3 SEPTEMBRE 2022
Au service de la libération humaine
Aujourd’hui, le frère Mateus Domigues da Silva, O.P., nous rappelle à quel point Jésus considérait l’amour de Dieu ainsi que l’amour et le bien-être du prochain comme supérieurs en priorité aux rites et aux règles religieuses.
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS (4, 6b-15)
Frères, apprenez d’Apollos et de moi-même à ne pas aller au-delà de ce qui est écrit, afin qu’aucun de vous n’aille se gonfler d’orgueil en prenant le parti de l’un contre l’autre. Qui donc t’a mis à part ? As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? Vous voilà déjà comblés, vous voilà déjà riches, vous voilà devenus rois sans nous ! Ah ! si seulement vous étiez devenus rois, pour que nous aussi, nous le soyons avec vous ! Mais nous, les Apôtres, il me semble que Dieu nous a exposés en dernier comme en vue d’une mise à mort, car nous sommes donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous, nous sommes fous à cause du Christ, et vous, vous êtes raisonnables dans le Christ ; nous sommes faibles, et vous êtes forts ; vous êtes à l’honneur, et nous, dans le mépris. Maintenant encore, nous avons faim, nous avons soif, nous sommes dans le dénuement, maltraités, nous n’avons pas de domicile, nous travaillons péniblement de nos mains. On nous insulte, nous bénissons. On nous persécute, nous le supportons. On nous calomnie, nous réconfortons. Jusqu’à présent, nous sommes pour ainsi dire l’ordure du monde, le rebut de l’humanité. Je ne vous écris pas cela pour vous faire honte, mais pour vous reprendre comme mes enfants bien-aimés. Car, dans le Christ, vous pourriez avoir dix mille guides, vous n’avez pas plusieurs pères : par l’annonce de l’Évangile, c’est moi qui vous ai donné la vie dans le Christ Jésus.
ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT LUC (6, 1-5)
Un jour de sabbat, Jésus traversait des champs ; ses disciples arrachaient des épis et les mangeaient, après les avoir froissés dans leurs mains. Quelques pharisiens dirent alors : « Pourquoi faites-vous ce qui n’est pas permis le jour du sabbat ? »
Jésus leur répondit : « N’avez-vous pas lu ce que fit David un jour qu’il eut faim, lui-même et ceux qui l’accompagnaient ? Il entra dans la maison de Dieu, prit les pains de l’offrande, en mangea et en donna à ceux qui l’accompagnaient, alors que les prêtres seulement ont le droit d’en manger. »
Il leur disait encore : « Le Fils de l’homme est maître du sabbat. »
Homélie
Le sens général de cet épisode (Lc 6, 1-5) n’est pas difficile à saisir. On reproche à Jésus d’autoriser ses disciples à arracher des épis au jour du sabbat ; or, en employant David comme paradigme, Jésus montre que, pour en finir avec la faim, tout est permis, même désobéir au Décalogue.
Il me semble qu’ici le problème n’est ni le Décalogue ni le commandement concernant le sabbat. Le problème, c’est quand la religion et ses lois sont instrumentalisées, en devenant une barrière pour la libération de gens et de peuples. Si c’est le cas, dans l’évangile du jour, la question du sabbat est sans aucune importance – il pourrait être n’importe quel autre commandement.
À la lumière de cet évangile (Lc 6, 1-5), je me demande tout de même : pourquoi la faim de ses disciples permet à Jésus de relativiser un commandement révélé par Dieu ?
D’après la révélation biblique, c’est parce que, ce que l’on fait ou pas à leur égard c’est à Dieu lui-même, manifesté en Jésus-Christ, le Fils de l’Homme, qu’ont est en train de le faire. Lorsque nous abandonnons un nécessiteux, c’est Dieu que nous abandonnons. Lorsque nous privons quelqu’un de manger, même si c’est à cause de la religion et en tout respect aux commandements divins et à la loi du Seigneur, c’est Dieu que nous privons. De même, quand nous soulageons sa souffrance, c’est à Dieu que nous le faisons.
Parmi les croyants, il peut y avoir une tendance à sacraliser des livres, des traditions, des institutions, des bâtiments, des normes, des rites et des doctrines, tandis que, d’après Jésus, les seules choses sacrées sont Dieu et le prochain.
Ces messages surprenants nous incitent à tourner nos regards vers ceux qui souffrent. Pas de religion véritable si ce n’est pas en défendant les plus démunis, en soulageant leur souffrance et en restaurant leur dignité. Point de commandement divin si ce n’est pas pour le bien-être humain.
Jésus vient à notre rencontre dans chaque personne qui souffre, il nous regarde, nous interroge et nous interpelle. Rien ne nous approche autant de lui que d’apprendre à regarder avec attention et tendresse le visage de ceux qui souffrent. Nulle part ailleurs nous ne pourrons reconnaître de manière plus authentique le visage de Jésus.
Il nous faut donc changer de façon de penser, d’être et d’agir. Il faut que, désormais, la religion ne soit plus source d’aliénation, mais un noyau de résistance, un instrument de critique sociale et culturelle permanente, une source de vie, qu’elle soit donc libératrice et révolutionnaire. Bref, il faut que nous apprenions que le Fils de l’Homme est le maître du sabbat, puisque le sabbat n’a de sens qu’à condition d’être au service de la libération humaine.
Fr. Mateus Domingues da Silva, O.P.
PRIÈRE
tu veilles sur tes peuples avec bonté,
et tu les gouvernes avec amour ;
par l’intercession du bienheureux pape Grégoire,
accorde un esprit de sagesse à ceux qui ont reçu de toi
la charge de conduire l’Église :
que les progrès du troupeau fidèle
fassent la joie éternelle de ses pasteurs.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit et règne avec toi
dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.