Homélie, 21ème mardi du Temps Ordinaire

Nous connaissons tous la question du jeune homme riche : « Que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle »? (Mt 19, 16) Cette question, toutes les personnes qui portent le projet de suivre Jésus doivent nécessairement se la poser, et surtout à partir du moment où elles entrent dans la vie adulte. Elles doivent même se la poser régulièrement tout au long de leur vie. Si la réponse que Jésus a donnée au jeune homme riche est peu développée, il reste que Jésus a répondu à cette question, de différentes manières, tout au long de son ministère.

À ce propos, le passage évangélique du jour nous renvoie, au moins indirectement, au texte des Béatitudes (cf. Mt 5, 1-12). On trouve là ce qu’on pourrait appeler la liste des consolations que Jésus promet aux personnes qui cherchent vraiment à entrer dans le Royaume de Dieu : Heureux les pauvres de cœur, heureux les miséricordieux, heureux ceux qui ont faim et soif de la justice… La voie à emprunter y apparaît clairement. Mais Jésus a pris soin aussi de présenter des voies à éviter. Il l’a fait en présentant une liste de malédictions qui allaient frapper les personnes qui refuseraient de prendre en compte les exigences des Béatitudes. C’est pourquoi il va répéter à plusieurs reprises : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites…» (cf. Mt 23, 1-36).

Dans le passage évangélique du jour, on voit Jésus mettre en garde les gens qui faisaient confiance aux scribes et aux pharisiens. Il les invitaient à ne pas les prendre pour modèles de conduite. Bien sûr, Jésus ne condamnait pas tous les scribes ni tous les pharisiens. Il visait une portion d’entre eux qui profitaient de leur autorité pour mal orienter les personnes qui, tout à la fois, prêtaient l’oreille à leurs discours et étaient tentés de reproduire leurs comportements contradictoires.

L’un des travers qu’il dénonce, c’est le fait que certains scribes contournent l’essentiel de toute véritable démarche religieuse. Au lieu de placer dans leur vies la justice, la miséricorde et la fidélité comme valeurs à privilégier, ils ne s’occupent que de pratiques rituelles tout à fait secondaires. Le second travers qu’il dénonce, c’est le fait de refuser toute véritable conversion intérieure. Ce que ces scribes et pharisiens hypocrites recherchent, c’est la reconnaissance sociale. En conséquence, ils favorisent l’apparence de la piété et de la soumission aux règles religieuses. Ils évitent ainsi de chercher à purifier le fond de leur cœur, c’est-à-dire l’intérieur de la coupe. Tout devient alors superficiel dans leur démarche dite de foi.

L’exégète française Marie-Noëlle Thabut prend bien soin d’indiquer, à l’étape de l’actualisation de ce passage évangélique, que toutes les personnes en autorité trébuchent souvent à la manière de certains scribes. En effet, que de personnes, dans le monde social et politique, sont particulièrement attentives à l’appréciation reçue du public. Le « bien paraître » est très important quand on exerce une fonction dans ces univers. Ce qui compte alors trop souvent, ce n’est pas d’abord le service à rendre aux autres, à la population, ce n’est pas la justice à défendre, mais l’« image à projeter ». D’où, dans le langage évangélique, le refus plus ou moins poussé des Béatitudes. De la sorte, trop de gens empruntent la route qui détourne de l’entrée dans le Royaume de Dieu. Et la question du jeune homme riche est alors plus ou moins étouffée : « Que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle? »

Une fois de plus, cette parole d’Évangile vient nous rappeler que seul Dieu peut vraiment nous tirer de nos aveuglements et nous faire goûter à la joie de son Royaume.

Fr. Jean-Louis Larochelle, O.P.

PRIÈRE