine forme de réincarnation? L’immortalité de l’âme? Une fusion dans l’Énergie cosmique? Que sais-je? Il y a aussi ces expériences où certaines personnes, sur le point de mourir, se sont sentis enrobés d’une grande lumière. Revenues à la vie, elles ont témoigné de cette expérience si pacifiante. Nous, disciples du Christ, que pouvons-nous dire de la vie après la mort?
Sommes-nous comme ces chrétiens qui ont participé à un sondage en 2019 en France ? Cette enquête révèle que 24% des catholiques pratiquants sont d’avis que l’être humain disparaît totalement, 12% qu’il est en attente de réincarnation, 26% que l’âme est immortelle, 17% ne se sont pas prononcés et finalement 21% croient que l’âme humaine est en attente de la résurrection des corps. Seulement, 20% des catholiques pratiquants ont donné la bonne réponse! Imaginez les réponses des personnes qui se disent être sans religion. Pourtant, chaque dimanche, nous proclamons : « je crois en la résurrection de la chair ».
Ne les blâmons pas trop vite. Il faut reconnaître qu’il y a une forte résistance à l’idée même de la résurrection, et ce, en tout temps. Rappelez-vous le discours prononcé par l’apôtre Paul dans l’aréopage d’Athènes. Dès qu’il évoque le thème de la résurrection des corps, ses auditeurs ne sont plus intéressés à l’entendre ou encore le ridiculisent. Pour la plupart d’entre eux, à la mort, l’âme était enfin libérée de cette enveloppe de chair qui alourdit l’âme.
Chez les Juifs, la croyance en la résurrection apparaît très tardivement. C’est dans les livres des Martyrs d’Israël, dont nous avons entendu un extrait, rédigés à la fin du IIe siècle ou au début du Ier siècle avant Jésus-Christ que nous retrouvons les premières traces d’une foi en la résurrection. C’est un mot tout neuf. Alors que le peuple est horriblement persécuté, il ne peut admettre qu’au nom même de la fidélité de Dieu, Dieu ne les sauvera pas. Au contraire, ils sont convaincus qu’il sauvera de la mort, qu’il ressuscitera ceux qui lui restent fidèles. « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu ». Une petite parenthèse : ceux qui soutiennent que la foi a inventé Dieu pour calmer l’être humain de son angoisse face à la mort doivent aller se rhabiller.
Les sadducéens qui rencontrent aujourd’hui Jésus ne croyaient pas en la résurrection des morts parce que, selon eux, il n’en était pas question dans les cinq premiers livres de la Bible, ce que nous appelons la Torah, d’où leur question et leur objection reposant sur le cas de la femme ayant dû épouser les sept frères pour avoir une descendance.
Que répond Jésus? Tout d’abord qu’ils raisonnent en enfants de ce monde. Le monde des ressuscités sera d’un autre ordre de sorte qu’on ne peut projeter notre situation sur celle des ressuscités. La résurrection ne consiste pas à un ajout indéfini de périodes de prolongation à la durée de nos existences. Il nous faut penser, comme les Anglais disent, out of the box, hors de la boîte, hors du cercueil, j’aurais envie de dire. Ce sera du neuf, et non une continuation de la vie d’aujourd’hui, ni une simple réanimation de cadavres. Ce sera autre chose, une condition nouvelle (ni femme ni mari). Comme les anges, nous serons immortels et nous serons en Dieu au point que, contrairement aux anges, nous serons fils et filles de Dieu, partageant sa vie, avec nos corps qui seront ce qu’ils seront.
Sommes-nous bien avancés? Honnêtement, si nous voulions savoir exactement ce qui va se passer dans l’au-delà, nous restons sur notre faim. Ne pensons pas non plus trouver une réponse plus précise dans le Nouveau Testament. En effet, il est très discret sur ce qui nous attend.
Alors? Que nous dit Jésus? Il nous renvoie tout simplement à la foi. À quel Dieu croyez-vous? Est-ce au Dieu qui s’est révélé au buisson ardent à Moïse? Le Dieu des vivants, le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob? Oui, Dieu est le Dieu de la vie au point qu’il nous a envoyé son Fils, Jésus, pour que nous ayons la vie et la vie en plénitude. Désolé, si nous souhaitions une réponse précise sur l’au-delà. Jésus nous pousse à aller au-delà de nos questions et de nos curiosités pour nous attarder à l’essentiel. Et l’essentiel n’est pas de savoir comment seront nos corps mais de vivre, déjà aujourd’hui, en ressuscités, comme Jésus qui n’a pas été ressuscité pour lui tout seul, mais pour être le premier-né des vivants, pour être notre frère aîné et nous guider vers la plénitude de la vie.
Aujourd’hui, suivons-le donc, non pas en franchissant les portes comme il a fait le soir de Pâques ou en apparaissant sans être attendu, mais en vivant aujourd’hui de sa vie : en misant tout sur l’amour, le pardon, la justice, la paix, la miséricorde. Nous pourrions vivre en profitant de tout ce que nous offre la vie. ‘Mangeons et buvons, car demain nous mourrons’. Mais, à cause de notre foi, nous donnons une autre direction à notre vie en fonction de ce qui nous attend. Comme le dit Paul : « Recherchez les choses d’en-haut ». Il ne veut pas dire par là d’être des anges – d’ailleurs, qui veut faire l’ange fait la bête – mais de vivre dès maintenant en laissant croître en nous les germes de la vie éternelle déposés en nous lors de notre baptême. Cette vie qui grandit en nous, entre autres, par notre participation à l’Eucharistie quand nous communions au corps glorifié du Seigneur et des morts et des vivants. Ainsi nous pourrons dire avec ce jeune martyr d’Israël, la foi chevillée au corps : « le Roi du monde nous ressuscitera pour la vie éternelle ». Amen.
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
ouvre nos cœurs à l’immensité de ton amour.
Donne-nous ton Esprit Saint
pour que nous puissions accueillir
avec joie la parole de ton Fils,
Lui qui règne avec Toi
maintenant et pour les siècles des siècles.
∞ Amen.