Homélie, 27ème dimanche du Temps Ordinaire

2 OCTOBRE 2022

Guetteurs de Dieu

Aujourd’hui, le frère Bernard East, O.P., nous invite à imiter le prophète Habacuc afin de devenir des guetteurs, des chercheurs des réponses de Dieu au quotidien.
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Homélie

Pourquoi restes-tu à regarder notre misère ? Ce cri de douleur, du prophète Habacuc, est un cri que plusieurs croyants et croyantes ont adressé à Dieu au cours des siècles. Comme Habacuc, bien des fidèles du Seigneur se sont exprimés dans les mêmes mots : “Combien de temps, Seigneur, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas, crier contre la violence, et tu ne délivres pas !”

Ce cri de douleur, qui se situe à la frange de la désespérance, est d’autant plus aigu qu’il s’adresse au Dieu tout-puissant et Maître de l’histoire. Ce cri d’Habacuc jaillit du plus profond de l’humanité, il est le même qu’ont exprimé au cœur de l’histoire, des millions de personnes. 

On peut penser aux injustices et aux souffrances de la vie de tous les jours, dont nous avons pu nous-mêmes souffrir à un moment ou l’autre de notre vie, comme aussi nous pouvons nous remémorer ces millions de personnes qui au cours de l‘histoire de l’humanité ont été torturées, humiliées, déplacées, tuées, ceux et celles qui ont vu égorger devant elles des parents, des enfants, des amis, l’être aimé par excellence. Que dire de toutes les victimes de génocides ou de cataclysmes naturels ? Tout au long de la Bible, comme au cours de l’Histoire ; des hommes, des femmes s’insurgent contre le silence apparent de Dieu, voir même dénoncent son inutilité. 

Que de souffrances, que d’appels laissés sans réponses, que d’espoirs déçus ! Qui de nous n’a pas eu l’impression à un moment donné ou l’autre de sa vie, ou en lisant telle ou telle page de l’histoire que la présence de Dieu se faisait attendre, qui n’a pas eu l’impression qu’il arrivait, bien trop souvent, que les forces du mal triomphent sur celles du bien ?

Entre le cri de sa douleur et l’expression de son désarroi devant Dieu et Dieu qui lui répond par la vision, il y a cette phrase du prophète : “Je guetterai ce que dira le Seigneur.” Il est tout à fait normal de s’interroger sur ce qui nous arrive, comme sur les grands événements du monde. Il est compréhensible, qu’il arrive à l’être humain, même à ces personnes proches de Dieu et choyées par Dieu, que sont les prophètes et les saints, de les entendre poser des questions à Dieu. Ils portent en présence de Dieu, ce qui est inacceptable, ce qui paraît incompréhensible. De tout temps, il y a ceux qui se révoltent, ceux qui blasphèment le nom du Seigneur, ceux qui sombrent dans le découragement, mais aussi ceux et celles qui attendent, qui comme Habacuc, guettent ce que dira le Seigneur.

Alors le Seigneur répondit à Habacuc : Il lui a fait entrevoir une vision, un signe d’espérance, quelque chose qui lui redonnait des forces, le Seigneur lui dira même d’écrire cette vision, de la mettre noir sur blanc, pour pouvoir y revenir, pour qu’on la lise couramment.

La vision d’espérance se réalisera lui dit le Seigneur, mais seulement au temps fixé, cette vision, elle tend vers son accomplissement et elle ne décevra pas. Même si l’on a l’impression et la certitude qu’elle tarde, qu’elle ne se réalise pas, attends-la, lui dit le Seigneur, elle viendra certainement à son heure. En d’autres termes, il est demandé à Habacuc de faire preuve de fidélité à l’endroit du Seigneur, car lui le Seigneur, le Maître de l’histoire, il est fidèle et ses promesses se réalisent en leur temps. La foi de nos pères, la foi de ceux et celles qui nous ont précédés dans la foi, comme d’ailleurs notre foi en Dieu doit se vivre dans la durée. Il faut faire confiance à la sagesse de Dieu.

Jésus lui-même, lui l’envoyé du Père, lui le Fils unique, a fini sa vie terrestre dans les souffrances et la mort. Il a été, trahit, renié, abandonné de tous. Et ne l’oublions pas, il s’est même senti abandonné de Dieu, son Père. Comme un être humain, il a éprouvé dans sa chair le sentiment de sa misère, de sa solitude. Ne s’est-il pas écrié, cloué sur la croix : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?” Sentiment d’abandon, qui frôle la désespérance ; oui, Jésus est passé par-là.

Et si nous savons que Jésus est mort injustement, misérablement, comme le dernier des criminels ; rappelons-nous aussi que Dieu est demeuré fidèle et qu’il a montré sa force et sa puissance à l’endroit de ce Fils, qui librement accepta de réaliser la mission confiée, en vue de notre salut et cela il l’a fait en le ressuscitant des morts. 

Les forces du mal et de la mort ont été vaincues par Dieu, lorsqu’il ressuscita celui qui était mort. Par la mort et la résurrection du Fils, une vie d’espérance nous est ouverte, une vie qui rend l’espérance non seulement possible, mais l’objet d’une espérance qui se réalise sous nos yeux.

Paul disait à Timothée : “tu dois raviver en toi le don de Dieu que tu as reçu”. Il s’agissait du don reçu au moment de l’imposition des mains, c’est-à-dire au moment de son ordination. Nous aussi nous avons reçu des dons et ces dons sont variés. Il nous appartient, à l’occasion et selon les circonstances, de réveiller, d’actualiser les dons reçus de la part du Seigneur. Il y a toujours le danger de s’endormir, de se laisser distraire de ce qui au cœur de notre vie est le plus précieux. Un jour nous avons reçu le don de la foi, ce don merveilleux de la foi. Il nous faut revenir à ce don, il nous faut le faire fructifier, il faut nourrir notre foi, par la prière, la réflexion, l’écoute de la Parole de Dieu, la participation aux sacrements et notre contact avec les autres, nos frères et sœurs en Église, comme aussi à travers nos liens avec nos contemporains, notamment ceux qui se sentent abandonnés de Dieu. Il faut surtout, comme les apôtres l’ont fait, demander à Dieu d’augmenter notre foi. Il faut aussi se rappeler que notre foi ne peut se développer qu’à l’intérieur d’une vie de fidélité à l’endroit de Dieu. Cela va jusqu’à faire confiance à Dieu, même quand nous souffrons, même quand nous ne comprenons pas, même quand l’horizon nous semble bloqué. Notre Dieu est bon, la Sagesse de Dieu ne peut ni se tromper ni nous tromper. Notre Dieu est le Dieu de l’Histoire, il a vaincu la mort et les forces du mal. Celui qui met sa foi en Dieu, non seulement communiera au vouloir de Dieu, mais il pourra comprendre des réalités, réaliser des choses merveilleuses, qui – au plan humain – sont tout simplement incompréhensibles.

Au cours de cette eucharistie, demandons au Seigneur, de faire de nous des guetteurs, de ceux et celles qui savent attendre patiemment, veiller, chercher les réponses de Dieu à nos questionnements, réponses qu’il nous communique par sa parole et aussi par l’intermédiaire de nos frères et sœurs dans la foi, ainsi que par la vie et les aspirations de nos contemporains quels qu’ils soient. Amen.

Fr. Bernard East, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu éternel et tout-puissant,
dans ta tendresse inépuisable,
tu combles ceux qui t’implorent,
bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs ;
répands sur nous ta miséricorde
en délivrant notre conscience de ce qui l’inquiète
et en donnant plus que nous n’osons demander.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.