Homélie, 29ème lundi du Temps Ordinaire

17 OCTOBRE 2022

Faire entrer Dieu dans nos plans

Aujourd’hui, le frère Jean-Louis Larochelle, O.P., nous invite à inclure Dieu dans notre façon de concevoir et construire notre vie, de manière à ne pas devenir prisonniers d’une vision purement matérialiste et consumériste d’une vie réussie.
homelie

LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ÉPHÉSIENS (2, 1-10)

Frères, vous étiez des morts, par suite des fautes et des péchés qui marquaient autrefois votre conduite, soumise aux forces mauvaises de ce monde, au prince du mal qui s’interpose entre le ciel et nous, et dont le souffle est maintenant à l’œuvre en ceux qui désobéissent à Dieu. Et nous aussi, nous étions tous de ceux-là, quand nous vivions suivant les convoitises de notre chair, cédant aux caprices de la chair et des pensées, nous qui étions, de par nous-mêmes, voués à la colère comme tous les autres. Mais Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu ainsi montrer, au long des âges futurs, la richesse surabondante de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions.

Homélie

À l’époque de Jésus, les règles du partage d’un héritage, dans le milieu rural, était bien établies. La norme était claire : l’aîné des garçons devait recevoir une double part de l’héritage. La loi le favorisait du fait qu’il devenait le chef de la famille, de la lignée. Le fils cadet ou les fils cadets se partageaient le reste en parts égales. Légalement parlant, le fils cadet du récit évangélique n’avait donc aucune raison de s’adresser à Jésus. Jésus n’allait pas changer la loi. Et il l’a fait savoir : « Homme, qui donc m’a établi pour être…l’arbitre de vos partages? » 

Mais pourquoi donc ce fils cadet était-il inquiet au point de vouloir faire intervenir Jésus? Craignait-il de devoir changer de niveau de vie matérielle après la mort de son père? Avait-il peur de faire l’expérience de l’insécurité? Craignait-il de ne pas avoir suffisamment de ressources financières pour réaliser ses ambitions? C’est fort probable.

Comme nous pouvons le constater, Jésus n’a pas répondu directement à la demande de ce fils cadet. Il l’a plutôt invité à réfléchir, à évaluer ses priorités dans le cadre de son projet de vie. Il l’a fait en lui proposant une parabole, celle de l’homme riche emporté subitement par la mort. Son avenir, ce fils cadet était-il porté à l’imaginer sans tenir compte de Dieu? Était-il déjà en train de s’enfermer dans le monde présent sans tenir compte de ce que Dieu pourrait lui réserver au-delà de sa mort? De toute évidence, Jésus a invité ce futur héritier à faire entrer Dieu dans son plan.

La figure de ce fils cadet peut constituer une interpellation pour bien des baptisés d’aujourd’hui. Car nous vivons dans une société qui valorise énormément la richesse matérielle. Cette richesse, de fait, permet non seulement d’échapper à l’insécurité mais d’atteindre un statut social élevé ainsi qu’une capacité d’influencer son milieu. Être riche, c’est donc valorisant, socialement parlant. Il y a plus. Au Québec, nous voulons oublier la formule « être né pour un petit pain ». Et l’invitation à une vie humble et pauvre n’est plus acceptée par la population, et ce, même si un certain pourcentage de cette dernière vit actuellement en-dessous du seuil de pauvreté. La pauvreté est à fuir. Nos politiciens et politiciennes parlent abondamment d’enrichissement et de développement. Ils le font malgré les appels à la simplicité de vie que le discours écologique actuel promeut. Reconnaissons aussi qu’en dehors des communautés croyantes, il est peu question d’une réalité transcendante qui relativiserait les rêves d’enrichissement.

Dans le contexte actuel, n’avons-nous pas, nous chrétiens, à agir comme Jésus, c’est-à-dire à questionner les visions de la destinée humaine qui circulent présentement? N’y a-t-il pas là un service de lucidité et de vérité que nous avons à rendre aux autres comme Jésus l’a fait avec le fils cadet? Cela implique, bien entendu, que nous sachions poser ouvertement la question de Dieu et d’une vie en communion avec lui. Question qui peut être dérangeante dans une société sécularisée comme la nôtre. Une telle question est pourtant fondamentale. Elle oblige à bien identifier l’horizon sur lequel on entend situer sa vie, que l’on soit riche ou pauvre. Veut-on s’occuper uniquement de la vie terrestre ou si l’on est prêt à considérer la vie éternelle, et donc à se faire un trésor dans le ciel?

Nous charger d’un service de lucidité et de vérité à la manière de Jésus, voilà le défi que nous sommes invités à relever, et ce, malgré nos limites et nos faiblesses. Que notre Eucharistie affermisse notre confiance en l’Esprit qui, lui, peut nous rendre capables d’assumer cette mission! 

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
par le témoignage des saints martyrs,
tu embellis ta sainte Église, corps de ton Fils ;
nous t’en prions :
de même que la passion du bienheureux Ignace d’Antioche,
célébrée en ce jour, lui valut une gloire éternelle,
fais qu’elle nous procure aussi ta protection à jamais.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.