Homélie, 30ème lundi du Temps Ordinaire

24 OCTOBRE 2022

Surmonter la résignation

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous présente l’action de Jésus et de différent(e)s chrétien(ne)s face aux désespoir et à la résignation.

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Homélie

Mon commentaire de l’évangile d’aujourd’hui ne portera que sur la première partie du récit. Je m’arrêterai sur la relation que Jésus a établie avec la femme courbée.

Nous l’avons maintes fois observé, Jésus opérait habituellement ses guérisons à la suite de demandes pressantes formulées par les personnes malades ou par des proches. Nous en avons un bel exemple avec le récit de la Cananéenne qui demandait avec une insistance entêtée que Jésus guérisse sa petite fille malade. Elle s’était même permis d’argumenter à la suite du refus de Jésus: « Les petits chiens ont droit aux miettes qui tombent de la table ». (Mc 7,28) Avec la femme courbée depuis dix-huit ans, rien de tout cela. Aucune demande explicite de sa part. Pourtant, elle savait sûrement que Jésus était reconnu comme un guérisseur. Pourquoi donc ne s’est-elle pas manifestée? À noter aussi que personne de ses proches n’a attiré l’attention de Jésus sur le triste sort de cette dame. Une hypothèse à retenir ici : cette femme avait dû, au cours des années, en voyant son handicap s’accentuer, fait appel à des guérisseurs et à des médecins. Puis, finalement, devant leur incapacité d’améliorer sa situation, elle s’était résignée à vivre avec son mal. Elle n’avait donc plus d’attente de guérison. Pas de rêve non plus d’un avenir qui aurait pu s’ouvrir pour elle. D’où son silence.

Or, Jésus, dans sa compassion, a franchi la barrière de la résignation de cette femme et l’a informée qu’elle était guérie. C’est dire que cette dernière retrouvait non seulement une véritable autonomie physique mais qu’elle pouvait dorénavant assumer des responsabilités dans sa famille et son milieu de vie.

Retenons que le comportement de Jésus devant le silence de la femme handicapée est devenu, pour beaucoup de chrétiens et chrétiennes, un modèle d’attitude à adopter. À leur tour, ils ont pris l’initiative d’intervenir face à ce qui étouffait la vie, et ce, en présence d’individus, de groupes ou de collectivités qui ne leur demandaient rien. Eux aussi ont décidé de franchir la barrière de la résignation. Eux aussi ont lutté contre différents maux alors même que les victimes ne criaient pas nécessairement au secours. Pensons par exemple à saint Vincent de Paul qui, au XVIIe siècle, a fondé des institutions qui sont venues, pendant des générations, secourir des enfants et des familles vivant dans la misère physique et morale. Observation semblable ici au Québec, au XIXe siècle, avec les fondatrices qu’ont été, entre autres, Marguerite d’Youville, Émilie Tavernier-Gamelin et Marie-Anne Blondin. À propos de résignation, pensons aussi à l’attitude d’une large partie des ouvriers qui, avec l’industrialisation galopante de la deuxième moitié du XIXe siècle, vivaient dans des conditions de vie misérables. En entendant les discours des initiateurs des nouveaux syndicats qui promettaient de défendre leurs intérêts humains et économiques, beaucoup d’ouvriers refusaient de s’engager. Ils avaient peur de perdre le peu qu’ils avaient pour faire vivre leurs familles. Refus donc, de leur part, de participer aux manifestations publiques, refus d’adhérer explicitement à un syndicat. Ils s’étaient résignés, tout simplement, à continuer d’être exploités. Malgré le refus de collaborer d’une portion – parfois significative – de ces ouvriers, les organisateurs syndicaux n’ont pas cessé de lutter pour améliorer leur sort. Et parmi ces organisateurs syndicaux, il n’y avait pas que des marxistes, mais bien des gens inspirés par l’Évangile. 

Notre contexte est bien différent de celui des chrétiens et chrétiennes qui nous ont précédés. Mais, à leur façon, nous sommes invités à imiter Jésus, à faire nôtre sa compassion et à savoir surmonter la résignation rencontrée face au mal et à la souffrance. De la sorte, aujourd’hui encore, le souffle de l’Évangile peut et pourra faire expérimenter l’espérance au cœur même de situations humainement détériorées. Que l’Esprit Saint nous soutienne sur la route de la compassion! 

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
augmente en nous la foi, l’espérance et la charité ;
et pour que nous puissions obtenir ce que tu promets,
fais-nous aimer ce que tu commandes.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.