7 SEPTEMBRE 2022
Mes chères sœurs !
L’homélie du frère André Descôteaux, O.P. pour aujourd’hui a pour sujet la libération, la miséricorde et l’amour tous particuliers que Dieu a pour les pauvres, les malades et les exclus.

PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS (7, 25-31)
Frères, au sujet du célibat, je n’ai pas un ordre du Seigneur, mais je donne mon avis, moi qui suis devenu digne de confiance grâce à la miséricorde du Seigneur. Je pense que le célibat est une chose bonne, étant données les nécessités présentes ; oui, c’est une chose bonne de vivre ainsi.
Tu es marié ? ne cherche pas à te séparer de ta femme. Tu n’as pas de femme ? ne cherche pas à te marier. Si cependant tu te maries, ce n’est pas un péché ; et si une jeune fille se marie, ce n’est pas un péché. Mais ceux qui font ce choix y trouveront les épreuves correspondantes, et c’est cela que moi, je voudrais vous éviter.
Frères, je dois vous le dire : le temps est limité. Dès lors, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme, ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui ont de la joie, comme s’ils n’en avaient pas, ceux qui font des achats, comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui profitent de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. Car il passe, ce monde tel que nous le voyons.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (6, 20-26)
En ce temps-là, Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Homélie
Luc met dans la bouche de Jésus des propos qui nous surprennent et qui peuvent même nous ébranler. Heureux les pauvres! Non pas les pauvres de cœur de la version des béatitudes selon saint Matthieu, mais de vrais pauvres, des miséreux, des sans-voix.
Dans cette série de quatre béatitudes suivies de quatre malédictions, nous nous rendons compte que quelque chose se passe parce que Jésus est là. La vie ne sera plus comme elle est. Les pauvres sont heureux non parce qu’ils vivent dans la misère, mais parce qu’enfin Dieu a entendu leur cri, comme il avait entendu les cris de son peuple réduit en esclavage et qu’il avait envoyé Moïse pour les libérer. Ils sont déjà heureux parce que Dieu est avec eux, et ainsi, un jour, ils seront rassasiés, ils riront et ils seront heureux. C’est le même renversement que chante Marie dans le Magnificat : ‘ Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.’ C’est le même renversement des situations de Lazare et du riche. Celui qui jouissait de la vie se retrouve dans les enfers et Lazare dans le sein d’Abraham. Ce n’est pas vrai que c’est l’argent qui mène le monde malgré tout ce que nous voyons et même subissons. C’est Dieu.
Il en est ainsi parce qu’un avenir s’ouvre devant eux. En effet, Jésus deviendra pauvre parmi les pauvres. Portant sa croix, il sera l’abandonné, le condamné, le méprisé. Et pourtant, il ouvrira la voie du bonheur à tous ceux et toutes celles de qui il s’est fait solidaire. ‘De riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté’, dira saint Paul.
Ces paroles sont dures, le chemin de Jésus est dur, il nous le rappelait dimanche dernier, mais ceux qui le suivent seront rassasiés et goûteront au bonheur et à la vie en plénitude.
La fête du bienheureux Jean-Joseph Lataste rappelle qu’il y a aussi d’autres pauvres pour lesquels Jésus est venu. Les exclus, les jugés par les gens de bien. Les condamnés par les autres ou par eux-mêmes. Ceux qui pleurent sur eux-mêmes. Heureux sont-ils, car ‘je suis venu non pour les bien-portants, mais pour les malades’.
Un jour, notre bienheureux Lataste se retrouve dans une prison de femmes pour leur prêcher une retraite. Il faut imaginer les conditions de ces femmes. Ce n’était pas celle de la défunte série Unité 9. Six jours sur sept, les détenues devaient effectuer douze heures de travail avec deux pauses d’une heure consacrées aux repas et aux promenades obligatoires. Le silence est perpétuel et absolu. À cause de leur horaire, la prédication ne pouvait avoir lieu que de nuit. Il faut qu’elles travaillent, ces femmes! Que leur dit-il?
« Mes chères sœurs! Que m’êtes-vous après tout? Hier, je ne vous connaissais pas et dans quelques jours nous nous séparerons. Bien plus, vous êtes des femmes dégradées, avilies, mises au ban de la société, si vous sortiez d’ici, si l’on savait d’où vous sortez, on vous montrerait du doigt, on se méfierait de vous. Je n’approuve point cela, mais enfin, cela est ainsi.
Mais moi, je vous appelle ‘mes chères sœurs’ parce que tous vos crimes, si grands qu’ils soient, n’arriveront jamais aux proportions de l’amour infini de Dieu et de son infinie miséricorde! Ne l’avez-vous pas vu déjà pardonner tous ses péchés à Madeleine, absoudre la femme adultère, regarder Pierre et le sauveur? Ne l’entendrez-vous pas tout à l’heure promettre au bon larron une place dans son paradis? Ah! De grâce, quoi que vous ayez fait, quoi que vous fassiez, ne désespérez jamais de la miséricorde de Dieu! »
Quelques années plus tard, il fondera une communauté de religieuses accueillant les femmes avec un passé lourd et qui s’étaient réhabilitées. Il disait : « Je désire que nulle exceptée vous, la supérieure, ne sache de nos enfants la cause ni la durée de leur détention. Il faut que le passé soit absolument enterré, mis dans la tombe! »
Paroles incompréhensibles pour le cœur habité par le seul souci de la justice. Heureux les pauvres! Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur!
Fr. André Descôteaux, O.P.
PRIÈRE
tu as donné au bienheureux Jean-Joseph
d’espérer contre toute espérance
et d’être un prédicateur plein de bonté.
À sa prière, mets en nos cœurs une même charité,
afin que nous sachions voir dans les plus grands pécheurs
ce qui fait les plus grands saint.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.