Homélie, 29ème dimanche du Temps Ordinaire

16 OCTOBRE 2022

Demander et recevoir l'Esprit Saint

Aujourd’hui, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous exhortait à ouvrir nos mains pour recevoir et demander l’Esprit-Saint en tenant comme modèle l’espérance de la veuve de l’Évangile.
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Homélie

L’automne fait son chemin. La lumière d’octobre rayonne encore, les jours commencent à se faire plus courts et les feuilles rouges à tomber. Et voici aujourd’hui une parabole, brève mais ouvrant plusieurs pistes, celle de la veuve et du juge. Dès le début (v.1), son appel est clairement indiqué par Luc : il s’agit de prier avec ténacité, sans se décourager. Le récit (2-5) nous présente ensuite les deux personnages bien campés : la veuve et le juge. On les voit, on les entend, peut-être jusqu’au fond de nous. Les deux sont des figures bibliques fréquentes.

La veuve, par sa condition, incarne toutes les personnes pauvres et opprimées. Dans la Loi (Dt 24,17-21), comme chez les Prophètes (Is 1,17; Ez 22,7) et dans les Psaumes (146,9), le test de la justice, c’est le souci et le respect de la veuve, ainsi que de l’orphelin et de l’étranger. Ce qui caractérise la veuve de cette parabole, c’est son insistance, sa détermination, que Jésus met en relation avec la prière. Prier implique de tenir bon, de faire confiance, de ne pas lâcher. On trouve la même attitude en d’autres paraboles en Luc : l’ami (11, 5), le fils (11,11). Cette veuve vit en contexte d’adversité et d’injustice, comme des chrétiens au temps de Luc, comme des personnes et groupes aujourd’hui qui se demandent si Dieu entend leurs souffrances et leurs supplications.

Le juge est nettement un homme antipathique. Il ne respecte pas Dieu, i.e. il n’est pas habité par cette crainte de Dieu qui, dans la Bible, est le commencement de la sagesse. C’est un homme sans scrupule, qui se fiche de tous, sans engagement religieux et sans respect des personnes. Sa motivation pour faire justice relève d’une volonté d’avoir la paix. Rien de très engagé au plan éthique! Et pourtant Jésus ose faire un rapprochement entre cet affreux personnage et Dieu lui-même. Mais pour montrer, justement, que Dieu agit de façon contraire : Dieu a souci des êtres humains, particulièrement des plus vulnérables, comme cette veuve, par-delà l’échec apparent de nos demandes ou ce qui nous semble son impuissance. 

Si un juge injuste peut faire justice, encore plus Dieu, le juste juge (Si 35,12-24; Ps 68,6), le compatissant, prendra-t-il soin des siens. Ainsi, nous sommes appelés à la fois à tenir bon, à continuer jour et nuit de prier, et à opérer des déplacements dans notre image de Dieu. Il n’est pas indifférent et lointain, ou capricieux, sinon, il ne serait pas le Dieu vivant. Et suite aux paraboles de l’ami, puis du fils, invitant aussi à prier constamment, Jésus dit (Lc 11,13): « Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent. » Intéressant : comme si la demande à faire et refaire, avec insistance finalement, c’est que nous soit donné l’Esprit, et cela suffit. 

Mais voici que la finale (v.8b) vient nous dérouter; elle nous interpelle vivement sur la foi et nous laisse songeurs. Jésus, le Seigneur, devient ici le Fils de l’Homme, figure du dernier avènement. Quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? Il y a ici un lien avec ce qui précède la parabole en Luc : Jésus parle du Jour du Fils de l’Homme (17, 22-37). Luc fait une connexion. Mais on peut se demander de quelle foi s’agit-il. Déjà, il y a deux dimanches, les apôtres avaient demandé : Augmente en nous la foi (Lc 17,5). Et si cette foi était justement cette ténacité dans la prière qui, à travers les épreuves, les adversités, maintient la relation à Dieu? Une confiance têtue qui ne lâche pas, qui ne coupe pas les liens, qui ose exprimer à Dieu les souffrances et colères, les porter devant lui en vérité. Une foi qui est capable de plaintes et de cris, comme de louange et de bénédiction, car elle est une foi vivante, celle de vivants. 

Il y a de quoi nous laisser toucher par les multiples interpellations de cet évangile. Et puisse le Fils de l’Homme trouver cette foi persévérante quand Il viendra, quand Il vient, déjà, dans nos cuisines ou sur nos balcons, sur nos sentiers en forêt ou dans nos jardins intérieurs. 

Aujourd’hui, dans l’Église du Canada, c’est aussi la fête d’une veuve, de Montréal, première sainte d’origine canadienne, Marguerite d’Youville (1701-1771). Une femme remarquable, qui a eu une vie difficile : six enfants dont quatre morts en bas âge, veuve avec les dettes de son mari, l’Hôpital général dont elle est la responsable qui brûle et qu’elle va reconstruire, … Et elle est devenue une figure marquante de la charité universelle, prenant soin de tous les pauvres, abandonnés, malades, jeunes ou âgés, autochtones; avec un sens de l’entreprise et de la débrouillardise, avec ténacité et confiance malgré les moqueries des gens (sœurs grises); tenant bon car nourrie par la solide spiritualité de l’École française et soutenue par les Sulpiciens. Son héritage, en communautés, centres institutions, est considérable.

Rendons grâce pour tous ces gens tenaces et confiants, comme ces veuves qui nous apprennent l’espérance, et pour la lumière et les couleurs d’octobre, qui suscitent notre émerveillement, et nous tournent, mains levées, pour demander et recevoir l’Esprit. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
fais-nous toujours agir pour toi d’une volonté ­ardente,
et servir ta gloire d’un cœur sans partage.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.