Homélie, 22ème dimanche du Temps Ordinaire

28 AOÛT 2022

Les premiers invités

Aujourd’hui, le frère Daniel Cadrin, O.P., nous rappelle la dynamique du Règne de Dieu à laquelle nous invités à participer: celle du don et de la gratuité.

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Homélie

Dans l’évangile aujourd’hui, nous entendons deux enseignements de Jésus, qui sont de nature différente : d’abord une parabole, portant sur les places à un repas de noces; puis, des conseils de sagesse, portant sur les invités à un festin. Les deux sont propres à Luc : on ne les trouve pas dans les autres évangiles.

Mais aussi, dès le début, ces paroles de Jésus sont situées dans un temps, un lieu et une activité très spécifiques. Quand : c’est le jour du sabbat, jour religieux par excellence consacré à Dieu. Où : dans la maison d’un chef des Pharisiens, groupe religieux fervent, vivant l’alliance avec Dieu au quotidien dans des pratiques bien codées. Quelle activité : un repas, moment privilégié de rencontre et de communion entre les convives.

Les paroles de Jésus, dans les deux cas, sont surprenantes. Elles ne s’inscrivent pas dans les normes habituelles régissant la vie en société et la bonne conduite aux repas. Elles proposent une autre dynamique de vie, qui brise les schémas spontanés et fait entrer dans un horizon autre et plus large, celui du Règne de Dieu.

La parabole met en scène des gens voulant être aux premières places. C’est là une logique fréquente, celle de l’ambition, du désir de gloire, de se mettre en avant, qui n’est pas mauvaise en elle-même. La parabole joue aussi sur deux sentiments, la honte et l’honneur, qui étaient des valeurs majeures dans le monde grec; et Luc écrit pour des chrétiens de culture grecque, sensibles à cela.

Mais voici que la logique habituelle est déplacée, virée à l’envers. Ce n’est pas moi-même qui peut m’accorder la meilleure place, qui la prend sans tenir compte des autres, mais elle est donnée par celui qui invite. Elle est un don à recevoir. Le repas de noces évoque celui du Règne de Dieu, à la fin des temps. Ce revirement que provoque l’Évangile dans les valeurs courantes, il se retrouve déjà dans la bouche de Marie en Luc, dans son Magnificat (Lc 1,47-55): Il disperse les superbes, il élève les humbles.

Et en même temps que Jésus en Luc appelle à un dépassement de nos réflexes premiers, il reste sensible aux sentiments profonds des cultures de l’époque (honte et honneur); et même il mise sur ceux-ci pour inviter à aller plus loin. C’est intéressant comme pédagogie du changement, sachant allier défi exigeant et réalisme.

Les conseils de sagesse sont tout aussi déconcertants. Face à la logique normale des invitations, celle du donnant-donnant, d’un échange où chacun cherche ses intérêts et y trouve son compte, Jésus propose une dynamique du don et de la gratuité. Elle est plus risquée et elle est désintéressée. Elle n’est pas centrée sur mon avantage. Comme dans la parabole des places, je ne suis pas au centre.

Ici, les invités sont significatifs. Ce sont ceux qui sont exclus de la vie sociale et religieuse du peuple : pauvres, estropiés, boiteux, aveugles. Eux aussi ont leur place au festin du Règne. Luc, tout au long de son Évangile et des Actes, souligne l’importance du partage des biens et du souci des pauvres. D’ailleurs, à la naissance de Jésus, ce sont des pauvres marginaux, des bergers, qui viennent les premiers lui rendre hommage. Ainsi, dans ces conseils comme dans la parabole, des convenances sont renversées, dans la ligne du don et d’un décentrement, d’une ouverture à l’autre et à d’autres.

Jésus nous appelle ainsi à entrer dans une dynamique différente de celle offerte par notre culture, par les grands médias. Il est question d’humilité et de don, de gratuité et de partage, et non de gloire et d’orgueil, de profit et de repli. Cela ne va pas de soi, aujourd’hui comme au temps de Luc. Et même avant. Ce que propose Jésus de Nazareth rejoint les conseils de sagesse d’un autre Jésus, fils de Sira (Ben Sira), dans la première lecture, qui proposait un idéal de sagesse au 2è siècle avant Jésus Christ à Jérusalem, conseils transmis plus tard par son petit-fils en Égypte.

Aujourd’hui, à quels déplacements, à quels changements, par rapport aux façons habituelles de voir et de faire, suis-je appelé-e par cet évangile? Cela peut être un petit pas, un simple geste, qui semble sans éclat mais qui m’aiderait à dépasser mon goût de me mettre en avant, et me ferait entrer dans une dynamique plus libre et décentrée, m’ouvrant au don et à la gratuité. Et qui pourrions-nous inviter à nos rencontres, pour élargir le réseau habituel et nous ouvrir à d’autres réalités, à d’autres personnes moins fréquentées? Pour que les invités au festin soient nombreux et joyeux.

Aujourd’hui, 28 août, c’est aussi la fête de saint Augustin. Un Nord-Africain, chercheur de Dieu, évêque, docteur de l’Église, qui a marqué profondément la tradition chrétienne et la culture occidentale par sa réflexion théologique et son génie littéraire. Dans sa Catéchèse des débutants, ses conseils au diacre Deogratias demeurent très actuels. Il lui dit: L’important, c’est d’instruire dans la joie. Augustin a aussi marqué bien des communautés religieuses, dont les Dominicains, qui ont adopté sa règle de vie communautaire. Et la Règle de Saint Augustin commence ainsi: Avant tout, frères très chers, aimons Dieu, aimons le prochain. Elle commence par l’essentiel.

Rendons grâce au Père des miséricordes pour le festin déjà commencé et à venir et pour le don de son Fils, médiateur d’une alliance nouvelle. Amen.

Fr. Daniel Cadrin, O.P.

 

PRIÈRE

Dieu de l’univers,
de qui vient tout don parfait,
enracine en nos cœurs l’amour de ton nom ;
augmente notre foi pour développer ce qui est bon en nous ;
veille sur nous avec sollicitude,
pour protéger ce que tu as fait grandir.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
∞ Amen.